Illustration de l'article
Critiques
Archive 9ᵉArt
par Elsa - le 17/07/2014
Partager :
par Elsa - le 17/07/2014

Erased tome 1, la critique

Le flashback est un exercice bien plus compliqué qu'il n'y parait. Il n'est pas juste question de faire des sauts désinvoltes entre passé et présent, mais plutôt de raconter plusieurs présents, de les lier les uns aux autres d'une manière efficace et fluide tout en nous glissant à chaque fois des éléments qui enrichiront l'intrigue d'une manière subtile. Autant dire que c'est un dosage complexe.

Kei Sanbe ne maitrise pas seulement bien l'art du flashback, il base toute son histoire dessus. Et le plus fou c'est que ça fonctionne à la perfection.

Héros malgré lui.

Satoru Fujinuma est un mangaka au chômage, qui s'accroche quand même à son rêve de faire carrière. Pour joindre les deux bouts, il est livreur de pizza à mi-temps. A priori c'est un jeune homme sans histoire. Oui mais voilà, à chaque fois qu'une catastrophe se profile alors qu'il est à proximité, il revient dans le passé, d'une à cinq minutes, et cela autant de fois que nécessaire pour qu'il analyse la situation et détermine quel est le danger. Ensuite, sa conscience le pousse à agir pour éviter les drames, même si cela lui attire souvent bien des ennuis.

Cette fois-ci, non seulement une de ses 'rediffusions' l'envoie à l'hôpital, mais elle a aussi réveillé en lui des souvenirs enfouis, notamment le visage d'une petite fille sortie tout droit de sa propre enfance... Il comprend vite qu'il avait tout fait pour l'oublier, et il y avait sans doute une bonne raison, mais la machine est désormais enclenchée. Il va devoir fouiller dans sa mémoire pour se souvenir. Surtout que son passé et le présent sont bien plus liés qu'il ne pourrait l'imaginer...

Sombre puzzle.

Décidément, l'éditeur Ki-oon sait mettre la main sur d'excellents titres. Erased est un seinen original et particulièrement bien construit. Il y a cet habile jeu de flashback d'abord, sur lequel repose l'histoire. Des flashbacks presque instantanés lors des rediffusions de Satoru, et d'autres bien plus lointains quand il se remémore son enfance. Chaque passage nous éclaire un peu plus sur une intrigue complexe et particulièrement riche.

Mais c'est loin d'être tout. Au fur et à mesure que le récit gagne en densité, il devient aussi de plus en plus sombre. Autant visuellement que dans le ton, il y a une vraie lumière qui se dégage des premières pages d'Erased, mais on plonge peu à peu dans la noirceur. Ce titre est un vrai seinen, où Satoru revit ses souvenirs d'enfance d'une manière assez violente : l'innocence de l'enfance a laissé place au regard de l'adulte. Les silences et les non-dits des 'grands' prennent tout à coup une toute autre dimension. La vie du Satoru adulte s'assombrit elle-aussi progressivement, ses recherches ne passant pas inaperçues...

L'auteur prend également son temps pour développer et rendre particulièrement attachant ses personnages. Si les autres, comme la mère de Satoru ou Airi, une lycéenne qui travaille avec lui, sont racontés d'un point de vue extérieur, il n'en reste pas moins qu'on les observe évoluer, bouger. Et comme Satoru s'interroge beaucoup sur ses relations avec les autres, on réalise mieux les agissements des uns et des autres. En ce qui concerne le héros, ses questionnements en voix off se mêlent agréablement au récit, le rendant vraiment 'humain', plein de doutes et de contradictions.

Si les planches ont un petit côté statique (notamment à cause des cheveux entièrement noirs qui semblent toujours parfaitement immobiles), le trait du mangaka est beau et plein de personnalité. La mise en scène est réussie, riche en détails, et le dessin amène toujours l'attention sur les regards, un élément particulièrement important dans les histoires basées sur des secrets. Le noir est un élément important des pages et l'histoire, couleurs des ombres, de l'obscurité, des souvenirs troubles... et du sang que Satoru ne peut pas toujours empêcher de couler.

Erased est un très bon thriller, qui joue intelligemment avec les notions de temps, et de rythme. Il y a le temps qui passe réellement, et le fil des souvenirs de Satoru qui se déroule. Comme si le présent allait dans deux directions en même temps, en arrière, et en avant.... Le résultat est à la hauteur de cette idée originale. C'est un titre prenant, sombre et particulièrement riche.

© 2013 Kei Sanbe / KADOKAWA SHOTEN Co., Ltd.

Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail