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par LiseF - le 4/11/2018
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par LiseF - le 4/11/2018

L’Inktober : plaisir pour les yeux, pression pour les artistes ?

Mercredi s'est terminé l'Inktober, un challenge de plus en plus suivi sur les réseaux sociaux. Le but : réaliser un dessin par jour pendant tout le mois d'octobre. Au départ, le challenge consistait à utiliser uniquement de l'encre (d'où le nom, ink signifiant encre), mais au fur et à mesure que le challenge s'est démocratisé, de nombreuses techniques ont été utilisées. Aujourd'hui, les dessins sont hyper variés et on peut découvrir tout un tas d'oeuvres en suivant le hashtag.

Pour les curieux, c'est une source d'inspiration inépuisable, des tas d'artistes à découvrir, des oeuvres de plus en plus travaillées au fil des années à contempler. Mais quid des artistes ? Cette année, j'en ai vu plusieurs partager leurs angoisses au sujet de ce challenge sur les réseaux sociaux. Si l'Inktober est un moyen de se faire connaître, c'est aussi devenu pour beaucoup d'entre eux une vraie pression...

Se faire connaître par de nouvelles personnes

Karensac dessine la série Aubépine chez Dupuis, qui en est à son second tome sur quatre. Voici quatre ans qu'elle tente le challenge, et c'est la première fois cette année qu'elle réussit à réaliser les 31 dessins. Elle m'explique pourquoi elle a décidé cette année encore de se prêter au jeu.

"J'ai décidé de faire l'Inktober parce que l’année dernière j’avais presque réussi, mais j’ai craqué à dix jours de la fin. Là je n'ai que quatre mois pour boucler Aubépine 3 dont je n'ai pas beaucoup de temps, alors je me suis posé des contraintes qui m'ont permis d'être efficace."

Les contraintes sont simples : tous ses dessins sont réalisés sur des feuilles de 9 sur 9 centimètres, dans des ronds de six centimètres de diamètre. Chaque dessin représente un animal pratiquant la magie. Et c'est tout ! Poser un cadre, ça rend l'exercice moins fastidieux.

Du travail non rémunéré

Et cette décision fonctionne : le 31 décembre, Karensak achève son Inktober tel un marathon. Ceux qui suivent ses réseaux sociaux savent pourtant que ça n'a pas été de tout repos. En partageant ses dessins, elle avoue parfois être fatiguée et en avoir un peu marre. Mais le jeu en vaut la chandelle : comme de plus en plus d'artistes se prêtent au jeu, de plus en plus de gens prennent connaissance du hashtag et le suivent.

"Avant c’était marginal, tu regardais le truc de loin, mais là c’est mondial, du coup t’as un peu la pression genre “je le fais ou pas...” Tu te dis que ça peut être une opportunité de gagner en visibilité. Avec l'Inktober ce mois-ci j’ai gagné 2000 abonnés sur instagram. Quand t’es artiste plus t’as de visibilité plus tu peux gagner du boulot pour manger."

Pas facile pour autant de réussir à décrocher le Graal des 31 dessins. Karensak m'explique qu'elle a parfois fait le choix d'en faire plusieurs d'un coup pour être sûre d'y arriver. Aurélien Fernandez est illustrateur, il dessine notamment pour Quelle histoire Mag et National geographic Kids, et cherche un éditeur pour son projet de BD. Il y a deux ans il a réussi à terminer l'Inktober, mais cette année il s'est arrêté à mi-parcours.

"Ça demande de l’énergie en plus. Monter des dossiers pour des éditeurs c’est déjà du travail qui n’est pas rémunéré, donc ce genre de boulot ça coupe sur mon temps de repos.  Et puis il y a aussi le fait qu’au début c’était un peu sympa, un peu bon enfant. Moi je trouve pas que ça se soit démocratisé, au contraire en un sens ça s'est “élitisé”, c’est devenu un truc de plus en plus quali, mais du coup ça devient plus compétitif..."

Il cite par exemple le travail d'Heikala : l'artiste a produit une grosse illustration en couleurs par jours, une tâche impressionnante. Mais ce travail peut aussi être rentabilisé, au sens propre. Beaucoup d'artistes vendent en novembre leurs originaux ou des prints. Karensak par exemple a décidé de vendre ses originaux au prix de 38 euros l'un.

Un niveau de plus en plus élevé

La "communauté de l'Inktober" n'est pas cruelle pour autant. Aurélien m'explique que lorsqu'il a annoncé qu'il arrêtait, il n'a reçu aucune remarque dégradante. 

"J’ai pas eu tellement de retours de ma communauté, j’ai l’impression que les gens qui sont actifs c’est surtout les créatifs : ceux qui consomment et qui regardent sont plus silencieux. Au bout du compte on se congratule quand même mutuellement à la fin du mois quand c’est fini !"

Il m'explique que même si le niveau est devenu assez dingue au fil des années, ceux qui choisissent de partir sur des productions plus modestes ne sont pas non plus vus d'un mauvais oeil. Si les critiques du public sont généralement assez bienveillantes, c'est surtout l'auto-critique qui peut faire mal. Selon Karensac, le niveau de plus en plus impressionnant des Inktober chaque année peut mener certains artistes à douter.

"Il ne faut pas se comparer aux autres : j’ai une copine qui l’a fait et qui débute vraiment, elle a arrêté parce qu’elle se comparait aux autres."

Si l'Inktober est un mois plutôt festif qui permet de découvrir une foule de nouveaux artistes, il y a un envers du décor. Il s'agit de travail non rémunéré, qui peut permettre aux artistes de ramener de nouvelles personnes dans leur communauté. Aujourd'hui, une communauté est devenue presque incontournable pour être édité, obligeant les auteurs à devenir aussi community managers.

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