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Incontournables
par Lise Famelart - le 22/06/2022
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par Lise Famelart - le 22/06/2022

Rencontre avec Alicia Jaraba, autrice de Celle qui parle

En mars dernier sortait Celle qui parle, d’Alicia Jaraba chez Grand Angle. L’album a tout d’un OVNI : une autrice espagnole raconte l’histoire d’un célèbre personnage d’Amérique centrale. C’est beau, c’est captivant, et c’est surtout la première BD dont elle signe à la fois le dessin et le scénario. Dans le cadre du Lyon BD festival, on a eu l’occasion de rencontrer l’artiste.

Celle qui parle raconte l’histoire de Malinalli, fille du chef d’une tribu déchue du Mexique, vendue comme esclave. Lorsque les conquistadors espagnoles débarquent sur ces terres, Malinalli y voit une opportunité pour s’extirper de sa condition : elle devient interprète pour les envahisseurs. C’est donc une linguiste de la première heure, et ce n’est pas un hasard si Alicia Jaraba fut elle aussi linguiste.

Deux linguistes à deux époques différentes

“J’ai étudié la littérature espagnole et française pendant sept ans. Après avoir fini mes études j’ai pris une année pour étudier le dessin. Ça a tout changé parce que j’ai rencontré des gens qui voulaient vivre du dessin, donc je me suis rendue compte que c’était possible. Après ça j’ai quand même fait une année comme assistante d’espagnol, et là j’ai découvert que je n’aimais pas du tout être prof.”

C’est une visite au festival d’Angoulême qui permet à Alicia Jaraba de sauter dans le grand bain de la BD. Elle présente son travail à des éditeurs, et sa carrière est en route.

“Au festival il y avait des auteurs italiens, espagnols, portugais qui présentaient leur travail, et ils ne parlaient pas français. Alors j’ai joué le rôle d’interprète auprès de l’éditrice. Mes compétences de linguiste m’ont ouvert des portes !”

Raconter un personnage controversé

En Amérique centrale, Malinalli est loin d’être aimée de tout le monde. Alicia Jaraba explique qu’on l’appelle “chingada”, qu’on peut plus ou moins traduire par “putain”. Réduite à l’esclavage sexuel après avoir été vendue, elle a vu dans l’arrivée des conquistadores l’occasion de s’affranchir, et ça a effectivement marché. Mais on sait bien tout le mal qu’a causé l’arrivée des colons au “nouveau monde ».

“Le Mexique est un pays qui a dû trouver une identité propre très rapidement lors de son indépendance. Les mexicains ont dû écrire leur histoire très vite, c’est pour ça qu’il y a beaucoup des méchants et des gentils.”

Mais Malinalli est surtout une survivante de l’esclavage sexuel. Celle qui parle est un récit de femmes qui s’entraident face à l’adversité : l’héroïne va trouver des alliées dans les villages visités, la tribu qui l’a enrôlée, et même au sein du groupe de conquistadores. Peut-on dire de fait que Celle qui parle est un récit féministe ?

“Ce n’était pas le but au départ, mais puisque je suis une femme du vint-et-unième siècle qui apporte son point de vue je pense que oui, on peut dire que c’est un récit féministe. Mais dans cette histoire il y a d’autres choses plus importantes pour moi, comme la considération de la langue comme quelque chose de puissant.”

Et après ?

Avec Celle qui parle, Alicia Jaraba a prouvé qu’elle était une autrice complète : l’oeuvre est à la fois passionnante et esthétiquement très réussie. Forcément, on s’attend à d’autres chouettes projets dans les années à venir.

“Je travaille sur un autre projet chez Grand Angle que j’ai écrit moi-même. Ça va être plus court, ce sera quelque chose de plus léger, un récit intimiste avec le sous marinisme et la vie en van comme toile de fond.”


Illustrations © Alicia Jaraba / Grand Angle

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