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par Alfro - le 12/01/2014
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par Alfro - le 12/01/2014

Portrait de Légende #6 : Akira Toriyama

Il était évident que si nous voulions parler de Dragon Ball, il fallait que l’on commence par son créateur, Akira Toriyama. Considéré par beaucoup comme le plus grand des mangakas, surtout en terme de notoriété, il fut porté par son œuvre sur tous les continents, devenant une idole pour toute une génération à la seule force de son crayon.

Pourtant, c’est presque malgré lui qu’il en est venu à une telle reconnaissance. Car si son œuvre majeure est connue d’un très grand nombre, celui qui en est l’instigateur reste assez mystérieux. En partie à cause du fait qu’il fuyait les projecteurs, restant discret et préférant se soucier de sa vie bucolique plutôt que d’une exposition médiatique qu’il n’a jamais recherchée.

1. Les mains dans le cambouis


Né en 1955, Akira Toriyama ne rêve pas du tout dans ses premières années à devenir un auteur de manga, ses pensées voguent plutôt du côté de la mécanique. Son père était un ancien champion de moto qui tenait depuis un garage à Nagoya. De cette première vocation, le dessinateur conservera ce goût pour les véhicules en tout genre. Certes, il dessinait à l’école, mais comme il le dit lui-même, à cette époque où Osamu Tezuka (dont Toriyama adore l’Astro Boy) donnait une toute nouvelle dimension au manga, tous les jeunes Japonais essayaient de l’imiter. C’est quand il remportera un prix au studio d’art de son quartier en copiant un dessin venu de son film préféré de l’époque, Les 101 Dalmatiens, qu’Akira Toriyama va se rendre compte de ses prédisposions pour le 9eme Art.

Pourtant, il faudra attendre encore un peu avant de le voir publier ses premières planches. En effet, il travaille tout d’abord trois ans dans une agence de pub où il illustre des posters. Véritable éponge artistique, celui qui n’est pas encore auteur retiendra ce sens de l’accroche, de l’image marquante, composée pour en mettre plein la vue. Alors qu’il n’a pas encore été publié, il réalise que ce n’est pas cela qu’il veut faire dans la vie et quitte son job (ce qui n’est pas un acte anodin au Japon). Il va alors envoyer une de ses histoires lors d’un concours amateur organisé par le magazine Jump.

Vous pensiez que cela finirait un histoire de conte de fée, non ? Et non, il ne gagne pas. Il en retire quand même des conseils de la part de Kazuhiko Torishima, qui deviendra plus tard son éditeur, l’encourageant à continuer dans cette voie. Ce qu’il fait, jusqu’à ce que l’une de ses courtes histoires qu’il envoie régulièrement soit publiée dans Weekly Shônen Jump. Cet épisode, Wonder Island, va lui permettre de passer professionnel dans le monde du manga. Il lui faudra attendre cependant encore deux ans et sa troisième histoire publiée avant de nouer avec le succès.

2. Des débuts loufoques


Cette série qui donnera la première occasion à Akira Toriyama n’est nulle autre que Dr. Slump. D’ailleurs, l’auteur racontera une anecdote assez édifiante à son sujet, c’est qu’au début de sa publication (il a alors vingt-cinq ans), il habitait encore chez ses parents, n’ayant pas les moyens de pouvoir s’offrir son propre logement, et qu’à la fin, quatre ans plus tard, il était devenu une superstar du manga.

Dr. Slump met en scène une jeune androïde totalement naïve (une marque de fabrique de Toriyama) qui va s’attirer de nombreuses situations rocambolesques suite aux quiproquos qu’elle va créer. On retrouve déjà les tropes de l’œuvre de celui qui n’en est qu’à ses débuts, comme ces animaux anthropomorphisés, ces scientifiques pas forcément bien attentionnés ou cette profusion de véhicules des plus étranges.

Cette première série est surtout pour le mangaka l’occasion de jouer avec la pop culture, ce qui lui tiendra toujours à cœur, lui qui plonge son ouverture d’esprit sur un grand nombre de médias, bien au-delà des seules frontières japonaises. On trouve ainsi au détour d’une page une parodie de Superman ou un policier affublé d’un casque de Stormtrooper. Plus drôle, et plus rare à l'époque, le jeune Akira va briser le 4ème mur et intervenir directement dans son histoire à quelques reprises, dans la peau d'un auteur aussi paumé qu'omnipotent et feignant.

Alors que l’on découvre son sens de l’humour assez particulier et irrévérencieux (mais jamais aggressif), qui tourne souvent autour de la scatophilie d’ailleurs, Akira Toriyama commence à récolter ses premiers lauriers, avec un Prix Shogakukan du meilleur shônen obtenu en 1981 puis par une adaptation en animé qui lui apportera visibilité et succès. Il ne s’arrête pas là, et continue de publier des one-shots durant la publication de cette série, et l’un d’eux, Dragon Boy, va attirer le regard du public et surtout, il se rend compte qu’il a très envie de raconter cette histoire. Il va bientôt la reprendre à la fin de Dr. Slump, en 1984. Il enchaîne ainsi avec Dragon Ball, espérant obtenir avec celle-ci le même succès qu’avec sa première série.

