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Édito
par Baptiste Gilbert - le 13/07/2023
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par Baptiste Gilbert - le 13/07/2023

Catherine Meurisse trouve une place à elle au musée Tomi Ungerer de Strasbourg

Avis aux alsaciens et aux touristes amateurs de BD ! On a pu visiter l’exposition Catherine Meurisse, une place à soi, qui se tient au musée Tomi Ungerer jusqu’au 8 octobre 2023. Une très belle rétrospective sur la carrière de cette autrice multifacettes.

Tomi Ungerer, c’est un nom incontournable quand on habite à Strasbourg. Surtout depuis que l’illustrateur culte a légué 14 000 de ses œuvres à sa ville natale, permettant la création du Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’illustration.

Quel est le lien avec la bande dessinée nous direz vous ? En effet, Tomi Ungerer n’en a jamais réalisé (même si récemment Mathieu Sapin a adapté un de ses albums en bande dessinée : Pas de baiser pour maman). Mais le musée organise régulièrement des expositions dédiées à d’autres grands noms de l’illustration, et cette année c’est au tour de Catherine Meurisse d’être mise à l’honneur, dans le cadre des Rencontres de l’Illustration de Strasbourg. On a eu la chance de visiter l’exposition en compagnie de sa commissaire, Morgane Magnin.

Prolifique et multifacettes

L’exposition Catherine Meurisse, une place à soi, inaugurée le 17 mars dernier en présence de l’artiste, s’ouvre sur un panorama de son œuvre dans toute sa diversité. Bande dessinée évidemment, mais aussi dessin de presse, illustration pleine page (pour des couvertures notamment), reportage dessiné, réalisation de décors pour des spectacles vivants, … Catherine Meurisse est une touche à tout dans le domaine de l’illustration. 

© Catherine Meurisse / Futuropolis

Une volonté de ne pas se mettre de barrière, qui s’illustre aussi avec ses influences multiples. Comme nous l’explique notre guide Morgane Magnin : “[pour Catherine Meurisse] il n’y a pas de hiérarchie entre les arts”. La musique, la peinture, la comédie musicale, la sculpture, la photo, la gravure, tout peut l’inspirer, du Radeau de la méduse à West Side Story (Moderne Olympia), en passant par les estampes d’Hokusai, les photos de Doisneau et les ballets de Stravinsky. Et bien sûr, l’illustration et la bande dessinée, avec en premier lieu Ungerer, Sempé ou Claire Bretécher.

Focus et mises en regard

Mais si Catherine Meurisse est multifacette, elle a également, comme tous les artistes, des obsessions et des gimmicks. Après la première salle visant à montrer la diversité de son travail, l’exposition est organisée autour de thèmes qui lui sont chers, ou de focus sur certains de ses travaux. Se succèdent ainsi des passages concernant des sujets précis comme le Japon, les fables, les paysages… Et d’autres autour de thématiques plus transversales au sein de son œuvre : son rapport à la littérature, son lien avec la nature, …

Morgane Magnin nous explique que la nature, en particulier, occupe une place à part dans son œuvre : “c’est une thématique véritablement transversale”, qui devient parfois thème central (Les grands espaces), voire personnage à part entière (La jeune femme et la mer). Parmi les motifs favoris de l’autrice, on s’attarde sur le renard : “un personnage récurrent de son œuvre. Ce dernier est présent dans ses bandes dessinées depuis qu’elle a 13 ans, âge auquel elle a remporté l’Ecureuil d’or, le prix pour les scolaires du festival d’Angoulême. Il la suivra tout au long de sa carrière, jusqu’à apparaître sur son épée d’académicienne. Un vrai animal totem”.

© Catherine Meurisse / Futuropolis

Ces focus sont aussi l’occasion de mettre en regard les œuvres de Catherine Meurisse avec celles d’autres artistes ayant représenté ou interprété les mêmes éléments. Ainsi, on s’amuse à comparer ses illustrations pour les Fables de la Fontaine avec celles de Benjamin Rabier et de Gustave Doré, et à constater à quel point les représentations d’une même histoire peuvent évoluer à travers le temps. Et comment Catherine Meurisse, avec son style bien à elle, réussit à réinventer ces représentations. Ses travaux sur le Japon, eux, sont accolés à des estampes originales d’Hiroshige et d’Hokusai, influences évidentes pour sa représentation des paysages locaux.

Une artiste à part, une place à elle

L’exposition est également construite pour mettre en avant les spécificités de la carrière de Catherine Meurisse, et la manière dont elle s’est trouvée une place à elle dans un milieu ou les autrices et illustratrices sont encore trop rares. “On est parties de ce constat que l’illustration, c’est un milieu encore très masculin, tout comme l’art de manière générale”, rappelle Morgane Magnin. “Le titre Une place à soi, c’est une référence au roman de Virginia Woolf, Une chambre à soi, qui s’interroge sur la place des écrivaines et sur le lieu nécessaire à la création. C’est un clin d’œil pour montrer que Catherine Meurisse a réussi à se faire une place”. 

© Photo DNA /Laurent RÉA

À commencer par Charlie Hebdo, journal qu’elle était la première dessinatrice à rejoindre. L’équipe lui avait d’ailleurs demandé, à l’époque, de signer en incluant son prénom pour que l’on sache que c’était une femme. Une étape de sa carrière qui se conclura tragiquement avec les évènements de 2015, marquant durablement la suite de son œuvre.

Sa place, elle se l’est même construite dans le monde de l’art de manière générale, puisqu’elle vient d’entrer à l’Académie des Beaux-arts, et d’y faire entrer la bande dessinée, qui n’y était pas encore représentée. Pour l’occasion elle a réalisé un édito dessiné de la Lettre de l’Académie, ou elle se représente, ainsi que tous les académiciens, en Bécassine. “Elle fait ainsi le lien entre l’habit vert des académiciens et celui de Bécassine, puisque le vert en bande dessinée, c’est Bécassine ! Ça lui permet de montrer qu’il n’y a pas qu’elle qui entre à l’académie des beaux-arts, elle y fait entrer avec elle toute la bande dessinée”.

La BD au musée

Avec cette exposition dédiée à Catherine Meurisse, le Musée Ungerer s’ouvre un peu plus à la bande dessinée. Morgane Magnin nous indique que jusque-là, il y en a eu très peu : “Un peu de Rodolphe Töpffer, qui est considéré comme le créateur et premier théoricien de la bande dessinée, et un peu de Winsor McCay (Little Nemo) à l’occasion de l’année de la BD en 2020”. Pour l’avenir, la direction du musée souhaite développer cet aspect de leurs expositions.

On s’y ouvre de plus en plus, notamment car il y a de plus en plus de porosité entre les mondes de l’illustration et de la bande dessinée. Les artistes graphiques sont de plus en plus ‘couteaux suisses’. L’envers du décor de cela, c’est que les artistes sont souvent obligé.e.s de cumuler les casquettes pour vivre de leur art”.

En exclusivité, on peut d’ailleurs vous révéler que la prochaine exposition temporaire du musée, à partir de l’automne 2023, mettra à l’honneur Anna Haifisch, autrice de bande dessinée allemande ! Rendez-vous en fin d’année pour découvrir l’autrice de Schappi et Souris en Résidence au Musée Ungerer. 

Et en ce qui concerne l’exposition Catherine Meurisse, vous avez encore jusqu’au 8 octobre 2023 pour la visiter. Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi participer à des visites commentées : on vous invite à vous renseigner sur le programme de l’été des musées strasbourgeois !


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