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Édito
par Thomas Mourier - le 24/07/2023
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par Thomas Mourier - le 24/07/2023

Avec Chevrotine et Monsieur Léon, Fluide Glacial renouvelle son imaginaire ludique du gag à la poésie.

Interview croisée avec 4 auteurs Arnaud Le Gouefflec, Nicolas Gaignard, Julien Solé et Pierrick Starsky qui dévoilent les coulisses de leurs albums parus chez Fluide Glacial : Monsieur Léon et Chevrotine et leur éditeur Clément Argouarc’h.

Fluide Glacial a toujours eu un côté laboratoire, rampe de lancement de nouveaux auteurs, gags avant de passer à la série, de la pré-publication à l’album, des numéros spéciaux aux hors-séries (ou Série Or), du noir & blanc depuis 1975 à la couleur au début des années 2000, des recueils aux albums complets

Depuis 2018 Clément Argouarc’h est le directeur éditorial des éditions Fluide Glacial et, depuis janvier 2023, le rédacteur en chef du magazine. Il a la tâche de prolonger ce côté labo tout en conservant les bases de ce qui a fait le succès de Fluide.

Après lecture des albums Monsieur Léon d’Arnaud Le Gouefflec & Julien Solé et Chevrotine de Pierrick Starsky & Nicolas Gaignard j’ai eu l’impression d’une proximité, d’une familiarité dans la manière de questionner le quotidien, de chercher l’émerveillement plus que le gag, dans un glissement vers l’onirisme. 

Aussi, j’ai voulu en savoir plus sur les coulisses de ces albums, les envies de leurs auteurs et l’idée du rédacteur en chef du journal pour faire dialoguer ces œuvres. J’espère que cette rencontre à 5 autour de 2 albums, agrémentée d’extraits et de croquis inédits, aiguisera votre curiosité et vous poussera vers ces livres. 

En introduction Clément, en tant que rédacteur en chef, tu peux nous expliquer l’arrivée et la place qu’ont ces deux titres dans le magazine ? 

Clément Argouarc’h : « Quand Jean-Christophe Delpierre est arrivé en 2018 en tant que rédacteur en chef du magazine, nous avons beaucoup échangé, lui et moi, sur la vision de Fluide. Lui s’occupait de la gestion du magazine, moi des albums, mais nous bossions ensemble sur tous les projets. À l’époque, il m’avait fait une remarque que j’avais trouvé très intéressante : l’humour est désormais très présent sur les réseaux sociaux où beaucoup d’auteurs publient leurs gags très courts. Pourquoi alors acheter un magazine 5€95 tous les mois alors qu’on peut avoir gratuitement sa dose d’humour sur Instagram ? L’idée était donc de se distinguer de ce qu’on peut voir sur les réseaux avec des histoires plus longues et un travail plus poussé sur l’univers des histoires et sur le dessin.

Son approche était de revenir à ce qu’a voulu mettre en place Gotlib, c’est-à-dire un humour varié avec des auteurs riches qui développent des environnements dingues aux dessins très généreux. Même si on reste un magazine d’humour, on peut faire quelque chose de très qualitatif en termes de dessin avec des histoires qui prennent le temps de développer leur narration sur plusieurs pages. 

Ce qui nous intéressait dans ces deux projets que tu évoques, c’est la richesse des scénarios et la qualité du dessin. C’est sûr que le ton est un peu différent de ce qu’on imagine à Fluide. Mais dans le magazine, tous les types d’humour sont possibles tant que l’absurde et le décalage restent présents.  

Et il y a toujours eu des pas de côtés dans l’histoire de notre journal. Quand Carlos Giménez arrive en 1979 avec Paracuellos, récit autobiographique dans un orphelinat espagnol de l’après guerre civile, il était loin d’un humour léger et potache. Idem avec Foerster et son univers très noir et très fantasmagorique. 

Le magazine a toujours eu besoin d’avoir un équilibre entre différents types d’humour, mais aussi entre des BD aux dessins plus posés et à l’univers très riche et des strips ou gags plus directs et très cons. La richesse de tons amène une respiration dans le magazine entre un humour potache et un humour plus sociétal qui va mettre en scène un homme introverti perdu dans une société qui le dépasse ou un personnage de femme forte qui nous offre une autre vision de la mort. »

S’échapper du quotidien 

Monsieur Léon est né du confinement et de l’envie de s’évader du quotidien, comment est né ce personnage et son univers double ? 

Arnaud Le Gouefflec

Arnaud Le Gouefflec : « À l’origine, c’est une commande de Fluide Glacial, autour d’un numéro spécial masques. Ni Julien ni moi n’avions particulièrement l’intention de parler du confinement (dont on n’était pas encore sortis, je crois – je parle du premier), mais comme on avait tous ces masques sous le nez (c’est le cas de le dire), on les a utilisés pour une histoire et on s’est retrouvés à imaginer cette histoire. Et Monsieur Léon est né comme ça, par hasard. Il s’est vite avéré qu’il était, pour nous, l’antidote à l’anxiété de la période qu’on traversait. On s’est attaché à lui, parce qu’il était un miroir : avec sa collection de disques, son goût des bons petits plats, son côté sentimental, il nous ressemble à tous les deux. Julien est assez du genre à danser le mambo en slip tout en préparant le dîner. Enfin je crois. »

Julien Solé

Julien Solé : « Ah ah, Arnaud ne croit pas si bien dire ! Perso je suis plus branché Hip-hop, mais bosser- plutôt que préparer le dîner- en slip m’est arrivé plus d’une fois ! Il fait chaud, on est à la bourre, on a la flemme, et on se retrouve à bosser en slip. C’est un des rares privilèges de ce métier, que l’on partage d’ailleurs avec nos confrères maîtres nageurs. Mais je digresse, revenons à la question. Monsieur Léon est né accidentellement pendant cette expérience collective dingue du Covid 19. Accidentellement car rien n’avait été prévu: ni cette pandémie, ni cette petite commande de Fluide, ni l’aspect de ce personnage. En ce qui me concerne, dès la première histoire j’étais en retard, pas trop le temps de réfléchir, Monsieur Léon naît comme ça, spontanément. J’imagine que je devais être en slip quand c’est arrivé. »

Comme Jean-Claude Forest et son Hypocrite, avec Chevrotine vous créez une héroïne qui amène avec elle son propre univers, comment l’avez-vous conçu ? 

Pierrick Starsky

Pierrick Starsky : « Je dois bien admettre pour ma part n’avoir jamais lu Hypocrite. Mais pour autant, j’adore certains boulots de Forest, particulièrement Ici-Même, dessiné par Tardi, que j’ai découvert gamin ; je ne comprenais pas tout, loin de là, mais ce bouquin me fascinait. Et je l’ai souvent relu. La Jonque Fantôme, également… Bref, je commence déjà par une parenthèse… (rires) Difficile de ne pas digresser, mais ça me permet de dire que sans y avoir réfléchi antérieurement, Forest fait sûrement partie de mes influences digérées, notamment sur Chevrotine… 

Pour répondre à ta question, j’ai imaginé Chevrotine spécialement pour Nicolas. Je voulais faire coller le personnage et son petit univers au travail de ce dessinateur que je ne connaissais pas, afin de le convaincre de collaborer avec moi. Nicolas a aimé, a priori, puisqu’il a mis en image les personnages et dessiné les premières planches. Puis Fluide Glacial a tout de suite proposé un album sur ce concept, à la condition qu’on puisse en prépublier une grande partie dans le magazine. La difficulté a alors été d’écrire une longue intrigue dont des segments pouvaient fonctionner indépendamment du reste.

Concernant l’élaboration collective, j’avais le fil rouge de l’histoire en tête. En fonction des envies de dessin de Nicolas, je rajoutais des éléments narratifs ou des personnages. Puis en fonction des idées incongrues qui surgissaient en cours de route…

Au final, le personnage de Chevrotine sert de guide dans un récit choral qui nous a permis d’aborder de nombreux sujets et autant de personnages qui, chacun pourraient mériter sa propre histoire… La grande difficulté de ce livre est le format imposé, en nombre de pages. J’en aurai voulu 30 ou 40 de plus. Au moins. (rires)»

D’ailleurs, avec Monsieur Léon on quitte un peu l’humour pour aller vers la poésie, les gags laissent place aux moments tendres ? 

© Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial

Arnaud Le Gouefflec :  « Là aussi, c’est venu tout seul. Ce sont les personnages qui l’ont imposé. Léon est un super-héros du quotidien, et son pouvoir et de changer de point de vue quand il le souhaite. Sa baignoire devient un océan, un rond-point devient une île… Il développe toutes sortes de stratégies pour ouvrir des espaces où il peut respirer librement, en premier lieu son propre intérieur, son petit appartement, qui ressemble à un cabinet de curiosités, et son imaginaire, qui en est le reflet (en beaucoup plus grand). Et la grande affaire de sa vie, c’est l’amour. Le reste, si l’on y pense, n’ayant strictement aucune importance. »

Julien Solé : « Oui, et c’était un peu une première pour moi, ce nouveau registre. L’occasion de développer autre chose. L’écriture plus poétique d’Arnaud appelle un dessin différent de ce que j’avais pu faire jusqu’alors. Ça a été l’occasion de changer de technique, de format, de découpage… et ça m’a fait un bien fou. J’adore les gags imparables et la mécanique bien huilée d’une histoire à chute (je rappelle que j’ai longtemps bossé avec mon vieux pote Mo-CDM, un maître en la matière) mais là il fallait autre chose. C’est toujours bon de se renouveler. »

Avec Chevrotine on a le sentiment de lire une histoire des grandes heures de Moebius dans Métal Hurlant où le personnage et l’univers conduisent l’intrigue à chaque chapitre plutôt que l’inverse, est-ce qu’il y a une part d’improvisation ? 

© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial

Pierrick Starsky : « Ces comparaisons ont de quoi nous faire rougir ! Alors, de l’impro, à proprement parler, non. Mais dans chaque chapitre, tout en suivant la trame, j’avais la possibilité de digresser à l’envie, d’inventer, de m’amuser. Et en avançant dans le récit, la part belle a été faite à… l’imprévu. Je préfère ce terme à celui d’improvisation. Et certains de ces éléments imprévus imaginés dans la phase de réalisation de chaque partie ont modifié le cours de l’intrigue, nécessairement. En tout cas, ce n’est clairement pas un récit que l’on peut pitcher ou dont on peut faire un synopsis clair. Trop foutraque, arborescent et rempli de sous-intrigues… »

Nicolas Gaignard

Nicolas Gaignard : « Il y a une citation de Moebius que j’ai toujours trouvée très inspirante : « Il n’y a aucune raison pour qu’une histoire soit comme une maison avec une porte, des fenêtres pour regarder les arbres et une cheminée pour la fumée… On peut très bien imaginer une histoire en forme d’éléphant, de champ de blé, ou de flamme d’allumette soufrée. » Voilà une sorte de philosophie que l’on a tenté d’embrasser dans Chevrotine ! »

Pierrick Starsky : « Une chose est claire, les personnages font et sont l’intrigue. Je crois que c’est un peu le cas de tout ce que j’écris. Et autant dire que c’est aussi compliqué de placer chaque nouveau projet, puisqu’un bouquin se vend sur une intrigue, pas sur des situations, des personnages ou des dialogues… (rires) »

La fiction pour raconter le réel 

Les histoires ont beau tirer vers l’absurde et le conte noir, on ne peut s’empêcher d’y voir en creux, un propos sur notre époque. D’où vient cette envie de parler de la noirceur avec légèreté ? 

© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial

Pierrick Starsky : « Oui, c’est un peu l’idée, évoquer le réel au travers de l’absurde, de situations fantastiques. Parfois c’est inconscient. Parfois, il s’agit simplement d’évoquer un sujet de société au fil d’un court échange entre les personnages, ou d’une situation. Bref, si on cause de notre monde en sous-texte, ce n’est pas ici en brandissant le poing…

Par ailleurs, il a fallu que je réponde à de nombreuses interviews pour réaliser à quel point ce livre parle de la mort, la désacralise, la rend secondaire. Je n’en étais pas conscient du tout. Et effectivement, ces deux dernières années ont été, pour moi, marquées par des deuils ou des maladies de proches ; sans parler des multiples crises qui secouent notre monde et l’humanité ces dernières années.

C’est donc pendant la promotion de l’album que j’ai pris conscience d’à quel point il était cathartique. En tout cas, plus que je n’en avais conscience en écrivant. Mais c’est le propre de l’humour, non ? Rire pour ne pas pleurer ? Et le propre de la création que de transformer la merde qu’on a dans la tête en lumière. Ou pour le moins, essayer de le faire. »

On y reconnaît des personnalités ou des événements récents. D’où vient cette envie de parler de notre époque un peu maussade avec légèreté ? 

© Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial

Arnaud Le Gouefflec :  « Ce n’était pas calculé, c’est venu tout seul, comme une manière de parer les coups de l’actu, qui était assez déprimante. À chaque mauvaise nouvelle, Léon faisait un pas de côté et on avait une nouvelle histoire. C’est devenu un jeu : comment mettre un peu de douceur dans un monde qui semble s’en être débarrassé ? C’est un art martial en fait : avancer dans la réalité en faisant attention à regarder le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, et prêter attention aux petits détails, souvent réjouissants, plutôt qu’aux grosses manœuvres d’une actualité toujours déprimante. Et puis la période nous a fourni une matière abondante : le préfet, les gilets jaunes, la pandémie, le docteur R et son antidote, les masques, les attestations. Un vrai régal. En tant que scénaristes, on a tous été battus.  »

Julien Solé : « C’est ça, et je me suis fait la réflexion un paquet de fois : le “show runner” derrière cette série d’événements est très très bon ! Quelle inventivité, quel sens du timing…

Pour répondre à la question : l’époque est tellement anxiogène, l’avenir tellement plombé que la légèreté est devenue exotique ! Elle a un charme suranné qui pourrait appeler à la nostalgie de temps plus insouciants… “ c’était l’bon temps !” Ce qui est intéressant, entre autres, avec ce personnage de Monsieur Léon, c’est que la légèreté chez lui est une posture tout à fait anticonformiste. Arnaud et moi l’avons constaté maintes fois : Monsieur Léon est un peu punk, quelque part.  »

Du noir & blanc à la couleur, du gag à la poésie 

Est-ce que Monsieur Léon est cet « impossible Monsieur Tout-le-Monde » qui cette fois s’incarne derrière ce visage aux allures d’émoji ? Est-ce que, graphiquement, vous avez cherché le personnage longtemps ? 

© Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial

Arnaud Le Gouefflec :  « Léon est un être exceptionnel, comme chacun d’entre nous 🙂 Je crois qu’en effet, il est impossible d’être « Monsieur Tout-le-Monde ». Tout le monde, c’est personne. »

Julien Solé : « Je n’ai absolument pas eu le temps à l’époque de chercher le personnage, il fallait que ça vienne vite ! Je bosse souvent dans l’urgence et c’est une sorte de moteur, qui peut provoquer d’heureux accidents ! Le personnage tel qu’écrit par Arnaud semblait se fondre dans le décor de son quotidien, du moins en dehors de chez lui, je suis donc allé chercher vers les années 60, une sorte de ville grise, des références cinématographiques françaises de cette époque. Monsieur Léon est sorti tout seul de cet environnement, comme façonné par lui, et voilà. Des fois, il ne faut pas trop réfléchir ! »

Chevrotine à un visage qui apparaît comme un masque, une allégorie et les personnages semblent incarner des métaphores, comment ils se sont incarnés graphiquement ? Est-ce que vous avez mis longtemps à trouver le style et le ton ?

© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial

Pierrick Starsky : « Il me semble que pour chaque personnage, j’ai laissé à Nicolas la libre-interprétation de ceux-ci. Peut-être qu’il me contredira, j’ai une mémoire lacunaire… (rires) Quelquefois, je me suis même inspiré de dessins existants de lui, parfois lui disant, d’autres non. Mais même lorsqu’il était au courant, il réinventait chaque personnage en fonction de ses caractéristiques propres, de son tempérament, etc… »

© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial

Et pour ce dispositif narratif avec le jeu de la couleur versus le noir & blanc ? 

Julien Solé : « Dès que j’ai compris de quoi il retournait avec ce personnage, dès la dernière case de la première page en fait, j’ai cherché plusieurs niveaux de lecture “graphique”. Tout est gris et monochrome, excepté ce qui pourrait constituer le jardin secret du personnage. »

Et le choix de la trichromie, avec son gris rehaussé de vert et rouge pâle, d’où vient-il ? 

Nicolas Gaignard : « Le choix de lavis gris charbonneux a été motivé pour accentuer le caractère étrange et surréaliste du récit. Les touches de couleurs permettent de rythmer la page visuellement et de faire émerger certaines tensions du récit. (Peut-être une réminiscence de Sin City version poétique) »

Le jeu de couleur et N&B, fait aussi écho aux évolutions du magazine Fluide glacial où la série est pré-publiée, comment selon vous cette histoire s’inscrit dans l’histoire du magazine ? 

© Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial

Arnaud Le Gouefflec : « Pour ma part, j’ai été très marqué par Fluide quand j’étais au lycée, parce que c’était la revue zinzin et transgressive qui prenait le relais de Spirou au moment où j’avais besoin de lire des histoires plus trash ou plus adultes. Donc Monsieur Léon n’est pas sorti de nulle part : il est l’écho de tant d’autres personnages, c’est certain. 

Il est né comme ça parce que je savais qu’il allait être dessiné par Julien et publié dans Fluide et donc, pour mille et une raisons que je ne contrôle pas, et qui ont à voir avec la façon dont les lectures et les influences se sont sédimentées. On construit toujours sur quelque chose. »

Julien Solé : «  Je ne sais pas comment elle s’inscrit dans l’histoire de Fluide, on n’a pas forcément ça en tête quand on y bosse. Bon je dis ça parce que ça fait aussi très longtemps que j’y bosse, allez savoir ! Il se trouve que j’ai vécu le passage du noir et blanc à la couleur dans le mensuel, ça avait vachement râlé à l’époque, c’était drôle ! »

Univers onirique, poétique et cruel, Chevrotine échappe aux propositions habituelles du magazine Fluide Glacial, comment selon vous cette histoire s’inscrit dans l’histoire du magazine ? 

© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial

Pierrick Starsky : « Houlala… Difficile de répondre à ça. Une chose est certaine, c’est qu’elle dénote, et que ça n’aide pas à son identification au niveau des différents types de lecteurs et de lectrices… On n’est pas dans l’humour pur, c’est certain. Puis c’est un récit long… 

Pour autant, parmi les BD qui m’ont le plus marqué dans Fluide, depuis ma jeunesse, il y a beaucoup d’OVNIS, d’œuvres sombres. Idées Noires, de Franquin, c’est drôle, mais c’est terrible. Paracuellos, de Carlos Giménez, je ne comprenais pas pourquoi c’était censé être drôle, ado. J’adorais, mais je me disais « je ne dois pas comprendre les gags ». En fait, il n’y en avait pas. Il y avait des touches d’humour, mais juste saupoudrées, un sourire timide sous des yeux qui pleurent. Puis Foerster, par exemple, noir noir noir. Attention, je ne me compare pas aux génies sus-cités, hein (rires). Simplement, si on y regarde, au-delà de l’humour « buldozer », Fluide Glacial a toujours proposé des choses très différentes, et a toujours recelé d’autant de propositions insolites que de touches de noirceur… »

Même une fin est le début de quelque chose

Chevrotine est un univers qui se suffit à lui-même, mais allez-vous proposer d’autres récits dans cette veine ? 

© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial

Pierrick Starsky : « C’est difficile à dire. Déjà, ça dépend des choix de l’éditeur, qui est sans cesse en train de renouveler et rafraîchir le contenu du magazine. Et aujourd’hui, c’est le magazine qui prime sur l’édition d’album, enfin, c’est ce qu’il me semble avoir compris les dernières fois que j’ai échangé avec l’équipe. Puis ça dépend aussi des ventes, et on est loin du best-seller… J’ai imaginé une suite. Enfin, plutôt un spinoff. J’ai une trame en tête pour un one-shot, mettant en scène des personnages secondaires, voire des figurants de Chevrotine. Mais impossible à prépublier, et donc pas dans la ligne éditoriale de l’éditeur. Un peu comme dans un univers parallèle, une scène clef aurait été différente, et on partait sur un tout autre récit…

Si des idées nous viennent de petits récits autonomes, dans cet univers, et que ça intéresse le magazine, qui sait. Mais pour l’instant chacun de nous est sur autre chose… Sinon, on aimerait beaucoup pouvoir développer l’univers et les personnages en animation, ce qui permettrait d’approfondir nombre de sous-intrigues et de personnages… Mais ça, c’est une autre paire de manches… ! »

© Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial

Monsieur Léon est un univers qui se suffit à lui-même, mais allez-vous proposer d’autres récits avec ce personnage ?

Arnaud Le Gouefflec :  « On planche sur le prochain, qui paraît en épisodes dans le mensuel 🙂 Ça parle de vacances. Et d’amour. »

Julien Solé : « Oui, ce personnage nous plaît et on a envie de le développer, en essayant de ne pas nous répéter ! Ne plus se focaliser sur l’époque, mais plutôt sur les relations entre les personnages. C’est de la direction d’acteur, ce boulot ! »

Retour à la rédaction du journal, Clément, quelles sont tes envies pour le futur ? 

Clément Argouarc’h : «  En reprenant la rédaction en chef après Jean-Christophe Delpierre, mon objectif est de conserver cette vision de Fluide Glacial que nous avons développé depuis 4 ans tout en restant ouvert aux projets qui sortent du lot. 

Effectivement, nous sommes toujours très hyper intéressés par ces propositions qui amènent une rupture hyper intéressante dans le magazine, à la manière Chevrotine ou Monsieur Léon. Mais ça restera des exceptions, ça ne va pas être l’orientation principale du magazine dans les années à venir. Nos lecteurs, mais aussi la rédaction, ont pris goût à l’humour absurde ou potache qui fait la particularité du journal de Gotlib depuis près de 50 ans. Et clairement, pas les temps qui courent, il est toujours bon de se marrer.

Mais cela n’empêche pas d’amener les lecteurs dans des univers très différents et très variés, que ce soit avec des auteurs présents depuis des années (comme Boucq, Relom ou Mo/CDM qui reviennent avec de super séries) ou avec de nouvelles autrices & auteurs. En parallèle de nos séries phares, nous sommes en train de travailler sur de nouveaux projets. Par exemple, en septembre, nous lancerons dans le magazine un projet assez cool avec une jeune autrice Maëlle Reat et Julien Hervieux (le scénariste du Petit Théâtre des opérations) sur la manière de voir la fiction et sur les clichés du cinéma ou de la télé. 

Bref, avec l’équipe, nous travaillons encore et toujours sur l’équilibre entre ce qui fait le sel de Fluide et de nouvelles choses, avec l’envie de garder le côté foisonnant du magazine et la richesse du catalogue Fluide. »

Monsieur Léon d’Arnaud Le Gouefflec & Julien Solé, Fluide Glacial
Chevrotine de Pierrick Starsky & Nicolas Gaignard, Fluide Glacial 


© Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial & Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial

Recherches pour Chevrotine © Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial
Recherches pour Chevrotine © Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial
Recherches pour Chevrotine © Pierrick Starsky / Nicolas Gaignard / Fluide Glacial
© Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial
Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial
Arnaud Le Gouefflec /Julien Solé / Fluide Glacial
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