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par Mathieu Van de catsije - le 21/11/2022
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par Mathieu Van de catsije - le 21/11/2022

Une Sacrée Mamie, et son sacré petit fils

Un tendre voyage dans le quotidien serein et amusant d’un jeune garçon, de sa sacrée mamie, et de leur vie faite de rien, pourtant pleine de tout.

Le Japon d’après-guerre est un archipel en reconstruction, où tout le monde travaille d’arrache pied pour gagner quelques piécettes. Dans cet Empire du Soleil plus très lumineux, il devient malheureusement fréquent que des parents se voient forcés d’abandonner leurs enfants ne pouvant pas subvenir à leurs besoins. Les abandonner, ou bien les envoyer vivre chez leurs grands-parents. Ce sera le cas de l’humoriste nippon Yōshichi Shimada qui en 1958 se voit expédiée chez sa grand-mère dans la campagne de Saga. Une période de sa vie dont il est très fier et qu’il décidera de conter dans un roman plus tard adapté en manga par Ishikawa Saburō. Une adaptation qui prend un sens bien particulier quand on sait que cette même période qui a vu Yōshichi Shimada grandir au côté de sa grand mère, fut le début de l’âge d’or du manga au Japon, avec notamment l’avènement d’artistes comme Yoshihiro Tatsumi, Osamu Tezuka ou encore Takao Saito

Située dans la partie nord-ouest de Kyūshū – île à l’extrême sud du Japon – la préfecture de Saga reste aujourd’hui encore une campagne très peu urbanisée. C’est dans cette campagne qu’en 1958, le jeune Akihiro arrive, après avoir précipitamment du quitter Hiroshima, son grand frère et sa mère, pour rejoindre sa grand-mère. Au côté de cette dernière, notre jeune héro va découvrir une toute nouvelle vie, faite de tout petits rien, mais bien agréable. Prenant l’exemple sur sa super mamie, Akihiro va apprendre à tirer le mieux de chaque situation et à profiter de toutes les petites choses de la vie…

Le “double” retour d’Akihiro et sa mamie 

Premièrement publié entre 2009 et 2010, Une Sacrée Mamie fait peau neuve en 2022 – toujours aux éditions Delcourt – avec une édition double compilant les onze albums d’origine en 5 albums aussi épais qu’agréables. Une nouvelle publication qui rend un hommage magnifique à cette œuvre si douce et si forte qui conte à merveille l’enfance d’un homme marqué à jamais par sa grand-mère. 

Une mamie économe qui offre à notre protagoniste, mais aussi à nous, lecteurs, une vision plus simple de la vie, plus calme. On découvre un Japon pauvre mais débrouillard, où l’on vit au jour le jour et où l’on se débrouille avec ce que l’on peut tout en gardant le sourire. Akihiro connaît une vie de petites aventures que sa grand-mère lui apprend à conquérir avec humour. 

Le format d’écriture, en compilation de petites histoires, offre une lecture fluide et souple. On lit un chapitre puis on y revient plus tard. Un aspect renforcé par l’édition Double.

On rigole beaucoup devant ces histoires remplies d’humour, et on comprend bien vite que cette vie à fortement du impacter Yōshichi, notamment dans son devenir d’humoriste – un aspect qu’il confirme d’ailleurs dans la préface du premier tome. Attention toutefois si vous avez le cœur léger, car il suffit parfois d’un tour de page pour transformer les rires en larmes. 

© Yōshichi / Saburō / Groupe Delcourt

De son côté, Ishikawa Saburō – le mangaka – illustre à merveille les scènes du quotidien de Akihiro, comme si, lui aussi, avait été là, à Saga, au côté de cette sacrée mamie. Son trait est doux et simple. Les visages, notamment, cherchent la simplicité. Pourtant, Ishikawa Saburō véhicule à travers eux des émotions intenses et on se retrouve rapidement happé par ces visages et leurs regards qui nous semblaient pourtant si simples. À l’instar des personnages, les décors offrent de nombreux détails, des précisions qui nous permettent une immersion totale dans cette campagne japonaise d’après-guerre. On voyage à travers Saga et ses paysages végétaux infinis,on découvre les bâtiments de l’époque, notamment cette maison, faite de bricoles et pourtant si chaleureuse – même aux voleurs ! Une illustration à la fois simple et détaillée, qui offre une parfaite complémentarité à l’histoire de Shimada. 

Une Sacrée Mamie offre à ses lecteurs un moment contemplatif, chaleureux et amusant. À la manière d’un Taniguchi auquel on aurait ajouté une louche d’humour, Yōshichi Shimada nous fait découvrir calmement les histoires heureuses de son enfance. Des histoires pleines de rien mais remplies de tout, l’air de nous dire que le bonheur se trouve partout. Ishikawa Saburō illustre ces récits avec un travail fabuleux, donnant vie à Akihiro, sa sacrée mamie et ses amis avec un style unique. 

Une lecture qui vous apaisera à coup sûr, et qu’on ne peut que vous recommander en cette fin d’année avec la sortie du dernier volume, moment opportun pour remercier nos grands mères de tout ce qu’elles nous ont offert.

Une Sacrée Mamie (édition double en 5 volumes) de Shimada Yōshichi et Ishikawa Saburō, Delcourt/Tonkam

Traduit du Japonais par Tetsuya Yano.


Image principale & extraits : © Yōshichi / Saburō / Groupe Delcourt

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