1980 -> 1990 : Rien ne va plus, le jazz est mort, il est grand temps de réagir !
Les années 80 représentent l'époque de toutes les musiques, Le Rock, le Funk, le Disco, Le Hip Hop, La Pop... Devant tant de diversité, le publique se laisse porter par les tendances et se fie énormément au box office. C'est à cette époque que la sentence ose enfin tomber : Le Jazz est mort ! Ce n'est évidemment pas l'avis de tout le monde et nombres de formations et d'artistes vont continuer à exercer leur art dans ce milieu. Mieux que ça, plusieurs musiciens vont abordé une approche innovante du Jazz, poussant certaines idées antérieures à leur paroxysme : Il faut mêler le Jazz à d'autres cultures ! Le monde de la musique va alors découvrir la « world music » et le Jazz ne s'y trompera pas en s'engouffrant totalement dans ce mouvement populaire. C'est l'époque des mutations les plus folles et des associations les plus étonnantes ! Le comics va lui aussi être chamboulé dans les années 80 avec l'arrivée de jeunes talents plus exceptionnels les un que les autres, créant de véritables manifestes à chaque publication, et participant ensemble à "l'age moderne", un age plus mature et plus psychanalytique de la bande dessinée.
Le jazz rencontre la musique cubaine.
MACHITO (associé à BILL WATTERSON)
Ce percussionniste cubain ne débute pas sa carrière dans les années 80 mais bien plus tôt. Dés son enfance, il possède un talent rare pour les maracas. Il quitte Cuba en 1937 pour former ce qui sera sans doute l'un des tout premiers orchestres de Jazz « cubain ». Les années 50 sont pour lui une époque de nombreuses collaborations avec le monde du jazz, notamment Charlie Parker. En 1975, il participe très activement au renouveau de Gillespie avec l'album « Mirra » et amorcent réellement la tendance « ethnique » des années 80. Il reçoit, en 1983, un grammy award pour l'un de ses meilleurs albums, très innovant à l'époque. Il reste aujourd'hui l'un des grands héros du jazz Latin, notamment en tant que responsable du succès incroyable de Gillespie dans les années 80. Arrangeur d'un talent immense, sa façon de concevoir les orchestrations fut essentielle au développement et à l'essor du courant Latin Jazz. Son « Pensativo » de 1975 reste un summum du genre annonciateur d'une décennie hyper créative : http://www.youtube.com/watch?v=mKSBw2UVq2o . A l'instar des orchestrations de Machito, les années 80 voient l'arrivée d'une BD très positive et dynamique : Calvin et Hobbes. Crée en 1985 par le talentueux Bill Watterson, cette œuvre est, et restera, un summum de l’insouciance et de la bonne humeur chères aux percussions de Machito.

Le jazz rencontre la salsa.
TITO PUENTE (associé à MOEBIUS)
Puente est un artiste réellement prolifique et éclectique. Durant toute sa carrière, il touchera au mambo, au latin jazz, au cha-cha-cha, au pachanga et surtout à la Salsa dans les années 80, et il deviendra très vite l'un des plus grands joueurs de timbale. Il aura jouer accompagné de Davis, Hampton, Gillespie ou Gordon et trouvera son indépendance dans le courant des années 80 en collaborant à des groupes de Salsa qu'il va littéralement galvaniser. Il se tourne alors presque exclusivement vers la musique instrumentale et le Jazz et forme un groupe majeur, « Los Salseros ». Sa maîtrise des rythmes latins et jazzy le pousseront à former un Big band de 20 musiciens plus époustouflants les uns que les autres. Une écoute du « latin Jazz » de ce grand monsieur finira de vous persuader de sa place dans cet article : http://www.youtube.com/watch?v=MpJMgfVOgRQ . Tito puente étant un musicien hybride et un génie musical, je l'apparente sans grande difficulté au génie multiface qu'est Moebius (ou Jean Giraud) qui a su, en 1981, développé un univers unique et révolutionnaire avec son Incal. Véritable transfuge des influences de l'époque (comme la musique de Puente), cette bande-dessinée hors norme marquera les esprit pour très longtemps.



