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par Alfro - le 16/07/2014
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par Alfro - le 16/07/2014

Wika - Tome 1, la critique

Gros coup éditorial pour Glénat, la série Wika représente la rencontre de deux artistes aux univers affirmés et à la renommée déjà établie. C'est donc sur de bonnes bases que pouvait commencer cette bande dessinée, qui avait donc besoin de confirmer son statut de hit potentiel. Surtout que publier une énième BD de fantasy n'était pas forcément le plus facile dans un paysage culturel qui en est désormais rempli.

"Voilà bien la merveilleuse magie des fées !"

Nous avions vu Thomas Day transposer un univers de fantasy dans le Japon médiéval à l'occasion de La Voie du Sabre, toujours en recherche de merveilleux et d'histoire(s) épique(s), il continue à creuser le sillon de la fantasy mais en puisant dans les légendes celtes, le monde des fées. Un monde que l'on connait d'avantage depuis un certain Songe d'une Nuit d'Été de William Shakespeare. Cet univers qui semble plein de magie enchanteresse et merveilleuse mais qui, sous la plume de Day, ne sera pas dépourvu de cruauté et de luttes sanglantes. L'histoire commence alors qu'Obéron, consumé par la jalousie et le ressentiment, décide de s'attaquer (c'est à dire annihiler, quitte à avoir une querelle d'amoureux, autant en faire une guerre) à son ex, Titania, et son nouvel amant, le duc Claymore Grimm. Forcément, cela se passe très mal pour ces derniers qui se font balayer par la puissance d'un Prince devenu fou accompagné par ni plus ni moins qu'une armée royale. Il est d'ailleurs intéressant de voir comment Day installe une forme de fatalisme dès le début de son œuvre, sans doute pour contraster avec la volonté qui animera Wika. Cette dernière, fille de Titania et de Grimm (et forcément, objet de toute la haine d'Obéron) est bien évidemment l'héroïne de cette série.

Ce premier tome se construit comme un ouvrage de fantasy classique. Une héroïne qui a une haute ascendance mais qui par un tour cruel du sort va se retrouver au plus bas de l'échelle sociale mais dont le destin immense qui lui est promis va la rattraper alors qu'elle n'espérait plus que la tranquillité et le bonheur. Ce dernier semble toujours se dérober pour les héros d'épopée, et Wika ne fait pas exception et aura à subir épreuve sur épreuve. Il faut bien comprendre que si nous sommes dans le monde des fées, il n'y a ici rien de "mignon", c'est un univers impitoyable placé sous la coupe d'un despote et perpétuellement en guerre qui se déploie sous nos yeux. Un vrai univers de fantasy dont la carte affichée en préambule ne laisse guère de doute sur le genre imposé par les deux auteurs. Si le récit est en somme très classique et se construit autour de codes maintes et maintes fois utilisés, l'univers est lui tout à fait original. Construit sur des hybridations que l'on aurait pas pu soupçonner pouvoir se mêler aussi bien. Ainsi fées et steampunk se côtoient ici sans que cela ne choque, comme si cette rencontre était tout à fait naturelle.

"Contrôle-toi, sinon tu vas te retrouver avec du bois dans le cul jusqu'aux dents."

Si la construction du récit ne laisse aucune surprise, Wika passant même par la case voleuse avant de prendre son destin en main, comme dans à peu près la moitié de la production de littérature de fantasy (au bas mot), les éléments qui vont venir percuter cette narration vont en faire exploser un classicisme qui aurait pu être rédhibitoire s'il n'avait été soutenu par aucun effort de l'imagination. Mais ici, Day et Olivier Ledroit vont se délecter des multiples influences qu'ils vont insérer à leur histoire. Ainsi, les enfants de Rowena sont des lycanthropes, ce qui est monnaie courante dans la fantasy, mais sont aussi l'incarnation des Sept Péchés Capitaux, ce qui donne du corps et du fond à ces antagonistes. Tout comme Ness que nous rencontrons en fin de tome et qui semble être une fée steampunk beaucoup trop fan de Catwoman. De multiples rencontres émaillent ce récit qui ne perd pas de temps, pressé par la nécessité de construire une saga aux proportions qui se veulent à la hauteur de la puissance de ses personnages.

Il faut aussi l'admettre, l'un des principaux arguments de cette bande dessinée est la présence au dessin d'Olivier Ledroit. S'il est beaucoup moins versé dans les ténèbres suintants qu'il dépeint à chaque tome de Requiem, Chevalier Vampire, il ne démord pas de son obsession presque maniaque de remplir ses pages à l'extrême avec un coup de crayon qui laisse rêveur. Pourtant, et là où l'on voit que l'artiste évolue, c'est que ses pages baroques, où les détails s'empilent et s'entrelacent à n'en plus finir, sont incroyablement lisibles. Il s'agit bien sûr de faire de la lecture case par case, où l'on doit souvent s'arrêter pour contempler tout ce que dessinateur à voulu y mettre (Avalon grouille de vie par exemple), mais pourtant, la lecture est fluide et nous sommes guidés par la main dans une lecture dynamique et qui se permet d'avoir des combats époustouflants de puissance mais aussi de fluidité. Surtout qu'il expérimente toujours. Alors même que son trait est sublime, il quitte la zone de confort du dessin pur pour aller s'amuser à coller ici et là des dentelles et des boulons qui réhaussent les pages de détails surprenants et peu habituels dans une telle BD. Nous regretterons juste que la couverture ne soit que l'un des dessins des pages intérieures retravaillé. Avec la belle éditon que nous propose Glénat, cela fait un peu tâche.

Wika ne révolutionnera pas le récit de fantasy dont elle épouse au plus près les codes. Mais par l'imagination de ces auteurs, la puissance épique qui se dégage de ces pages et le dessin aussi sublime que rare de Ledroit, nous sommes emportés par  le récit. Surtout que nous prenons fait et cause pour Wika, héroïne d'une saga aussi cruelle que dynamique.

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