Depuis la mort du calife al-Hakam II, c’est son fils Hicham II qui règne. Mais le nouveau souverain n’a que onze ans, et il est bien en peine de prendre la moindre décision. Evidemment, c’est le vizir al-Mansur qui gouverne a sa place, et l’homme n’a pas les ambitions de connaissance et de savoir pour tous des anciens califes. Il veut le pouvoir, et l’argent !
Les religieux radicaux lui offrent une voie toute tracée vers cette puissance, mais à une seule condition : supprimer les traces de savoir grec, indien, perse, et toutes ces bêtises sur les philosophies ou encore les mathématiques. Car seul Dieu sait tout ! Le vizir décide alors d’envoyer un message sans équivoque à ses alliés en mettant le feu à la majestueuse bibliothèque de Cordoue. Tarid est un eunuque rondouillard pas très aventureux. Mais quand il apprend que la bibliothèque va être incendiée, il n’a plus qu’une chose en tête : sauver les livres !
Il en charge donc un maximum sur le dos d’une vieille mule, et part sur les routes en compagnie de Lubna, esclave affranchie, et Marwan, voleur maladroit. Jusqu’où iront-ils avec leur vieille mule, sans le sous, surchargés, alors que les gardes du vizir les prennent en chasse ?
Bienvenue dans le temple du savoir au dixième siècle !
Au fil des pages, le passionné Tarid va chérir et raconter ses précieux livre, tout plus importants les uns que les autres. En racontant l’histoire de ces trois outsiders en fuite, c’est aussi l’histoire d’une guerre contre l’obscurantisme que Lupano et Chemineau déroulent.
Le dessin de Chemineau est d’ailleurs un délice : les lumières et les couleurs de Cordoue, ville éclairée par la connaissance, sont magnifiques et donnent envie de plonger dans le livre. Ce qui capte directement l’attention aussi, ce sont les personnages, hyper expressifs au point ou cela en devient drôle. L’expression un peu empotée de l’eunuque, la soif de pouvoir du vizir, la stupidité du jeune calife, et la fourberie de Marwan… on croirait presque entendre les personnages tant ils sont expressifs.
Le contexte historique n’est pas un prétexte pour raconter une histoire : Lupano et Chemineau proposent un récit très référencé, bourré d’anecdote sur la vie à l’époque ou encore les peuples qui cohabitent dans cette partie du globe. Les dernières pages de l’ouvrage reviennent sur les différents autodafés qui ont eu lieu dans le monde depuis cette histoire, et donnent encore plus de sens au récit : La Bibliomule de Cordoue est un livre sur l’importance des livres.
La Bibliomule de Cordoue de Wilfrid Lupano & Léonard Chemineau, Dargaud
Illustration principale : © Chemineau / Dargaud