3. Plus haut que le ciel


Dragon Ball va non seulement réussir à garder le public de Dr. Slump, mais va aller bien plus loin et attirer un public faramineux. Cette série va contribuer à l’âge d’or du magazine Jump dans lequel elle est publiée et va devenir par la suite le manga le plus vendu de tous les temps jusqu’à ce que One Piece et ses nombreux volumes ne parviennent à la détrôner. Cela va vite devenir plus qu’un manga, un véritable phénomène de société et contribuer à l’essor de l'art séquentiel japonais à l’international.

Il y présente une réinterprétation toute personnelle du Voyage en Occident en mettant en scène un jeune garçon, Sangoku, qui est un étrange alliage de force surhumaine et de naïveté confondante. La fraîcheur de ce personnage, incroyablement pur à l’image de l’Astro Boy d’Osamu Tezuka qu’Akira Toriyama admire tant, alliée à des aventures plus que rocambolesques apportent un vent de fraîcheur inédit sur le paysage du manga de l’époque. Les influences externes ravivent un genre qui finissait par tourner en rond et à se pomper lui-même. Le public se jette alors dessus et Toriyama se retrouve bientôt au centre d’une machine qu’il aura du mal à arrêter.

Ainsi, pendant quatre ans, il va décrire les aventures de son jeune héros, ainsi que de ses compagnons comme Bulma ou Krilin. Arrivé à ce qu’il pense être le bout de son histoire, le jeune Goku ayant bien grandi et s’étant même marié avec Chichi, il souhaite y mettre un terme. Ce qu’il fait d’ailleurs. Cependant, son éditeur ne pense décidément pas de la même manière. Le succès de la série est tel qu’elle représente la moitié de leurs recettes totales et ils ont du mal à se résoudre à arrêter une telle manne. Ils enjoignent donc Toriyama de continuer, et ayant un contrôle sur ce qu’il publie (il y a bien moins d’éditeurs à l’époque, offrant moins de portes de sortie aux mangakas), c’est presque forcé qu’il doit s’y remettre.

Il reprend donc, mais en faisant un bon dans le temps. Désormais, Goku est définitivement adulte et a un fils, Sangohan, coulant des jours heureux. Seulement, Toriyama va élargir l’univers de son manga en dévoilant les origines extra-terrestres de son héros et en amenant des premiers ennemis qui démontrent un tout nouveau ton dans la série. Alors que le début est surtout humoristique et centré sur l’aventure et la découverte, il se centre ici sur le combat et le dépassement de soi. Jusqu’en 1995, s’accordant des divertissements en faisant du chara-designs pour les jeux vidéos comme Dragon Quest ou Chrono Trigger, il va mener son manga encore plus loin et développer un monde complexe avec de nombreux codes.

Il va cependant prendre conscience avec le dernier arc qu’il est à bout de souffle et qu’il doit s’arrêter sous peine de ne plus rien avoir à dire, éditeur ou non. De toute façon, ils n’ont plus guère besoin de lui, avec les adaptations en animé (d’ailleurs, l‘appellation Dragon Ball Z vient de l’animé et non du manga) et les multiples OAVs, jeux vidéos et autres produits dérivés qui sortent sans cesse apportant toujours des bénéfices impressionnants pour une série aussi âgée. Akira Toriyama, assez peu concerné par cela, se retire dans sa maison de campagne et se consacre à son combat pour l’écologie (qui lui a toujours tenu à cœur et dont on en trouve des traces dans sa célèbre série). Il expliquera d’ailleurs que s’il n’a jamais craché sur tout cet argent qui arrive régulièrement sur son compte, cela n’a jamais été son moteur et qu’il en avait désormais assez pour ne plus avoir à se forcer à continuer alors qu’il était en panne d’inspiration.
 

4. La vie est un long fleuve tranquille

L’arrêt de Dragon Ball ne signifie pas pour autant qu’Akira Toriyama prenne sa retraite, rappelons qu’il n’avait que vingt-huit ans quand il a sorti le premier épisode de sa série et qu’il n’a donc que quarante-ans quand il veut s’ouvrir à de nouveaux horizons. Il va ainsi continuer de publier quelques one-shots épars et contribuer à la création de nouveaux designs pour Dragon Ball, notamment pour Dragon Ball GT, un animé qui fait suite à ce qu’il a raconté mais dont il n’a rien écrit.

Par ailleurs, il est aussi devenu une figure tutélaire du shônen. Régulièrement invité sur les plateaux télé ou lors de conférences et autres ateliers, il se sert de sa posture pour transmettre son savoir. Il collabore ainsi régulièrement avec l’un de ses grands fans, Eiichiro Oda, l’auteur de One Piece, avec qui il va même faire Cross Epoch, un one-shot qui mêle les univers des deux séries principales de chacun des mangakas.

En plus de cela, il a régulièrement travaillé avec l’industrie du jeu vidéo en designant de nombreux personnages, et continuera encore, comme avec Blue Dragon où il dessine presque tous les membres de ce RPG qui n’aura qu’un succès modéré. Notons tout de même qu’en 2005, il a pu allier deux de ses préoccupations, son rêve d’enfant de faire des véhicules et son intérêt pour l’écologie. En effet, il va dessiner la QVOLT, une voiture électrique qui ne sera produite qu’à neuf exemplaires mais qui reste la preuve physique du désir de toujours avancer d’un auteur qui aura sans cesse communiqué sa foi en l’humanité et son ouverture à l’autre et qui par son manga aura transmis ces valeurs à de nombreux lecteurs à travers le monde.

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