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par Republ33k - le 17/02/2017
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par Republ33k - le 17/02/2017

FIBD 2017 : Hermann, entre présidence, lien filial et Western

Pour les lecteurs, les artistes et les journalistes, Angoulême est souvent un commencement. C'est en tous cas, pour la plupart des visiteurs du festival, le début d'une belle année BD. Mais pour un président ayant reçu le Grand Prix l'année précédente, une nouvelle édition du salon est aussi une fin, voire une libération. Cette année, le flambeau est ainsi passé des mains d'Hermann à celles de Cosey.

Et c'est bien le premier que nous avons eu la chance de rencontrer après une très grosse journée - celle du vendredi 28 janvier dernier - pour discuter d'une année de présidence, de son lien avec son fils, le scénariste Yves H., ou encore de Western, genre qui parcourt la carrière du dessinateur belge, et auquel il retrournait une nouvelle fois dans le très sympathique premier tome de Duke, que nous avions eu l'occasion de chroniquer quelques jours avant le salon

Rencontre avec un sacré bonhomme, qui du haut de ses 78 ans, avait bien mérité une petite bière et quelques douceurs chocolatées après tant de rencontrers officielles.

• Alors, commençons par le commencement, comment s'est passée cette année de présidence. Pas trop de pressions, d'obligations ?

Oh oui, il y a quand même des obligations, des voyages auxquels vous n'avez pas pensé, dont on pourrait à la limite se passer parce qu'est toujours une perte de temps... Enfin une perte de temps, je ne devrais pas être traité de la sorte mais enfin bon ! Vous savez Je suis quelqu'un de très attaché à ma routine quotidienne, ma planche et tout ça, et me déplacer uniquement pour des interviews... A la limite ça peut très bien se faire par téléphone ! Mais là c'est une coquetterie de ma part, je dois le dire, j'ai tort, je ne devrais pas être comme ça.

• Malgré tous ces efforts, vous avez pris le temps cette année de revenir au Western avec Duke. D'où ve venait cette envie ?

C'étiat une idée de mon fils, et peut-être en partie du rédacteur en chef du Lombard, qui de temps en temps nous rencontre, et on discute d'un peu de tout. Et mes lecteurs me disaient souvent "c'est dommage vous ne faites plus de Western" et donc on m'a proposé d'en faire à nouveau, de faire une petite série. Alors après "une petite série" qu'est-ce que c'est ? On ne sait pas jusqu'où ca va aller ! Mais c'est pour ça que j'ai commencé sur la base du scénario de mon fils, avec qui j'ai fait le premier album de la série. Mais c'est une mise en place, pas un album très complet.

• Puisque nous parlons de votre fils, est-ce que travailler avec lui, c'est un gain de temps pour vous ?

Non pas tellement !  Parce que Le scénario qui est écrit par quelqu'un d'autre doit toujours répondre à une forme précise. Un scénario que je conçois moi, j'ai pas à revenir en arrière, j'ai déjà tout dans la tête. Tandis que le scénario de quelqu'un, c'est lui qui a l'idée dans la tête, et elle n'est pas dans la mienne ! On ne peut pas se brancher l'un l'autre, il est obligé de m'expliquer certaines choses qui me mettent en partie sur la voie, enfin il me laisse quand même libre, c'est pas un véritable problème, du moins pas avec mon fils !

Tiens c'est lui, là !

(il désigne l'un des nombreux portraits affichés au mur du stand du Lombard)

• On reconnaît un certain air de famille, non ?

En partie oui ! Mais maintenant il a une barbe, qui lui pendouille comme ça (il mime la fameuse barbe) et puis il viellit, il est devenu gris ! Il est devenu bizarre (rires) !

• Qu'est-ce qui vous attirait, dans le personnage de Duke, tous les deux ? Certains traits de personnalité ? Des idées arrivées en cours de route ?

Attention, quand le fils fait un scénario, tout est élaboré, il n'avance pas à tâtons, une fois qu'il a mis la première scène en place on avance pas dans le brouillard ! Il ne construit pas du tout les scénarios comme moi je les construis cela dit. Généralement il me donne une quinzaine de pages, et il a le reste du scénario mais il n'est pas encore écrit. Il l'a en tête et c'est comme ça qu'on avance. Et après souvent je lui téléphone pour avoir des précisons. Et tout ça est souvent accompagné d'un peu de dessins, parce que lui il est aussi dessinateur, même s'il n'en a pas fait un métier il se débrouille, donc il me fait des croquis qui décrivent les personnages, physiquement, mais pas toujours. Il me donne des références d'acteurs de cinéma aussi !

