À part Thanos, nous n’avions pas encore abordé les portraits de super-vilains sur Bubble. Et la sortie de ce film nous donne une bonne occasion de faire le point sur le méchant le plus iconique de la bande-dessinée.
Le plus vieil ennemi de Batman est là depuis le début dans Batman #1 en 1940 (plus d’infos sur Batman et ses histoires ici.) Il va progressivement passer de bouffon à psychopathe, du rire au rictus. Car le pouvoir du Joker est d’une nature particulière : ses actes et ses intentions sont les seules (ou presque) à influencer le destin du chevalier noir.
La vie de Batman et de ses proches ne semblent bousculées que par ce personnage, dans un monde où chaque comics peut rebooter, voir modifier l’histoire. Les actes du Joker semblent irréversibles, comme les tragédies présentes dans The Killing Joke et Un deuil dans la famille, ou ses pires idées pour mettre au défi l’homme en noir dans Arkham Asylum ou Dark Knight…
À l’écran, le personnage se distingue également dans le lot des super-méchants. Après les prestations remarquées au cinéma de Jack Nicholson dans le film de Tim Burton, et surtout celle de Heath Ledger dans la trilogie de Christopher Nolan qui a soufflé les fans comme ceux qui découvraient l’œuvre. Avec Joker, Joaquin Phoenix se taille une place de choix dans le destin de ce personnage singulier alors que le film arrive tout juste. Petit guide des bons albums à lire avant d’aller au ciné.
Alors, « comment être si sérieux » ?
📸 Batman : The Killing Joke, d’Alan Moore et Brian Bolland, Urban comics.
Si vous voulez aller à l’essentiel, je vous conseille ce titre en priorité. The Killing Joke, une histoire où le jeune Alan Moore (encore en plein dans l’écriture de Watchmen) s’approprie l’univers de Batman à travers son pire ennemi. Le parti-pris est osé et sans concession.
Les auteurs anglais vont décaper les origines du personnage et l’ancrer pour de bon lui qui était resté anonyme plus de 40 ans. Ce one-shot révèle les origines du Joker, sa vie en tant que comique raté et sa débâcle pour survivre en passant par sa transformation jusqu’à devenir le plus grand psychopathe vivant.
Je parlais en introduction des conséquences et de l’impact du Joker sur la vie du Batman, voici une histoire qui marqua toute l’industrie du comics par sa brièveté, sa cruauté et sa fin ambiguë. On n’en dira pas plus.
Le dessin et les couleurs de Brian Bolland subliment le titre donnant une force symbolique à certains éléments dans les flash-back, dans les jeux de miroirs ou les cadrages. Un dessinateur iconique qui signe ici une de ses rares histoires s’étant spécialisé dans les couvertures après ce coup de maître.
Ce récit des origines avec son ton provocateur et son humour sinistre, va redéfinir le personnage et sera réutilisé dans de nombreuses histoires, en comics et au cinéma. Impossible de passer à côté, ce très court album est une clef pour comprendre le Joker et l’univers de Batman en général.
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🃏 Joker Anthologie, Urban comics.
Un autre bon point de départ pour cerner l’évolution du personnage est ce recueil de 18 histoires et extraits de 1940 à 2013.
Cette compilation a le double avantage de proposer des histoires du Joker à toutes les époques afin que vous puissiez vous faire une idée précise de ce personnage atypique, mais aussi de donner un éclairage éditorial avec des textes d’introduction qui jalonnent le livre.
On y trouve sa première apparition, sa proximité avec Red Hood qui sera décisive pour la suite, la renaissance du personnage, son côté cartoon apporté par Paul Dini ou encore le récit L’homme qui rit d’Ed Brubaker et Doug Mahnke dans son intégralité (voir explications plus bas).
Une sélection qui permet de retracer la carrière du Clown Prince du Crime de Gotham City.
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OU vous pouvez aussi partir sur :
🔫 Joker : L’homme qui rit, d’Ed Brubaker et Doug Mahnke + Greg Rucka et Michael Lark, Urban comics.
L’éditeur français du catalogue DC a eu la bonne idée de compléter cette histoire par un arc de la série injustement méconnue: Gotham central. Les auteurs se placent dans la continuité du Batman : Year One de Frank Miller et David Mazzucchelli, et proposent la première rencontre entre les deux personnages. Une histoire très courte elle aussi, mais reprenant tous les codes et clins d’œil des versions mythiques qui la précèdent, tout en cherchant à donner un côté polar avec une course contre la montre.
Je dis “OU” plus haut, car l’histoire principale du recueil Joker l’homme qui rit est déjà présente en intégralité dans la Joker Anthologie. Mais si vous faîtes le choix de ce livre vous pouvez lire en complément un run de Gotham central, cette série qui présente la vie du commissariat et des flics de Gotham en marge des histoires de Batman. Ces enquêtes se déroulent souvent en l’absence du chevalier noir et se payent de luxe de ne pas présenter les méchants ou “stars” comme il est d’usage, mais restent tout de même connectées à son univers et ses criminels.
La grande liberté de ton et le côté hors champ a permis aux auteurs de développer des thématiques fortes et engagées jusque là peu présentes dans ce type de récit. Ici les policiers sont la cible d’un sniper calculateur qui n’est autre que le Joker avec une de ses plus belles scènes de garde à vue.
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Ensuite plusieurs choix possibles, car on sort un peu du canon des origines pour se pencher sur son œuvre et son destin en tant que génie du mal.
