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par Baptiste Gilbert - le 27/03/2023
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par Baptiste Gilbert - le 27/03/2023

La Flèche Ardente : La suite du Rayon U d’Edgar P. Jacobs s’écrit 80 après

Le Rayon U d’Edgar P. Jacobs, est un récit culte de sa génération. Une œuvre précurseuse, dotée des qualités mais aussi des défauts inhérents à son époque. Avec La Flèche Ardente, Jean Van Hamme, Christian Cailleaux et Etienne Schréder lui rendent hommage tout en essayant d’adapter cet univers aux enjeux et aux représentations contemporaines.

80 ans après sa sortie, Le Rayon U, premier récit du futur créateur de Blake et Mortimer, se dote d’une suite conçue par Jean Van Hamme au scénario, et Christian Cailleaux et Etienne Schréder au dessin. Ayant tous trois officié sur des albums de Blake et Mortimer, ils sont pour le moins familiers de l’univers, du dessin et de l’écriture de Jacobs. Mais avant de parler de cette suite, rapide retour sur l’œuvre de 1943.

Une œuvre de son époque

Pour l’occasion, l’œuvre culte a droit à une toute nouvelle édition introduite par un prologue nous expliquant son origine : conçue à l’origine par Jacobs comme une suite aux aventures de Flash Gordon, il décide d’en faire une histoire originale en raison de la censure du héros américain, alors que la Belgique est sous occupation nazie. En cette période de guerre, cette histoire diffusée de manière hebdomadaire a diverti des milliers de lecteurs, leur permettant de s’échapper de leur terrible quotidien.

Inspiré notamment par Le Monde Perdu d’Arthur Conan Doyle et par King-Kong, Le Rayon U coche toutes les cases de la fiction “pulp” : machines futuristes (pour l’époque), aventure, exploration, civilisations perdues, esotérisme, dinosaures et autres monstres fantastiques. 

En fond, la thématique est celle de la course aux armements, l’histoire tournant notamment autour de la recherche d’un métal nommé Uradium permettant de finaliser la création d’une nouvelle arme surpuissante (le Rayon U du titre). Précurseur, lorsque l’on sait que la première bombe atomique ne sera finalisée que 2 ans après la publication. 

Mais on sent l’âge du récit à la manière dont cette course aux armements est traitée : l’objectif des héros est de s’emparer de ce minerai pour permettre la création de l’arme, et il est dépeint de manière positive. Les conséquences de la création de cette arme et le danger d’utiliser ce minerai sont évoqués, comme l’illustre la dernière phrase de l’album prononcée par le Prince Nazca, mais ne sont jamais des préoccupations centrales.

“Voici la pierre de vie et de mort … Celui qui la possède devient l’égal de Dieu, détenteur du Grand Secret … Mais prenez garde … Puncha Taloc est un dieu redoutable !!!”

Enfin, en tant qu’œuvre des années 40 et première grande histoire de Jacobs, l’album comporte de nombreux défauts et n’évite malheureusement pas certains stéréotypes omniprésents à cette époque.

Hommage et modernisation : difficile équilibre

Les auteurs de La Flèche Ardente sont bien conscients de ces défauts, et tentent comme ils le peuvent de corriger ce qui ne passe plus dans l’œuvre originale. Les personnages féminins et les personnages racisés, en particulier, sont dotés de rôles plus importants et intéressants. Toutefois, si des efforts certains ont été faits, les auteurs ne réussissent pas à se départir totalement des stéréotypes inhérents à l’œuvre originale. Sans doute l’équilibre était il compliqué à trouver entre modernisation et respect du travail de Jacobs. Mais on peut le regretter, surtout en connaissant le talent de Jean Van Hamme (Thorgal, XIII, Largo Winch, Lady S.) pour créer des personnages féminins forts et intéressants. 

© Jean Van Hamme / Christian Cailleaux / Etienne Schréder / Blake et Mortimer éditions

80 ans après, cette suite est également l’occasion de toucher à des thèmes rares à l’époque du Rayon U, notamment la colonisation et le lot de pillages, massacres, tortures et esclavagisme qui l’accompagnent. Cette fois-ci, les dérives de la course aux armements sont également un enjeu majeur : certains des héros du premier volume sont atteints de mégalomanie et cherchent à utiliser des pouvoirs bien trop grands pour eux (et pour l’espèce humaine de manière générale).

Au niveau de la forme, le respect pour la patte d’Edgar P. Jacobs est incontestable : le dessin, les couleurs, la narration sont tout à fait conformes et réveilleront les souvenirs nostalgiques de ceux qui ont connu cette époque de la bande dessinée. Sans doute pour le confort des lecteurs modernes, les auteurs ont tout de même dynamisé le tout : l’enchaînement des scènes autour de la trame principale est plus fluide que dans l’œuvre d’origine, le texte est moins omniprésent et des planches d’illustrations muettes apportent des moments de respiration bienvenus.

En résulte un objet étonnant, très daté dans sa forme (hommage oblige) qui lui donne un aspect délicieusement rétro, mais relativement actuel dans son propos et dans son rythme.

Cette suite inattendue à l’incontournable Rayon U, et la réédition de l’œuvre d’origine qui l’accompagne, constituent un bel hommage qui plaira aux amoureux d’Edgar P. Jacobs et aux amateurs des classiques du 9e art. Au-delà de ça, cette suite est l’occasion de se replonger dans ce qu’était la bande dessinée dans les années 40, qualités et défauts inclus, et de constater la belle évolution qu’a connu le médium depuis cette époque.

Avant Blake et Mortimer T1 – Le Rayon U, de Edgar P. Jacobs, Blake et Mortimer éditions

Avant Blake et Mortimer T2 – La Flèche Ardente, de Jean Van Hamme, Christian Cailleaux & Etienne Schréder, Blake et Mortimer éditions


Illustrations :

Le Rayon U © Edgar P. Jacobs / Blake et Mortimer éditions
La Flèche Ardente © Jean Van Hamme / Christian Cailleaux / Etienne Schréder / Blake et Mortimer éditions

© Jean Van Hamme / Christian Cailleaux / Etienne Schréder / Blake et Mortimer éditions
© Jean Van Hamme / Christian Cailleaux / Etienne Schréder / Blake et Mortimer éditions
© Jean Van Hamme / Christian Cailleaux / Etienne Schréder / Blake et Mortimer éditions
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