• Puisqu'on en parle, quelles sont les références cinématographiques de Duke, dans lequel vous jouez souvent avec le rythme des Western en changeant la composition ?

C'est vrai que là-dessus je me permets d'en rajouter un peu. Je vais par exemple subdiviser une case qui était d'une seule pièce, j'en fais deux parce que cet espèce de morcellement d'une scène en plusieurs petites cases permet un rythme et une abstraction de texte. Notre mal, à nous autres dessinateurs, c'est dans des scènes un peu actives, d'arriver à décrire le cheminent et l'avancée sans le texte, et avec rythme et précision.

Et c'est pas évident, ça vient pas tout de suite ! Ca tient non seulement à la case mais aussi à la manière dont on utilise l'élément qui nourrit cette case. Et parfois on se lance dans quelque chose qu'on a dans la tête, on en fait le dessin et on se rend compte que c'est ça, mais pas tout à fait : on a oublié certaines choses. Donc ce n'est pas tout à fait correct. Alors on le retravaille ! Tout est question de patience, et de travail ! Et pourtant je ne suis pas très patient, mais je crois venir assez vite au résultat. Je pense pouvoir prétendre être un connaisseur du découpage.

• Vous êtes connu pour ça en tous cas, pas vrai ?

Oui et il y a beaucoup de dessinateurs qui me disent qu'ils utilisent mes histoires pour découper, et ça me fait plaisir, parce que je n'ai jamais cherché, en aucune circonstance, à devenir une sorte de professeur, un de ces types qui donnent des conseils...

Je ne donne pas de conseils. Tout dessinateur a le droit de chercher lui-même son processus narratif. Parce qu'avoir recourt à quelqu'un qui l'enseigne risque de le formater et j'aimerais bien que les dessinateurs apprennent à garder leur mouture, à négocier la courbe à leur manière ! Qui est peut être meilleure pour lui que celle que j'aurais faite pour moi. Beaucoup d'éléments jouent du coup : l'auteur, les circonstances, le lieu où ça se passe, ce qui se passe, tout ça joue dans le découpage !

• Je me permets sur le dossier de presse de Duke où vous êtes décrit comme un auteur non-politisé. Et pourtant votre dernière bande-dessinée fait écho au remake des Sept Mercenaires, qui a un scénario similaire, où des gaillards s'en prennent à un magnat de l'industrie minière, qui a justement été vu comme un Western politique.

Je ne suis pas politisé ça c'est sûr ! Alors c'est les modestes contre le riche ? Moi aussi il y a de cela dans mon histoire mais pas dans le sens politique du terme. C'est seulement parce que viscéralement, ce fumier empoisonne la vie des gens ! Et qu'on soit de droite ou de gauche, c'est insupportable. Parce que dans le fond, ce vilain, c'est un capitaliste, mais c'est surtout une crapule égoïste. On ne veut pas tuer le capitaliste, mais on veut tuer ce type de personnages ! 

• Est-ce qu'il y a d'autres types de personnages que nous allons devoir tuer au fur et à mesure de cette série ? puisque la fin du premier tome est très ouverte quand même !

Ca va être un peu sanguinaire, oui oui oui. Un album qui a précédé, qui était Sans Pardon, était lui aussi une succession de meurtres, c'était un massacre qui programmait la disparition de tous les personnages, jusqu'au dernier. Tout le monde en mourait et je pense que c'est un point de repère pour ce qui ne doit pas être dépassé.

Mais pas question de faire du Western comme à l'époque non plus, ça ne m'intéresse pas !

• Qu'est-ce qui vous intéresse du coup ? Comment trouver du plaisir dans un genre qu'on connaît bien ? En crééant des nouvelles choses peut-être ?

Non ça reste des chevaux, des maisons en planches, des villes boueuses en mauvaise saison et poussiéreuses en bonne, où il y a un saloon dans lequel on va se soûler la gueule ! (Rires) Et souvent les vrais saloons n'ont pas la beauté qu'on trouve dans les films américains avec John Wayne, où là c'est presque un beau décor, on a envie de s'installer... Ca c'est très rare, très rare !

Et justement sur ce niveau là, je cherche à être plus proche d'une réalité "grise" on va dire. Et pas du tout d'un lieu où il y a de merveilleux meubles, un barman et des bouteilles. J'ai quelques photos de pub ou de cafés, pour ainsi dire, qui me prouvent qu'on a pas envie de s'installer dans ces endroits. Il faut juste avoir envie de se soûler pour y aller !

• On a peut-être bien mérité un petit détour par un Saloon après cette dure journée alors ! Merci pour vos réponses et votre franchise, Hermann !

Duke - Tome 1 est dorénavant disponible aux éditions Le Lombard.

Image de couverture par Patrick Fouque

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