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par GuillaumeG - le 17/11/2018
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par GuillaumeG - le 17/11/2018

La Mort Vivante, un album captivant aux planches renversantes

Quatre ans se sont écoulés depuis le dernier album d'Alberto Varanda, dessinateur génial de Paradis Perdu, La Geste des Chevaliers Dragons, Elixirs, Petit Pierrot… C’est long, quatre ans…  Plus de 20 000 albums parus, des centaines de lectures, mais surtout l’impatience grandissante depuis l’annonce d’une collaboration inédite avec Olivier Vatine (Aquablue, Cixi de Troy, Niourk...) ! Quatre ans : c’est plus de temps qu’il n’en faut à un héros Marvel pour mourir et ressusciter, or, c’est bien ce thème de la résurrection qui est au cœur de La Mort Vivante.

Stefan Wul adapté en bande dessinée

Il s’agit de l’adaptation d’un roman de science fiction post apocalyptique de l'écrivain français Stefan Wul, initialement publié en 1958. L'histoire contée est celle de Martha, une femme mystérieuse et puissante inconsolable depuis le décès accidentel de sa fille survenu au cours de fouilles archéologiques sur la Terre, aujourd'hui dévastée et abandonnée par la plupart de ses habitants partis s’installer sur des planètes voisines. Elle nourrit l’espoir fou de ressusciter son enfant, dont elle a récupéré et conservé le corps. Pour cela, elle fait appel à Joachim, un jeune et brillant spécialiste en nanobiologie, assigné à résidence sur la planète Mars. Ce scientifique passionné y voit l'opportunité de reprendre ses propres travaux et accepte la proposition insensée de son nouveau mécène. Il se rend donc sur Terre, dans le gigantesque château de Martha, où l’attend tout le matériel nécessaire à cette singulière entreprise. Les recherches et expérimentations sont longues, laissant aux protagonistes vivant en totale autarcie l'occasion d'apprendre à mieux se connaître.

Durant cinq chapitres et plus de soixante-dix pages, le récit de Stefan Wul est parfaitement adapté par Olivier Vatine. Le rythme est entraînant, alternant, après une scène d'exposition efficace, les moments de tension, d'intimité, d'action presque horrifique. S'il est très difficile de retranscrire toute la profondeur et l’épaisseur développée dans un long récit, les personnages sont ici crédibles, intrigants et attachants. Léger bémol pour Martha dont les motivations ne sont pas toujours évidentes, mais ce qui a le mérite de contribuer à son aura mystérieuse.

La navigation est fluide entre passé, présent et futur, notamment par la représentation d’une planète Terre à l’abandon, livrée aux éléments naturels, qui contraste avec le fourmillement des néo-cités stellaires. Les thèmes abordés sont des classiques du genre : guerre entre les mondes, eugénisme, clonage... L'action reste cependant centrée sur les personnages qui jouent à Dieu et créent une créature digne des enfers dantesques. Les lecteurs de l’œuvre originale ne seront sans doute pas autant surpris que les néophytes pas la tournure pour le moins inattendue des évènements. La (sublime) dernière page ouvre littéralement un univers des possibles, rendant d’autant plus difficile sa fermeture.


Des planches à couper le souffle

Le talent d'Alberto Varanda, s'il avait encore besoin d'être démontré, éclate ici au grand jour, ou plutôt au grand soir vu l'obscurité qui entoure les personnages. Il n'a plus à rougir de la comparaison avec d'autres monstres du neuvième art. Son style convoque tour à tour François Schuiten (Les cités obscures), Andreas (Rork) pour sa précision dans les niveaux de gris et la multiplication des hachures, et même Mike Mignola (Hellboy) dans sa maîtrise de l’univers gothique !

Il fait preuve d'une générosité hors norme dans ses choix de mise en scène, les détails des décors, des accessoires, des costumes, donnant à l'ensemble un réalisme impressionnant. Quelques double-pages sans texte sont parmi les plus belles jamais publiées (en toute subjectivité). Le découpage est varié, dynamique : alternance de pleines pages, cases verticales, isolées, superposées, utilisation de la voix off, flash-back, ellipses… la narration tant scénaristique que graphique est un modèle de réussite !

La mise en couleur parfaite d'Isabelle Rabarot rappelle les travaux de Miles Hyman, par le jeu sur les clair-obscur et le choix de tonalités bien spécifiques pour chaque ambiance qui achèvent de donner à l'œuvre une identité forte, à la fois surranée et futuriste. Comix Buro et Glénat ne s'y trompent pas et proposent une édition de l'album en grand format noir et blanc (limitée à 1500 exemplaires pour les adeptes de collectionnite aiguë), un peu plus chère mais qui vaut le coup d’œil, ne serait-ce que pour admirer le talent brut de Monsieur Varanda.

Cet ouvrage se hisse aisément parmi les plus beaux albums de l'année 2018 et vous tiendra en haleine jusqu'à la dernière case. C'est une telle réussite à tous les niveaux qu'on ne peut que regretter d'en achever la lecture. Malheureusement, d’après le dessinateur, aucune suite n’est prévue puisque la fin de l’album respecte scrupuleusement celle de l’écrivain. Dans tous les cas, s’il vous plaît messieurs, revenez nous vite ! Parce que quatre ans c’est définitivement trop long... La Mort Vivante est disponible chez Glénat au prix de 15,50 euros

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