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Critiques
par Thomas Mourier - le 18/02/2022
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par Thomas Mourier - le 18/02/2022

We live, une esthétique de la revanche 

Aussi attirant que mystérieux, cet album propose une vision cauchemardesque (dans le fond) mais ravissante (dans la forme) avec son bestiaire fantastique et ses problématiques contemporaines. Les frères Miranda s’approprient le genre de la dystopie mignonne.

Cette vision de la Terre en 2084 est à la fois magique et tragique, la Nature a repris le dessus sur l’Humanité en 2050 à grand coup de catastrophes naturelles, de mutations et de rejet de l’espèce humaine. La faune et la flore ont muté et seulement 10% de la population mondiale a survécu à cette attaque. Réfugiés dans des villes fortifiées, Mégalopoles-mère, ou dans ses villages de brousse, les survivants découvrent un ultimatum laissé par des formes de vies intelligentes qui expliquent que la Terre se prépare à l’assaut final. Les aliens proposent de sauver 5 000 enfants humains, et seulement 5 000 qui doivent se regrouper dans les Mégalopoles-mère après avoir enfilé un bracelet de sauvetage. 

À travers le regard des enfants que la communauté essaie de sauver, de spolier ou de tuer, ce voyage initiatique dévoile l’ampleur de la catastrophe dans un écho à nos problématiques contemporaines dans un cadre idyllique qui n’est pas sans rappeler Nausicaä de la Vallée du Vent qui utilisait la même approche. 

Récit post-apo façon zombies & mutants qui évoquent autant le récit de Robert Kirkman & Lorenzo De Felici, Oblivion Song, que les fictions de grandes traversées façon La Route de Cormac McCarthy, mais aussi avec un univers fécond entre l’esthétique des Studio Ghibli et la créativité de Léo et ses mondes d’Aldebaran… Les frères Miranda réussissent à nous emporter au premier regard entre les graphismes chatoyants et ce scénario qui titille notre curiosité. 

Esthétique de la revanche 

© Inaki Miranda / Roy Miranda / Eva De La Cruz / 404 Comics

Inaki Miranda, Roy Miranda & Eva De La Cruz inventent un univers proche des thématiques et de l’approche d’Hayao Miyazaki avec une Nature qui se venge, qui empoisonne, dans un monde où des créatures hybrides, tels des esprits réincarnés, peuplent ce monde nouveau. Pour Inaki Miranda qui a travaillé sur Batman Beyond ou Catwoman, on peut y croiser l’influence de Poison Ivy ou Swamp Thing avec ces créatures qui pensent que l’être humain est le problème, pour cette idée que la faune & la flore peut agir. 

Dans We Live, les auteurs développent un bestiaire fantastique qui fait office de nouveaux gardiens. Une approche très graphique, un monde très travaillé qui introduisent un univers bien plus vaste, car ce premier album est en réalité un prologue qui appelle une histoire aux enjeux plus cosmiques, tout en s’attachant à rester à hauteur d’enfant. 

Des enfants qui sont des héros de ce monde voué à disparaître, les espoirs de l’humanité dont les adultes illustrent tous les travers et on retrouve une réflexion sur les théories de l’effondrement, sur la vision post apocalyptique d’une Terre qui ne résiste pas aux problèmes du XXIe siècle.  

Le trait d’Inaki Miranda joue entre plusieurs registres, assez vif et stylisé, il lui permet de passer de scènes très dures à des passages plus cartoons, sans oublier les paysages qui se rapprochent d’illustrations de contes jeunesse. Un trait assez léché, rehaussé par les couleurs de Eva De La Cruz qui rendent à merveille cet univers à la fois beau et dangereux de couleurs très pop, flashy, détonnantes. On est surpris à chaque page, dans des planches qui s’amusent à mêler forêt luxuriante et jungle urbaine, robots géants et animaux mutants.

Une expérience nouvelle 

Les auteurs innovent dans leur approche, en proposant un récit complet qui cache un ensemble plus vaste (on y revient juste après) et en proposant une expérience de lecture immersive à l’aide d’une bande-son spécialement composée pour l’occasion. Au fil des planches, le lecteur croise des QR codes qui donnent accès à des pistes sur YouTube, connectées à l’action et aux ambiances, qui accompagnent la lecture. 8 chansons composées par El Hombre Viento and Mario « Gonzo » Lorente qui interviennent à des moments précis de l’histoire. 

Derrière la cavale du jeune Hototo et de sa sœur Tala se cache une saga ambitieuse. Sans trop de spoilers, mais pour soulever légèrement le voile des bonnes idées : l’ensemble est un prologue ingénieux à une série où les auteurs donnent corps aux motivations des héros. Derrière l’apparence de cette quête vers l’espoir, de cette balade empoisonnée se cache une réflexion sur la construction du mythe ou de la fabrique héroïque. 

Assez inédit dans la manière de présenter une nouvelle série sur ces thèmes, l’habileté des auteurs est de traiter ces fausses pistes avec autant de passion, de profondeur et de crédibilité que si c’était le récit final. La suite arrive avec une autre forme, mais l’ensemble publié ici sous le titre de We Live s’inscrit déjà comme un album marquant dont l’écho résonnera longtemps.  

We Live de Inaki Miranda et Roy Miranda, Eva De La Cruz (couleurs) et Dave Sharpe (lettrage), 404 Comics 

Trad : Cédric Calas aka le Commis des Comics 


Illustrations : © Inaki Miranda / Roy Miranda / Eva De La Cruz / 404 Comics

© Inaki Miranda / Roy Miranda / Eva De La Cruz / 404 Comics
© Inaki Miranda / Roy Miranda / Eva De La Cruz / 404 Comics
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