Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Alfro - le 27/04/2015
Partager :
par Alfro - le 27/04/2015

Le Sculpteur, la critique

Cette critique vous est amicalement proposée par David, dont vous devriez entendre parler à nouveau dans les jours qui viennent.

Peut-on réduire une œuvre à la série de poncifs qu’elle nous assène ? Voilà la question que m’a laissée la lecture du sculpteur de Scott McCloud, le célèbre théoricien de la bande dessinée.

Comme une recette, il est bien simple d’en repérer les éléments qui la composent :

• En premier, il nous faut la structure comme une immense marmite, la tragédie classique accompagnée d’un thème, le mythe de Faust.

• Ensuite vient le personnage principal, archétype de l’artiste raté qui noie sa médiocrité dans l’alcool trop attaché au souvenir de sa gloire éphémère.

• Notre héros doit posséder bien évidemment un désir impérieux, la volonté de devenir quelqu’un, de se singulariser de la masse. Il est prêt à se damner pour satisfaire à cette obsession.

• Celui qui joue le rôle de Méphistophélès est l’oncle de notre héros, une sorte de crème allégée de sa part diabolique. Un Méphistophélès sans attributs démoniaques, un vieil homme jovial.

• Pour marcher dans les pas des tragédiens Marlowe et Goethe arrive le pacte faustien : le presque diable offre au sculpteur le pouvoir démiurgique de modeler la matière à mains nues. La contrepartie est que sa vie s’arrêtera dans deux cents jours.

Voici la base de notre récit.

• Bien évidemment, il nous faut un élément perturbateur. Quoi de mieux que la romance pour jouer ce rôle ! N’est-ce pas le cliché absolu ?

• Le visage de l’amour se nomme Meg, une actrice en devenir. Un poncif, elle aussi. La "Manic Pixie Dream Girl". La jeune fille pétillante va redonner le goût à la vie à notre héros déprimé.

• Pour rendre notre personnage secondaire plus humain, il lui faut à elle aussi une faille, quoi de mieux qu’un trouble bipolaire.

• Pour agrémenter le tout, une critique légère du milieu du commerce de l’art saupoudrée de morale puritaine, dans le rapport à l’amour et nous voici avec une bande dessinée qui a pris cinq ans de la vie de son auteur.

À la lecture de cette liste, vous pourriez à raison vous demander pourquoi je donne une telle note à cette bande dessinée. Comme un corps humain, il ne faut pas s’arrêter sur cette suite de détails cliniques, car l’âme de cette œuvre est insufflée par la maestria de son auteur. Scott McCloud nous offre une bande dessinée où chaque planche est un ravissement pour les yeux. À travers les deux couleurs classiques, le noir de l’encre sur le blanc de la page, il ajoute le bleu aux dessins qui sert à guider notre regard de case en case, insistant parfois sur l’encrage d’un détail de l’image pour créer un effet de focale. Le découpage est si parfait que les images semblent s’animer dans notre esprit.

À travers cette mise en scène, les émotions des personnages (même si elles s’avèrent convenues) traversent les pages et nous émeuvent à notre tour. On se prend à suivre l’histoire d’amour de David et Meg. On souffre du même halètement dans la course contre la mort que livre le héros même si l’on n’oublie jamais vraiment que nous connaissons déjà l’histoire et son issue.

Scott McCloud nous délivre une bande dessinée qui d’un point de vue formel tient du chef d’œuvre. Même si l’histoire est bâtie sur des archétypes, on s’attache à suivre avec plaisir le parcours du héros qui résonne en soi comme une injonction à vivre.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail