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par Thomas Mourier - le 13/11/2023
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par Thomas Mourier - le 13/11/2023

Histoire de France au féminin : et si ce que l’on apprenait n’était pas fondé sur de bonnes bases ? 

Avec ce livre, Sandrine Mirza et Blanche Sabbah remettent à jour notre vision de l’histoire de France et ses grandes figures, mais questionnent également notre conception même de l’apprentissage de l’histoire. Un format documentaire ludique qui s’adresse à toutes & tous, des ados jusqu’aux adultes, dans une approche à la fois très accessible et précise.

À l’heure où l’écriture inclusive et le vocabulaire sont un sujet de société fort et que le Président de la République déclare que « le masculin fait le neutre, on n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre illisible » (dans son discours du 30 octobre 2023 à Villers-Cotterêts) on ne peut que se réjouir de voir paraître des livres comme cette Histoire de France au féminin qui revient en profondeur sur ces règles qui sont loin d’être neutres.

Mieux, ce documentaire en bande dessinée questionne également la conception de l’histoire en France et son enseignement qui a vu le jour dans l’un des siècles les plus misogynes, le 19e siècle. Pour se faire, l’historienne Sandrine Mirza et la dessinatrice Blanche Sabbah se sont appuyées sur les travaux les plus récents —l’imposante bibliographie proposée en fin de volume vous donnera pas mal de pistes— ainsi que sur l’expertise de l’historienne & professeure Yannick Ripa, qui signe également la préface du livre.

Quelle époque !

En 140 pages les autrices revisitent la chronologie et la hiérarchie des époques présentées habituellement comme références dans nos livres scolaires, pour mettre en avant des figures historiques habituellement absentes, revenir sur des idées reçues ou remettre en question des automatismes de pensée.

© Sandrine Mirza / Blanche Sabbah / Casterman

De nos jours Chloé et Jules questionnent leur grand-mère Mamina sur l’Histoire ; et ce récit-cadre va permettre aux autrices de revenir sur plusieurs notions à travers les siècles. Et via les explications ou les portraits que fait Mamina à sa famille on (re)découvre l’Histoire puis les liens entre hier et aujourd’hui grâce aux questions des deux ados.

Chloé et Jules découvrent alors que non seulement leur apprentissage de l’histoire de France est organisé autour d’une vision très masculine, mais que les droits ou la condition des femmes se sont plutôt dégradées au fil des siècles avant un passé très récent. Que ce soit en termes de lois, d’usages ou même de mode vestimentaire, les autrices reviennent sur chaque période historique et les impacts positifs ou négatifs qui ont suivi pour les femmes.

Une fresque ininterrompue…

D’abord l’histoire a longtemps été écrite uniquement par des hommes. Ils ont donc privilégié une vision masculine du monde” rappelle la grand-mère au tout début du livre avant de remettre en contexte la place des femmes à travers ce qu’on connait de leurs activités, métiers, traces.  

© Sandrine Mirza / Blanche Sabbah / Casterman

Puis pour chaque période, elle complète avec des portraits de femmes célèbres : politiques, artistes, scientifiques, journalistes, activistes… elles ont en commun d’avoir marqué l’Histoire, mais d’avoir été écartées du récit national. On découvre que pas mal d’historiens, penseurs, philosophes influents —et parmi ceux qu’on retient aujourd’hui— tiennent des propos misogynes et on contribué à l’invisibilisation des femmes dans la mémoire collective. Dans Les grandes oubliées : Pourquoi l’histoire a effacé les femmes, Titiou Lecoq explique également que non seulement les femmes célèbres ont été écartées, mais elles l’ont été plusieurs fois : plusieurs fois redécouvertes et plusieurs fois écartées. Un cycle complexe qui montre l’importance des ouvrages comme ceux-ci, et d’autres, à l’heure où un Président de la République peut dire que « le masculin fait le neutre » dans un débat sur les évolutions de la langue en regard de la société.

Dans cet ouvrage, les autrices ont à cœur de mettre en avant ces pionnières, mais aussi les anonymes, ce travail passe par un gros travail de dessin à la fois précis dans ses représentations historiques maïs porté par un ton humoristique et léger qui colle avec les autres travaux de Blanche Sabbah. En miroir de ces représentations précises, elle invente un archétype graphique du misogyne qui garde un air de famille au fil des siècles, comme pour incarner visuellement ce fil rouge.

Le dessin dynamique permet aussi de faire passer l’énorme quantité d’informations proposées et ce livre très dense reste très agréable à lire. Une somme de travail pour ces autrices qui explorent depuis quelques livres l’histoire et la mythologie pour Sandrine Mirza et l’influence de la fiction sur la réalité pour Blanche Sabbah. Un livre qu’on aimerait faire lire à toutes les générations, et avec ces 10 000 exemplaires déjà vendus en quelques mois c’est bien parti pour !

Si comme moi, vous voulez en savoir plus, je vous invite à découvrir le dernier live avec la dessinatrice Blanche Sabbah :

Histoire de France au féminin de Sandrine Mirza & Blanche Sabbah, Casterman


Toutes les images sont © Sandrine Mirza / Blanche Sabbah / Casterman

© Sandrine Mirza / Blanche Sabbah / Casterman
© Sandrine Mirza / Blanche Sabbah / Casterman
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