Je vous propose quelques titres suivant leur date de parution.
🔮 Batman : Dark Knight de Frank Miller, Urban comics.
Le récit qui façonnera le personnage moderne de Batman (complété par Batman : Year One) est aussi la “renaissance” du Joker. Dans un futur pas si éloigné, Bruce âgé doit reprendre du service en tant que Batman dans un Gotham ravagé par les gangs et une Amérique sous tension en pleine Guerre Froide.
Le Joker s’amuse du retour de son grand ennemi et décide de revenir sur le devant de la scène usant de l’impact nouveau des médias et arrivant à devenir incontournable dans ce monde qui l’avait oublié. Une dystopie où les grands héros sont à la retraite forcée à l’exception de Superman devenu super-héros d’État.
Notre ami au sourire éternel trouvera une idée de grand final face au Dark Knight à la hauteur de ses ambitions. Que ce soit pour le Joker ou Batman, vous ne pouvez pas passer à côté de ce titre si vous voulez connaitre ces personnages.
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☠️ Un deuil dans la famille de Jim Starlin et Jim Aparo , Urban comics.
Il date de la même époque que The Killing Joke et les auteurs ont eu cette même intuition de pousser le Joker à commettre l’irréversible.
Dans ces deux titres, et plus particulièrement dans Un deuil dans la famille, l’ennemi juré de Batman va vraiment passer la ligne rouge et définitivement assombrir son univers.
Ce récit n’est pas dans les indispensables mais il est une pierre angulaire du destin de Batman et de sa relation au Joker. C’est aussi la clé qui vous permettra de comprendre le devenir et les trajectoires des différents Robin qui ont assisté le chevalier noir.
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💊 Arkham Asylum de Grant Morrison et Dave McKean, Urban comics.
Le Joker attire Batman dans l’asile d’Arkham où sont enfermés ses pires ennemis. On assiste alors à un duel de schizophrènes où on ne sait plus très bien qui du clown psychopathe ou de l’homme chauve-souris est vraiment le plus fou.
Les auteurs partent du même postulat qu’Alan Moore en rapprochant les deux ennemis dans la folie. Car même si l’un est au service de la justice, leurs conditions et leurs actions trouvent beaucoup de points communs.
Cette œuvre joue énormément sur des références littéraires, des jeux de citations et d’auto-références soutenus par les peintures incroyables de Dave McKean en guise de planches. Une œuvre un peu plus difficile d’accès que les comics habituels mais qui se révèle être un chef-d’œuvre si on en passe le seuil.
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🧩 Mad Love de Paul Dini et Bruce Timm, Urban comics.
Les auteurs de la série animée à succès des années 1990 ont créé à l’écran un personnage nouveau qui n’existait pas dans les comics : Harley Quinn.
Cette jeune psychiatre tombée amoureuse du clown (et qui s’auto-proclame sa complice) est devenue très populaire grâce à l’interprétation de Margot Robbie dans le film Suicide Squad. Mais avant ce film raté, la série TV était très bien écrite et superbement réalisée. Ses auteurs avaient même sorti un comics book pour relater le début de cet improbable idylle : Mad Love.
On y trouve un Joker un peu dépassé par les ambitions et l’amour démesurés de sa nouvelle coéquipière, le tout mis en scène dans des histoires courtes et amusantes.
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🤡 JOKER de Brian Azzarello et Lee Bermejo, Urban Comics.
Histoire un peu à part où le Joker sort d’Arkham pour bonne conduite et réintègre les rues de Gotham. Il s’aperçoit qu’en son absence les autres criminels se sont partagés la part du gâteau et qu’il va falloir sévir. Et sur ce terrain-là, il est assez créatif…
Derrière cette guerre des gangs façon mafia New-Yorkaise, avec les badguy de DC en guise de familles de la pègre et un Joker en parrain, cette histoire reste assez classique malgré le côté chef de meute assez peu exploité du clown terrible. Les auteurs lui donnent une stature plus imposante et machiavélique qu’à l’ordinaire, une folie plus maîtrisée dans sa cruauté.
L’intérêt de cet album réside surtout dans les dessins et la mise en image du Joker et de son univers. Les monstres sont vraiment effrayants, et les images arrivent à nous mettre mal à l’aise. Un album à lire en complément des précédents.
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🗳 Batman White Knight de Sean Murphy, Urban comics.
Dernier grand run mettant en scène le Joker, cette mini-série le présente comme amendé, guéri de sa folie. Soutenu par Harley Quinn (qui trouve là un de ses rôles les mieux écrits en bande-dessinée) le Joker se débarrasse du costume, du maquillage et redevient Jack Napier. Un criminel repenti qui se met au service des citoyens et s’engage contre le vigilantisme et Batman…
Un récit qui tire ses préoccupations sur la violence et les médias directement du Dark Knight de Frank Miller. Le Joker utilise à nouveau l’écran, ici les réseaux sociaux, pour discréditer Batman et se placer en sauveur de Gotham.
Toute la partie dessin et encrage est de très haut niveau, le dessinateur se fait plaisir sur le titre en multipliant les clins d’œil et des références aux Batman des années 80-90 (les fans de Batmobil seront comblés) et offre une vision sombre, gothique & esthétique de Gotham.
Existerait-il un White Knight ? Un chevalier blanc (et vert) plus fort que le Dark Knight ?