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par Otxoa Fernandino - le 25/08/2022
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par Otxoa Fernandino - le 25/08/2022

ReV : métavers de papier

Et s’il existait un monde virtuel, qui nous fasse vivre ou revivre nos rêves, dans le but de nous proposer une quête initiatique la plus introspective possible ? Bienvenue dans ReV !

La VR (Virtual Reality, ou réalité virtuelle en français) et le métavers sont de plus en plus présents dans les médias. Déjà que la production d’objets culturels sur ce thème était conséquente, on peut dire qu’elle a encore de beaux jours devant elle. Mais dans cette production colossale, il est rare de trouver une œuvre qui sort du lot. Avec ReV, on découvre un nouveau genre de casque à réalité virtuelle, les “psymulations”, qui font vivre l’expérience la plus immersive et introspective possible à leur utilisateur. Leur secret ? Les univers proposés sont produits à partir des rêves des utilisateurs. 

Une Quête initiatique dans un monde onirique

Dans ReV, on suit Gladys, une néophyte de la VR, qui s’y essaie, pour une première session. Elle est guidée par un certain Mr_iO, un habitué qui cherche à percer tous les secrets de la psymulation / ReV. Cette session prend des airs de quête initiatique, car Gladys voyage dans ses rêves. Et les rêves sont riches de sens et d’interprétation pour le rêveur, Gladys fera face autant à son imagination qu’à ses souvenirs du passé. 

À la lecture de ReV, on est confronté à une narration qui peut sembler partir dans tous les sens, mais cette perte de cohérence est justement maîtrisée car inhérente à la nature même d’un rêve. On prend plaisir à suivre Gladys dans sa quête initiatique et introspective.

Pour bâtir son album, Édouard Cour, puise autant dans les jeux vidéos ( avec les enchaînements de quêtes, les interactions avec des personnages non joueurs, et l’inventaire) que dans concept du monomythe de Joseph Campbell (théorie d’une structure narrative qui seraient similaire pour chaque mythe). ReV arrive à se distinguer d’autres œuvres de fictions centrées sur le thème de la VR. Par exemple, dans l’excellent Bolchoï Arena, Boulet et Aseyn critiquent la déconnexion avec la réalité chez les utilisateurs et la reproduction des formes de dominations déjà existantes dans la société du monde réel. Dans Alt Life de Joseph Falzon et Thomas Cadène, les protagonistes découvrent un nouveau monde, qu’ils peuvent modifier à leur guise, tels des dieux, mais qui manque d’une chose : l’authenticité des sensations du réel. Dans le cas de ReV, le traitement est différent:  la VR n’est pas spécialement critiquée, elle sert juste de contexte à une quête introspective et onirique. 

Une partie graphique qui fait RêVer

Édouard Cour, auteur de Héraklès et O Senseï, montre une nouvelle fois qu’il est capable d’adapter son style de dessin à l’univers qu’il met en place. Dans O Senseï, par exemple, il utilisait un style graphique très inspiré de la calligraphie et des estampes japonaises. Pour ReV, il n’a qu’une seule limite à sa créativité: la planche de BD.

© Édouard Cour / Glénat. 

De ce fait, Édouard Cour a recours à plusieurs techniques pour donner corps aux rêves. Premièrement, il alterne entre du noir et blanc et des planches plus colorées. Ce n’est pas la première fois qu’il utilise cette technique. Dans L’Extrabourrifante aventure des Super Deltas, fortement inspirée par la culture des sentaï, il utilise un élément d’une couleur différente pour chaque protagoniste, à la manière des codes couleurs des costumes. Dans le cas de Rev, la couleur est utilisée pour distinguer un élément du reste, ou tout simplement pour poser l’ambiance de la scène. Ensuite, il joue en alternant entre des traits fins et précis pour les personnages et les décors mis en avant, et des traits plus bruts, pour renforcer le côté flou et inquiétant des rêves. Il n’hésite pas non plus à insérer des motifs “par ordinateur” dans cet album réalisé numériquement qui imite les outils traditionnels. Et il finit par jouer avec brillo avec le découpage et la disposition des cases, proposant des planches absolument hallucinantes et hallucinées. 

Enfin, pour l’esthétique  jeux vidéo et VR, il utilise des traits et quelques mises en scène très géométriques, ainsi que des bulles carrées ressemblant à celles de certains RPG. Tout son univers est rempli d’influences et références à la pop culture, que ce soit par le chara design des personnages que dans la constitution des décors, renforçant la richesse de son univers. Quand on regarde l’avatar de Gladys, il nous semble tout droit sorti de L’Étrange Noël de monsieur Jack. Et quant aux lieux les lieux visités, les noms de Hayao Miyazaki ou de Stanley Kubrick viennent rapidement en tête. 

Édouard Cour réussit le pari de proposer un récit onirique et introspectif dans un univers virtuel, sortant des canons du genre. Grâce à un style maîtrisé et sans réelle limite (si ce n’est la planche de BD), il arrive à donner forme aux rêves, dans tous les sens du terme. Si jamais vous vouliez être témoin du travail et des variations de styles opérées dans la bibliographie d’Édouard Cour, allez-y  ! 

ReV de Édouard Cour, Glénat


© Édouard Cour / Glénat. 

© Édouard Cour / Glénat. 
© Édouard Cour / Glénat. 
© Édouard Cour / Glénat. 
© Édouard Cour / Glénat. 
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