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par Elsa - le 21/09/2017
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par Elsa - le 21/09/2017

Betty Boob, la critique

Véro Cazot, scénariste du remarqué diptyque Et toi quand est-ce que tu t'y mets ? qui traitait de la pression de l'entourage sur les femmes ne désirant pas d'enfant, revient aux côtés de Julie Rocheleau (La colère de Fantomas, La Petite Patrie) pour un titre qui nous interroge sur la manière dont la société voudrait normer le corps des femmes.

Reconstruire.

Elizabeth possède une joie de vivre à toute épreuve. Même quand elle est atteinte d'un cancer du sein, même quand elle doit subir une mastectomie, même quand son amoureux perd ses moyens face à son corps changé. Fragilisée, bouleversée, elle choisit toujours de regarder les choses sous leur meilleur angle et d'inonder le monde de son sourire.

Mais quand son amoureux la quitte, qu'elle perd son travail et qu'elle se retrouve seule face à ce corps que la société ne trouve pas assez conforme, Elizabeth se sent vraiment perdue, se raccrochant à sa perruque, à des prothèses de fortune, pour rentrer dans le moule de la normalité.

Se perdre, c'est parfois emprunter le bon chemin, et la providence met une troupe burlesque sur la route de notre héroïne, lui offrant là une belle opportunité de réapprendre à rire, à aimer, à s'aimer, à savourer la vie pleinement, comme elle a toujours sur le faire, au fond d'elle.

Une joie de vivre contagieuse.

Véro Cazot et Julie Rocheleau nous offrent ici un petit bijou de délicatesse, abordant avec intelligence et tendresse des sujets difficiles et douloureux. Le cancer, le rejet par la société et par les gens qu'on aime, face à un corps qui n'est plus 'dans la norme', la solitude. L'histoire d'Elizabeth, devenant Betty Boob, oscille joliment entre le réalisme et le farfelu, des émotions toutes en justesse et beaucoup de poésie. 

Le récit est quasiment muet, contemplatif et pourtant plein d'énergie. Elizabeth nous entraine dans sa course folle, combative, sensible, incroyablement attachante. Les planches de Julie Rocheleau ont un côté très cartoon, qui évoque forcément les aventures de Betty Boop, mais qui rend aussi l'héroïne et ceux qui gravitent autour d'elle incroyablement vivants. Son trait fin, joyeux, très beau, met l'humain et ses émotions au centre de tout. Dans une explosion de couleurs, Elizabeth vit, nous charme et nous bouleverse. Cent soixante huit pages, presque aucun dialogue et pas une longueur. Les deux autrices donnent le temps à leur héroïne de nous raconter son histoire.

Betty Boob aborde le sujet des femmes amazones, celles qui, après une mastectomie, ne font pas de reconstruction mammaire (un très bel article sur le sujet a été publié sur Slate récemment). Un sujet délicat traité avec brio, tant Véro Cazot et Julie Rocheleau couvent leur héroïne d'un regard doux et bienveillant. Entre les lignes, elles nous questionnent. Qu'est ce qu'un corps féminin 'normal' ? En réalité c'est simple : il y a autant de réponses qu'il y a de femmes. Mais dans les faits, notre société impose aux femmes ce qu'elles devraient être et ne tolère aucun écart à ses critères inatteignables. Elizabeth réapprend à s'aimer, à aimer son corps qui fait partie de ce qu'elle est. C'est un récit bourré d'optimisme, très doux et joyeux, qui est un appel à être plus bienveillants, envers ceux qui nous entourent comme envers nous-même. Mais c'est aussi une représentation positive d'une jeune femme qui, comme beaucoup d'autres, a affronté avec force et courage sa maladie. Une forme d'hommage à tous ceux qui se battent pour retrouver farouchement leur joie de vivre.

Betty Boob est une bande dessinée belle, bouleversante et nécessaire, pleine de bienveillance, de bonne humeur et de justesse. Un énorme coup de coeur.

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