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par Thomas Mourier - le 15/09/2021
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par Thomas Mourier - le 15/09/2021

La griffe Fiffe, l’auteur cubano-américain réinvente le comics de super-héros avec Copra

La voilà, la série de super-héros la plus innovante du moment, imaginez une équipe de super-soldats déprimés, usés et dépassés qui reprennent du service pour… rater leur première mission et ensevelir une ville & tous ses habitants sous le feu nucléaire.

Hommage maîtrisé aux comics des grandes heures de Marvel, des sagas cosmiques de Jack Kirby aux univers graphiques audacieux de Steve Ditko ou encore l’inventivité de Walt Simonson (lisez son run de Thor, rien que pour Beta Ray Bill), et bien sûr ode graphique à la Suicide Squad, Copra est la somme des influences du jeune dessinateur Michel Fiffe réinventé à sa sauce décalée, intrigante et réjouissante.

On pourrait penser Copra tout droit sorti des publications kiosques DC ou Marvel des années 80 : on y retrouve les costumes, les muscles, la violence, la SF bancale, les cliffhangers… mais avec une touche qui les sublime. Du dessin aux cadrages, des design aux couleurs, Michel Fiffe rythme d’une autre manière ces cousins éloignés des X-Men ou de la Doom Patrol. Cette référence à l’équipe ré imaginée par Grant Morrison & Richard Case dans les années 90 n’est pas fortuite, car on retrouve ce goût pour les concepts qui influent sur les personnages, les histoires méta et les personnages torturés. 

De l’hommage au coup de maître 

Tout commence par une interview de John Ostrander autour de son anthologie Wasteland, Michel Fiffe pose des questions à l’une de ses idoles depuis qu’il lit enfant les Suicide Squad et il décide d’en réaliser une parodie ou un hommage à la suite de cette rencontre, Deathzone. Déjà dessinateur de plusieurs histoires courtes, du webcomics Panorama (lire notre coup de cœur ici) qui deviendra son 1er album, Michel Fiffe fini par réinventer sa propre vision de la Suicide Squad. Tout en gardant l’esprit d’une bande de loosers têtes brûlées, de héros criminels et sacrifiables, il réinvente graphiquement son modèle et va chercher d’autres enjeux. Copra #1 démarre en auto-édition en 2012, avec un tirage de 400 exemplaires et compte 10 ans plus tard, et presque 40 numéros comme l’un comics de super-héros les plus innovants et passionnants. 

Étrangement, la police Belge à lancé en 2009 le projet COPPRA (Community Policing Preventing Radicalisation and Terrorism), un groupe dédié à la surveillance et à l’infiltration des services de police dans les milieux terroristes, pour la team Copra de fiction, on est sur la même ambiance, les menaces spatio-temporelles et les casseroles en plus. On n’aimerait pas avoir les mercenaires de Copra dans nos rues, le concept de dommages collatéraux leur est assez étranger.

La griffe Fiffe

Copra de Michel Fiffe, Delirium

Graphiquement, le dessinateur nous surprend à chaque numéro (regroupés en français en intégrales). Ses designs de personnages s’affranchissent des codes habituels — on avait déjà pu avoir un aperçu de ses idées en la matière avec Panoramaet offrent une vision assez excitante de ce qu’il est encore possible de faire dans un genre ultra-balisé comme le comics de super-héros. Il utilise les gouttières et le cadre des cases comme décors, allant même jusqu’à faire traverser ses personnages le quadrillage des planches comme si l’espace et le temps étaient brisés (en réponse aux attaques cosmiques et temporelles de super-vilains). Certaines bulles se font iconiques pour exprimer ce que les êtres humains ne peuvent comprendre, cascades de symboles et de formes qui rappellent le travail de David Mazzucchelli sur Asterios Polyp.Son utilisation de la couleur complète cet aspect ludique pour jouer sur les transparences ou créer des valeurs de plans différents dans la même planche (alternant l’aquarelle avec les crayons de couleur). 

Très plastique, son trait s’adapte à la planche et ses personnages aussi, donnant une belle énergie à des personnages dépassés par les événements. L’illustrateur passe beaucoup de temps sur l’esthétique et la caractérisation des personnages, ce qui en fait des héros attachants et innovants, à la fois proches de ce que l’on aime dans le comics mainstream, mais avec une approche assez radicale. Les planches de Michel Fiffe arrivent à réunir les forces des bandes dessinées expérimentales et les codes de la BD grand public. Il faut dire que Michel Fiffe est un grand connaisseur de l’histoire du comics et pioche pas mal d’influences dans les vieux numéros de Marvel ou DC, et son écriture assez fine des héros lui ont ouvert les portes de Marvel pour qui il a réalisé la série All-New Ultimates (inédit en fr) avec Amilcar Pinna au dessin, une série d’équipe (avec de jeunes héros comme Miles Morales, Jessica Drew ou encore Kitty pride). Ou l’histoire courte Superman Red & Blue (inédit en fr) chez DC Comics qu’il illustre aussi. 

Ce 1er volume publié en France par Delirium correspond à la première intégrale, round 1 (#1 à #6) sur 6 volumes publiés chez Image ;  alors que l’auteur continue la parution en auto-édition des numéros à l’unité (le # 41 vient de sortir). L’éditeur français en prévoit 2 par an avec le prochain qui arrive ai printemps 2022 et sachez qu’il existe aussi 2 spin-off : Versus (5 numéros) et Negativeland.

Vous avez là l’occasion de suivre l’un des auteurs les plus prometteurs du moment et de découvrir une série de super-héros qui va vous offrir une respiration entre vos shots de MCU ou sorties mensuelles. Lisez-le et parlez-en partout autour de vous.

Copra de Michel Fiffe, Delirium (2 vol.parus)
Traduction : Virgil Iscan


Illustrations © Michel Fiffe / Delirium

Copra de Michel Fiffe, Delirium
Copra de Michel Fiffe, Delirium
Copra de Michel Fiffe, Delirium
Copra de Michel Fiffe, Delirium
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