Le Jazz rencontre la musique expérimentale.
ANTHONY BRAXTON (associé à NEIL GAIMAN)
Véritable génie aux mille facettes, Braxton est non seulement multi-instrumentaliste de Jazz, mais également interprète d'improvisations libres, compositeur de musique orchestrale et d'opéra. Son œuvre est extrêmement complexe et nombres de musicologues en parleraient mieux que moi, alliant des termes comme « procédures synthaxiques », « création combinatoire » ou « pièces d'études d'ornements ». Retenons qu'il fut l'un des grands monsieurs de la musique noire « en marge » des années 80 et 90, notamment avec son quartet, aux côtés de Marilyn Crispell. Il se tournera par la suite vers ce qu'il qualifiera de « Ghost Trance Music », un genre très personnel qui superpose plusieurs morceaux distincts ainsi qu'un discours mystique qu'il expliquera dans plusieurs ouvrages. Parmis ces travaux étranges mais intéressants, j'ai choisi de vous proposer « Impressions » : http://www.youtube.com/watch?v=aovTIbNWxpo . A la toute fin des années 80, un artiste de la trempe de braxton va lui aussi laisser libre court à toutes ses intentions et son mysticisme, c'est Neil Gaiman avec son Sandman (1989). Empreint (évidemment) d'un onirisme décadent et d'un discours logico-mystique, ce comics (chef d’œuvre ultime au demeurant) est une belle illustration des expérimentations de Braxton.

Le jazz rencontre le Rock.
PAT METHENY (associé à FRANK MILLER)
Il débute sa carrière au côtés du bassiste Jaco Pastorius (que j'ai déjà cité dans un article précédent) et participe à son album de 1974. Mais très vite, il lui prend des envies d'émancipations et de libertés créatrices et il sort un album à succès en 1975 : « Bright Size Life ». Deux ans plus tard, il fonde son propre groupe qu'il considérera comme étant « la pierre angulaire expérimentale de sa musique ». Le groupe trouve sa composition finale en 1981 et atteint son paroxysme en mélangeant du jazz, du rock, de la country et de la world music. Il s'intéresse aussi énormément à la musique classique, ce qui se ressent dans ses compositions des années 80. Metheny est aujourd'hui reconnu comme l'un des plus créatifs Jazzmen de son époque, jouant de différents types de guitares (électriques et acoustiques) et pour avoir expérimenter nombres d'instruments innovants de chaque époque (en premier lieu la guitare-synthé). Un morceau qui reflète bien les influences de l'époque, « Are You Going With Me ? » : http://www.youtube.com/watch?v=jmAgBETrIPg . La musique douce-amère de Metheny ainsi que ses sonnorités crépusulaires et dissonantes reflètent parfaitement un comics incontournable de l'époque, le révolutionnaire « Dark Knight Returns » de Frank Miller. Toute la noirceur et la tendance crépusculaire du personnage sont présentes dans les longues plages de Metheny.

