Illustration de l'article
Incontournables
Archive 9ᵉArt
par Elsa - le 17/04/2014
Partager :
par Elsa - le 17/04/2014

Louise Joor (Kanopé), l'interview

Parmi les sorties du mois d'avril, Kanopé fait sans conteste partie des jolies surprises. Première bd d'une jeune auteure prometteuse, ce one-shot nous emmène au coeur de l'Amazonie, dans une centaine d'année. Entre romance et anticipation, c'est autant un univers riche qu'un duo de personnages attachants que Louise Joor imagine.

Elle a répondu à nos questions sur la naissance de Kanopé.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Après une scolarité en enseignement général, option artistique, je me suis inscrite à l’institut Saint-Luc à Bruxelles en section bande dessinée où j’ai appris pendant 3 années à dessiner/scénariser des petites histoires tout en faisant de belles rencontres.

J’ai ensuite passé plusieurs années à créer des histoires que je proposais sans succès auprès des éditeurs jusqu’à ce que Kanopé convainque les éditions Delcourt.

Comment raconteriez-vous Kanopé en quelques mots ?

Kanopé est une histoire d’anticipation dans la forêt amazonienne devenue radioactive, c’est la rencontre de deux mondes opposés entre une orpheline native de la jungle et un hacker venant de la civilisation futuriste.

Comment est née l'idée de cette histoire ?

J’avais envie de parler d’écologie avant tout, mais en le posant surtout comme toile de fond, avec une histoire d’amour en avant-plan. J’ai commencé à créer l’histoire de Kanopé fin 2011, la catastrophe de Fukushima était toute récente et m’avait marquée, je ressentais le besoin d’en parler et cette histoire m’en donnait l’occasion.

Vous êtes-vous beaucoup documenté pour ce récit ?

Je ne sais pas à partir de quelle mesure je peux dire que je me suis « beaucoup » documentée mais quand même pas mal oui. Je me suis procuré plusieurs livres et documentaires sur le sujet pour m’immerger dans l’ambiance des forêts tropicales et j’ai redessiné beaucoup d’éléments de la faune et de la flore de ces régions pour avoir le sentiment de les connaitre au moment de me lancer dans les planches.

Je suivais aussi en parallèle les petits making-of du tournage du film Il était une forêt (que je vous conseille vivement d’aller voir), qui se déroulait dans des forêts tropicales et me donnait des indications supplémentaires à partir de l’expérience de citadins plongé dans cet univers étranger.

Comment s'est passé votre travail sur cette bande dessinée ? (avez-vous commencé par tout écrire, puis dessiner, avancé sur l'un et l'autre progressivement... ?)

Je ne sais plus exactement dans quel ordre mais le dessin est venu très tôt. Je pense avoir commencé mes recherches graphiques en même temps que je posais les bases de l’histoire. J’ai besoin d’avoir un visuel dès le début pour voir comment rendent les différents éléments du récit, c’est à ce stade que je vois ce qui fonctionne ou non et cela influe sur le récit.

Pour moi l’écriture et le dessin sont indissociables dans une bande dessinée, je ne fais pas mes scénario en décrivant ce qui se passe case par case mais j’écris plutôt sous forme de séquencier avec parfois des petits morceaux de dialogues qui m’indiquent ce que je dois faire passer dans la scène. Tout se joue au moment du découpage où je créé les vrais dialogues en fonction des actions des personnages, je les laisse « vivre » dans le cadre fixé par le séquencier écrit plus tôt.

Comment avez-vous construit l'univers, et notamment, comment avez-vous travaillé toute la partie sur les 'déformations' liées à la catastrophe nucléaire ?

Pour la forêt, je me suis inspirée de ma documentation, de même pour la centrale que j’ai créé à partir d’éléments de plusieurs centrales existantes puis j’ai délabré le tout en pensant à la catastrophe qui a eu lieu et à la centaine d’années d’inactivité qui a suivi.

Pareil pour les déformations, je me suis documentée sur les effets de la radioactivité sur la flore et la faune, humains compris et les ai intégrées par petites doses à l’histoire. Ce sont donc, en général, des déformations existantes qui sont apparentes dans Kanopé.

