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par LiseF - le 8/07/2019
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par LiseF - le 8/07/2019

Précarité des auteurs de BD : vers une rémunération des dédicaces ?

L'image d'illustration est extraite du vlog de Casabulle au Lyon BD festival 2016

Voilà plus d'un an que les auteurs ont tiré la sonnette d'alarme : leur situation est en crise et les mouvements de protestation s'organisent. En mars 2018 le salon Livre Paris avait décidé dans un premier temps de ne pas payer les auteurs pour leurs conférences et ateliers. L'initiative avait mené la naissance du hashtag #Payetonauteur où ces derniers protestaient contre ce choix dans un premier temps, puis contre leurs conditions de travail de manière général.

Plus d'un an plus tard, les auteurs estiment ne toujours pas avoir obtenu gain de cause. En septembre la Ligue des auteurs professionnels a été créée, comptant plusieurs auteurs de BD tels que Joann Sfar, Aurélie Neyret, Cy ou encore Maliki. Et dans ce cheminement, un nouveau questionnement agite en ce moment les réseaux sociaux : faut-il rémunérer les auteurs en dédicaces ?

La dédicace payante, "contre nature" ?

En effet, si les conférences et ateliers sont généralement rémunérés en festivals, ce n'est pas le cas des séances de dédicaces. Le débat est parti d'une déclaration de Jacques Glénat aux rencontres nationales de la librairie, relevée par Actualitté

"Qu'on soit payé pour signer un livre, je trouve cela presque contre nature, car l'auteur est content de partager son travail avec les gens, d'entendre des questions, des commentaires... Ce serait un rapport un peu bizarre."

Certes, en France les auteurs ne sont pas payés pour leurs séances de dédicaces, ni par le salon ou la librairie qui invite, ni par le lecteur. Pourtant, la remarque de Jacques Glénat a fait grincer des dents. Sandrine Deloffre, autrice et coordinatrice du Lyon BD festival, s'est fendue d'un sondage sur twitter, qui a fait bondir plusieurs artistes.

54% de ses followers ignoraient que les auteurs n'étaient pas payés pour leurs séances de dédicaces. Par la suite, l'autrice a publié un second sondage et 88% des votants ont indiqué qu'ils estimaient que cette situation n'était pas correcte.

La dédicace gratuite, une "tradition"

D'où l'intitulé de cet article : doit-on aller vers des dédicaces payantes ? Poser la question en France, temple de la bande dessinée, est encore compliqué. En effet, la dédicace gratuite, rencontre avec l'auteur, est vue comme une tradition : il n'y a qu'à voir les propos de Jacques Glénat qui considère l'idée de payer pour une dédicace comme "contre-nature". Aux États-Unis par contre, le milieu fonctionne avec un système de commissions. Shyle Zalewski, artiste à l'origine de l'album Grenadine chez Lapin, a exposé son point de vue :

"Je suis contre. Genre vraiment. Personnellement et vu les chiffres du lectorat en BD, je pense pas être solo dans ce cas, mon public est surtout ado ou étudiant. Même s'il me serait difficile d'oublier ces années de galère financière, je vois de toute façon mes lecteur·ices en dédi, qui parfois galèrent déjà à payer un petit livres, alors que j'ai des fanzines à 5 euros." 

Quel que soit l'acteur qui doit payer, le problème se pose toujours : si on exige des festivals de rémunérer les auteurs qui dédicacent, les plus petits événements risquent de couler. Idem pour les éditeurs : les plus gros auront peut-être les moyens, mais les petits n'auront peut-être plus la possibilité d'envoyer leurs auteurs dans les événements. Et ce serait problématique, car les petits éditeurs font souvent preuve d'audace dans leurs choix de publication, et sont par conséquent nécessaires au paysage éditorial français.

Des solutions alternatives ?

Et si on trouvait des solutions innovantes ? Lors de son live consacré à la couverture du prochain tome de Donjon, Boulet a pris le temps de discuter avec les spectateurs de cette problématique. Selon lui, on pourrait mettre en place un système de commission comme aux États-Unis, où les lecteurs pourraient obtenir de très belles pièces sur leurs livres. Les dessins gratuits eux, seraient maintenus mais seraient plus rapides. L'occasion pour l'auteur et le lecteur de se rencontrer, mais ce dernier devrait payer pour un dessin plus approfondi.

Certains ont déjà adopté ce principe : lors d'une interview à propos de La mort vivante, Alberto Varanda nous expliquait qu'il avait arrêté de faire des grandes dédicaces en couleurs. L'artiste avait retrouvé une de ses illustrations sur Ebay, quelques minutes seulement après l'avoir réalisée pour un lecteur en dédicace.

Une association, qui souhaite rester anonyme pour l'instant, explore une autre piste : celle du crowdfunding. l'idée serait de demander aux artistes invités d'un festival de fournir quelques visuels pour la constitution d'une revue, qui serait proposée en amont en financement participatif. Les bénéfices seraient redistribués aux auteurs. L'un des membres de l'association m'explique :

"L'idée c’est de mettre à contribution les lecteurs qui ont un peu d'argent et les collectionneurs. D’un côté on comprend les auteurs vu la situation actuelle, d’un autre c’est dommage de faire payer les visiteurs occasionnels, les familles..."

Le projet fait son chemin mais n'est pas encore officialisé. Comptez sur nous pour vous en dire plus dès que celui-ci sera en route.

Ce type d'initiative est une des solutions envisageables. En septembre l'artiste Frédéric Peynet nous racontait son burn-out de la dédicace. Quand on sait à quel point les salons peuvent être épuisants pour les auteurs, il est peut-être temps de mettre en oeuvre ce type de solutions.

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