Le jazz rencontre le Funk.
MICHAEL BRECKER (associé à TODD MCFARLANE)
D'abord reconnu comme l'un des meilleurs artistes de Jazz Fusion, Brecker va par la suite se distinguer par son goût prononcé pour la musique funk. Revenons en arrière... Dés 1969, ce saxophoniste ténor se crée une réputation d'excellent improvisateur. Il tourne quelques années avec un groupe de Jazz-Rock, aux côtés de son grand frère. C'est ce dernier qu'il retrouve en 1975 pour fonder les « Brecker brothers » qui restera comme l'un des plus grands groupes de Jazz Funk. Il tourne pendant les années 80 avec le groupe « Steps Ahead », fleuron du Jazz Rock et décide finalement de revenir à un jazz plus traditionnel, mettant alors en valeur ses talents de compositeur. Son œuvre riche et enrichissante pour le monde du jazz sera maintes fois récompensée (15 grammy awards en tout) et ne se démentira pas avec le temps. De sa prolifique production, j'ai retenu « Some Shunk Funk » des Brecker Brothers : http://www.youtube.com/watch?v=R0oY_47pwJ8 . A la fin des années 80, un artiste va révolutionner le monde graphique de Spider-man, Todd Mcfarlane. Grâce à lui, tout devient plus fou, plus coloré, plus élaboré, plus complexe, mais également plus torturé. Ces compositions de pages hyper dynamiques et ses dessins d'une complexité attrayante renvoient directement à la musicalité riche en rythmes du Jazz Funk de Brecker.
Le jazz rencontre l'Opéra.
CARLA BLEY (associée à GEORGE PEREZ)
Cette grande dame du jazz est l'une des artistes les plus difficile à classer, ayant travaillé avec plusieurs artistes Pop, ayant œuvrer de manière importante dans le Post-Bop, et ayant surtout composé un « Opéra Jazz » qui restera dans les mémoires « The Escalator Over the Hill ». Elle apprend très jeune le piano auprès de son père et déménage dés l'age de 17 ans à New York. Elle y rencontre le pianiste Paul Bley et se marie. Ce dernier, voyant le talent de sa femme, la pousse à composer pour lui et interprétera très longtemps son travail, même après leur divorce, deux ans plus tard. Carla décidera de conserver le nom de son mari. En 1971, elle présente son premier Opéra (cité plus haut) influencé par le Jazz, le Rock et la musique indienne, elle accède au succès. Elle forme un orchestre de dix musiciens en 1975 qu'elle dirigera jusqu'en 1985, elle y expérimente du Post-Bop, du Free, du Rock, du R'n'B, de la Pop, de la fanfare et même du tango. Elle dissout son orchestre, compose « Under the Volcano », opéra basé sur le livre éponyme et forme un sextet (qui a la particularité d'être sans cuivres). La suite de sa carrière sera rythmé par des retours aux grandes formations et aux compositions tout aussi « colossales » que ces deux opéras les plus connus. Toute la grandeur et la décadence de Bley se retrouve avec cet extrait de son fameux opéra de 1971 : http://www.youtube.com/watch?v=_kuxwXg0Nmg . L'impact musical et émotionnel qu'a pu apporté Bley au jazz des années 70 et 80 ne pouvait être porté que par un récit majeur du comics de cette même décennie, j'ai nommé « Crisis on Infinite Earths ». Magistralement mis en image par un George Perez au somment de son art, cet « opéra » multi-dimensionnel permettra de simplifier considérablement l'univers de DC et de lui donner un second souffle pour les années à venir. La grandeur, la dissonance et la monstruosité musicale des orchestrations de Bley se retrouve véritablement mises en images par l'un des « Events » les plus marquant du monde des comics.


Le jazz rencontre ses ancêtres.
WYNTON MARSALIS (associé à Alan Moore)
Trompettiste et compositeur de jazz, il est aujourd'hui reconnu comme l'un des musiciens les plus éclectiques de sa génération, développant très jeune un style et une esthétique personnels sophistiqués et très diversifiés. Il est la figure de proue d'un mouvement de jeunes musiciens des années 80-90 qui tendent un retour aux racines, et ce de manière didactique. Les années 80 marquent de superbes collaborations avec les Jazz Messengers (...) et Herbie Hancock (...) avant de se tourner vers l'apprentissage du Jazz auprès des néophytes. Il développe alors des conférences, des ateliers de musique, des concerts mais également une série de quatre émissions pour la télévision sur l'éducation musicale, très réussies. Encore très actif aujourd'hui (il est né en 1961), il vogue entre le jazz et la musique classique, offrant à la musique sa virtuosité sans pareille. Le morceau « Cherokee », ici dans un concert de 1996, reflète bien son talent et sa maestria : http://www.youtube.com/watch?v=9OtZrIjQuwA . Marsalis étant un virtuose apparut dans les années 80 qui a su poser un regard nostalgique sur son art tout en restant innovant dans on approche de la musique, on peut considéré Alan Moore comme une personnalité extrêmement proche de lui. Que ce soit avec Watchmen (1986), Swamp Thing (1984) ou Batman (Killing Joke - 1988), Moore a toujours eu cette capacité à se réapproprier des récits et des créations du passé pour mieux les actualiser, les développer, voire les intellectualiser. Bien que possédant un caractère aux antipodes de son homologue musicien (Marsalys est une figure publique et bienveillante, Moore est un ermite relativement avare d'échanges avec la société), ils ont su tout deux, avec une réelle maestria, redorer le blason de leur art et lui apporter un second souffle pour nombre d'années à venir.

Le jazz rencontre la fanfare.
DIRTY DOZEN BRASS BAND (associé à KATSUHIRO OTOMO)
En 1977 se forme une fanfare à la Nouvelle-Orléans, rien d'exceptionnel me direz-vous, c'est le berceau même des « Brass band », ces orchestres noirs issus des fanfares militaires au début du XXe siècle. Mais cette formation là va littéralement révolutionner le genre en y intégrant du Funk et du Bebop, influençant concidérablement les formations à venir. Le succès arrive très vite et ils signent leur premier « morceau » studio en 1980, passant professionnels. Ils enregistrent leur album « My Feet Can't Fail Me Now » en 1984, véritable fleuron du genre. Ils vont alors enchaîner les albums, Un live « Mardi Gras in Montreux » en 1986, et un très populaire « Voodoo » en 1987 avec Gillespie. C'est un extrait de ce très bon album que je vous propose d'écouter : http://www.youtube.com/watch?v=qUkku6XjAcg . En 1982 sort le premier chapitre de Akira de Katsuhiro Otomo et c'est le choc. Ce manga révolutionnaire d'une beauté graphique sans nom va grandement contribuer à la diffusion du média japonais en occident. Son mélange de technologie et de mysticisme peut être mis en lien avec le métissage Classico-moderne du groupe. En 1988 sort son adaptation en film d'animation, toujours aussi poignant, dont la bande originale fait appel à des thèmes de « world music » dont les rythmes et les sonorités africaines ne sont pas sans rappeler les composition du Dirty Dozen Brass Band : http://www.youtube.com/watch?v=G-wv4pFodIQ.

Le jazz rencontre la Pop Music.
LESTER BOWIE (associé à JIM LEE)
Bien que particulièrement innovant dans son travail, Bowie est également reconnu comme un virtuose de la trompette empruntant un style « classique » du Jazz (Grondements, effets de demi-pistons...), devenu de plus en plus rare dans les années 80. C'est par cette voie qu'il entrera d'ailleurs en compétition avec Marsalis (...), critiquant l'approche trop conservatrice de ce dernier. Bowie participera énormément à la (re)popularisation du Jazz dans les années 80-90 en travaillant sur des morceaux très connus de Witney Houston, Michael Jackson ou encore Marylin Manson avec son « Lester Bowie's Brass Fantasy ». Une belle représentation de son approche traditionnelle et accessible du jazz, tout en restant innovant, reste son interprétation de « The great Pretender » en 1981 : http://www.youtube.com/watch?v=mr_CxQRbu30 . En matière de comics, Jim Lee, de par son dessin détaillé et dynamique, a su faire avancé considérablement le style de la fin des années 80, sans oublier toutefois ses prédécesseurs à qui il empreinte les mises en pages et les morphologie. Ce savoir-faire à la fois innovant et reconnaissant du passé en font un artiste « classique-moderne » comme l'était Bowie pour le monde du Jazz, sachant aller de l'avant tout en rendant hommage à ses aînés. De plus, Bowie opte très souvent pour un style d'orchestration grandiose et appuyé, rappelant les planches fouillées et saturées de Jim Lee.

A suivre...