Je voulais à tout prix éviter l’aspect « monstrueux » que ces déformations pourraient avoir et les amener comme un « simple » élément physique en plus avec lequel il faut vivre.

Qu'est ce qui vous a inspiré le duo de héros ?

Ma propre vie de couple peut-être.

J’aime quand, dans un couple, les deux personnes se renforcent mutuellement, c’est ce que j’ai essayé de transmettre ici avec Jean et Kanopé.

Kanopé mêle les genres. Anticipation, fable écologique, romance... Était-ce une volonté de votre part de faire un récit qui ne s'inscrive pas dans un genre précis ou cela s'est-il imposé naturellement ?

C’est venu naturellement avec tout ce dont j’avais envie de parler. Une fois le récit bien avancé, j’ai pu me dire que l’anticipation me permettait de prendre des grandes libertés quant à la réalité et la romance plaçait le coté écologique en fond et donc le rendait peut-être moins moralisateur qu’il n’aurait pu être.

Vous considérez-vous comme écologiste ?

Si l’on suit la définition suivante du mot « écologiste » :

« Partisan de l'écologisme, c'est-à-dire un courant de pensée respectueux des équilibres naturels qui promeut la préservation de l'environnement, des sociétés et des ressources naturelles contre les ravages de la société industruelle. » (source Wikipédia)

Alors oui.

Êtes-vous aussi défaitiste sur l'avenir du monde que ce que l'on peut imaginer en lisant Kanopé ?

Si par « l’avenir du monde », vous entendez « avenir de la planète », non je ne suis pas défaitiste. Quoiqu’il arrive, la planète continuera son chemin, avec ou sans nous.

Si vous parlez de l’avenir de l’humanité, j’ai toujours l’espoir qu’on s’en sorte mieux que je ne le décris dans l’histoire. C’est pour ça que j’ai fait Kanopé.

J’espère que toutes ces fictions qu’on voit et qu’on lit contribueront à faire évoluer les mentalités et que l’homme prendra conscience qu’en prenant soin de ce qui l’entoure, il prendra soin de lui-même.

Entre l'ex-libris et la préface signés par Buchet, le lien entre votre œuvre et Sillage semble s'imposer. Quel est réellement votre rapport à cette bande dessinée ?

J’étais « fan » de Sillage quand j’avais 14-15 ans, cette bande dessinée est donc naturellement restée dans mes influences.

J’ai aussi eu l’occasion de rencontrer Jean-David Morvan et Philippe Buchet à plusieurs reprises. Quand j’ai appris que Philippe Buchet s’était proposé pour un ex-libris et une préface suite à une idée des Éditions Delcourt, j’en ai été très surprise et très heureuse.

Quelles ont été vos principales influences pour cette bande dessinée ?

Les films d’Hayao Miyazaki, la nature que je découvre chaque jour derrière chez moi, l’actualité de notre monde, le dessin de Virginie Augustin, de Matthieu Bonhomme, certains films Disney et Pixar, les documentaires animaliers et tout un tas d’autres choses inconscientes qui doivent rester accrochées quelque part dans ma tête.

C'est votre première bande dessinée. J'imagine qu'entre la théorie et la pratique, il y a un monde. Quels ont été les principaux challenges que vous avez eu à relever en vous attaquant à ce one-shot de 120 pages ?

Garder un bon rythme scénaristique sur ce format de longue haleine était déjà un sacré défi, mais le plus dur pour moi a surtout été la mise en couleur de ces 124 planches.

Le dessin et la narration étaient des terrains familiers là où la couleur était une nouveauté et il m’a fallu au moins 40 planches de lutte avant de commencer à être un peu contente du résultat que j’obtenais.

Quels sont vos prochains projets ?

Je suis en train de travailler sur un nouveau projet où la nature sera tout aussi importante que dans Kanopé, mais il n’y a encore rien de signé.

Quel a été votre dernier coup de cœur bd ?

Je pense que c’est Délices de Lucy Knisley aux Éditions Delcourt. J’accorde beaucoup d’importance à la nourriture et sa manière d’en parler m’a ravie.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail