Illustration de l'article
Critiques
par Thomas Mourier - le 18/09/2023
Partager :
par Thomas Mourier - le 18/09/2023

Brontëana, Paulina Spucches brosse le tableau de la saga Brontë

Avec ce titre très graphique Paulina Spucches raconte l’histoire de la famille Brontë en prenant pour point d’entrée le destin de Anne, la moins connue des 3 sœurs écrivaines, qui pourtant à laissé sa marque autant que ses aînées.

Si la postérité a surtout retenu Jane Eyre de Charlotte Brontë et Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë, la jeune Anne Brontë fut l’autrice de deux romans également, dont La Locataire de Wildfell Hall que Charlotte refusa de republier après la mort de sa cadette. 

L’histoire de la famille Brontë est aussi complexe que riche, avec ces 4 enfants créatifs à l’origine de deux œuvres littéraires collectives : les royaumes imaginaires de Glass Town pour les 4 et de Gondal pour Emily et Anne. Puis les œuvres individuelles des 3 sœurs : Jane Eyre, Shirley, Villette, The Professor pour Charlotte, Les Hauts de Hurlevent pour Emily, Agnes Grey, et La Locataire de Wildfell Hall pour Anne.

L’album de Paulina Spucches propose une balade colorée dans les biographies de ces héroïnes littéraires, avec des moments choisis et un parti-pris romancé qu’elle explique dans une postface où elle donne aussi des conseils de lecture pour appréhender la riche histoire des Brontë.

Les hauts (et les bas) à Hurlevent

À travers 190 pages toutes à la gouache, Paulina Spucches représente les paysages caractéristiques des moors, ces landes de bruyères, genêts et buis qui offrent des panoramas colorés dans les montagnes du West Yorkshire au nord de l’Angleterre. Une végétation indissociable de la littérature romantique des sœurs Brontë qui y passent leur vie, à Haworth plus précisément, dans un presbytère devenu aujourd’hui musée. 

Une plongée dans l’enfance où les 3 filles et leur frère inventent ces mondes fictionnels et jouent à des jeux d’écriture jusqu’à la rédaction plus audacieuse de poésies et romans une fois adultes. Après plusieurs tentatives compliquées, les sœurs Brontë inventent des pseudonymes pour pouvoir publier : Charlotte, Emily et Anne Brontë seront désormais Currer, Ellis et Acton Bell pour signer leurs livres. Des alter-égos masculins gardant leurs initiales qui leur permettront d’être publiés à Londres. Succès immédiat pour Jane Eyre mais plus difficile pour les autres, même pour les Hauts de Hurlevent considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands textes de la littérature anglaise. 

Des textes qui ont eu du mal à percer dans cette société du 19e siècle par leurs prises de position, leurs points de vue et les sujets abordés. Ces romans s’intéressent à un pan nouveau : la condition des femmes à cette époque. Avant-gardistes, les fictions des Brontë vont soulever autant d’enthousiasme que de critiques amenant Charlotte à gérer maladroitement les œuvres de ses sœurs, brûlant probablement le second roman d’Emily et refusant de republier le plus intéressant d’Anne après leurs morts. 

Car, entre les livres et les paysages bucoliques rode le fléau des Brontë, la maladie. Maria et Elizabeth les aînées sont mortes à 11 et 10 ans, leur frère Branwell à 31, Emily à 30 en 1848, Anne à 29 ans en 1849 et Charlotte à 38 ans en 1854. 

Dans Brontëana, l’autrice donne à voir cette vie austère en dehors de l’écriture, entre les positions de professeures ou gouvernantes qui conviennent, celle oisive du frère et la religion du père. 

Pour illustrer ces vies différentes sur plusieurs années, Paulina Spucches se donne beaucoup de liberté dans les compositions, le dessin et la couleur. Les planches sont réalisées à la gouache, en couleur directe et alternent entre pleines pages, planches découpées en cases, cases imbriquées, scènes de rêves et compositions libres. La mise en scène varie selon les représentations, s’il faut illustrer les jeux littéraires, les passages biographiques, la maladie ou les métaphores graphiques. 

La dessinatrice nous embarque par ses choix de couleurs, inspirées par les paysages locaux lors de ses voyages pour se documenter sur place, et sa palette qui colle avec cette époque du romantisme littéraire à laquelle appartiennent les romans des Brontë. 

En 2021, Paulina Spucches a publié son premier livre, une biographie de Vivian Maier —Vivian Maier, À la surface d’un miroir— conduite par de très belles reproductions de photos à la peinture  ; avec Brontëana elle confirme son talent pour donner l’envie de redécouvrir les œuvres de l’artiste choisie, tout en imprimant sa patte dans nos mémoires. 

Brontëana de Paulina Spucches, Steinkis


Tous les visuels sont © Paulina Spucches / Steinkis

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail