Illustration de l'article
Critiques
par Thomas Mourier - le 10/12/2019
Partager :
par Thomas Mourier - le 10/12/2019

Comics : les sorties de la rentrée qu’il ne fallait pas rater

Séance de rattrapage des comics à ne pas manquer en cette rentrée de septembre & octobre 2019. Beaucoup de classiques inédits pour la France et quelques belles nouveautés.

Plusieurs publications patrimoniales très attendues entre les pages sublimes de Frank King qui attendaient une belle édition depuis 1921. Les Tortues Ninja dont les origines n’avaient encore pas fait l’objet d’un focus sur les origines underground de cette franchise.

Mais aussi des nouveautés d’auteurs confirmés avec Charles Burns ou Brian K. Vaughan. Et la (presque) fin pour la série de comics la plus vendue en France : The Walking Dead 

Sommaire 📰

1. Mes conseils 
Dédales de Charles Burns, Cornélius
Clyde Fans de Seth, Delcourt
Barrier de Brian K. Vaughan & Marcos Martin, Urban Comics
Walt & Skeezix de Frank King, 2024
Les Tortues Ninja, TMNT classics, de Kevin Eastman & Peter Laird, Hi Comics 
2. Les autres nouveautés & suites qu’il ne fallait pas manquer

1. Mes conseils 

Dédales de Charles Burns, Cornélius

Dédales de Charles Burns, Cornélius

Cinq ans après la sortie du dernier volume de sa série Toxic qui proposait une relecture noire et surréaliste de Tintin (en savoir plus sur Toxic ici.) Charles Burns se lance dans un nouveau projet d’envergure avec Dédales, le premier volume d’une nouvelle trilogie. Cas rare, le livre est publié en France chez Cornélius avant sa version américaine, car l’auteur souhaite attendre le récit complet pour la version US. 

Le dessinateur américain continue de creuser ses personnages obsessionnels. Cette fois avec un jeune homme, Brian, qui dessine sans cesse et qui se perd dans ses dessins. Ce héros lui permet de continuer son exploration de la faible frontière qui existe entre réel et fantastique, entre émotions et fantasmes. Habitué à mettre en scène des déformations, ou mutations sur les corps, mais aussi l’irruption de créatures de cauchemar : cette fois ces « monstruosités » semblent du domaine de l’esprit. Que ce soit dans un miroir (la scène du toaster qui ouvre le livre), la page blanche d’un carnet ou l’écran de cinéma, l’imagination possède un pouvoir inquiétant. 

Laurie rencontre Brian et ce dernier lui partage sa passion pour le ciné, les séries Z et les films amateurs qu’il fabrique avec l’un de ses amis. Le connaissant depuis peu, la jeune femme remarque quand même des changements infimes dans la personnalité de Brian tantôt distant et tantôt chaleureux. Toujours est-il que le film qu’ils vont voir pour leur premier rendez-vous Invasion of the Body Snatchers résonne curieusement avec la personnalité de Brian. Ce film de 1956 met en scène des humains possédés par des extra-terrestres qui se distinguent par leur absence d’émotions. Coïncidence ? 

Depuis quelque temps, Charles Burns s’amuse à reproduire des scènes, des cadrages ou des tics de « romance comics ». Des histoires d’amour illustrées, qu’il décale dans son monde plein de créatures et de mutations contagieuses. Une thématique également liée au cinéma et à la photographie, qu’il avait explorée dans Love Nest et dont on trouve encore la trace dans Dédales. Utilisant de grandes cases, énormément de gros plans & pleines pages ou des reproductions d’images tirées de film, ce livre fait la part belle à l’illustration et à son dessin très stylisé. Usant de grands aplats de noir, il se sert de la couleur et des différences de ton pour confronter images « réelles » et films. Fiction et fiction dans la fiction. 

Le livre est très beau, impressionnant, mais beaucoup trop rapide ! Conçue comme un récit au long court, cette première partie sonne comme une introduction à une histoire qu’il nous tarde de lire dans son intégralité. 

Clyde Fans de Seth, Delcourt 

Clyde Fans de Seth, Delcourt

Nous avions déjà parlé en profondeur du travail de Seth dans le dossier qui lui était consacré ici. Clyde Fans est un projet qu’il mène depuis presque 20 ans, dont on avait pu lire les 2 premiers chapitres dans le Commis Voyageur en 2003. Imaginé à partir d’un bâtiment abandonné, d’une vitrine siglée Clyde Fans aperçue par le dessinateur, il composa les grandes lignes du destin de ces 2 frères à la fin des années 1990. En 2019, ce roman graphique ambitieux propose plusieurs relectures pour en saisir toutes les subtilités. 

Histoire à la narration fragmentée, aux aller-retour temporels et au rythme saccadé, ce récit donne une voie à deux personnages. Deux frères que tout oppose, uniquement réunis par Clyde Fans, la société de leur père. L’un nous parle avec conviction de son métier de vendeur, des compétences pour être un bon commercial, de techniques d’approche et de conclusion. Un métier qu’il a abandonné pour prendre la tête de la boîte. L’autre relate son échec, sa tentative d’être à la hauteur des envies du père. Et son refuge dans les livres après une expérience marquante. 

À travers ses portraits mélancoliques, on est invité à réfléchir à notre vie, à la question du bonheur, à la dualité vivre sa vie versus la subir. Seth utilise cette manière de raconter très lente, qui prend le temps de laisser parler les silences et les soupirs. Associé à un découpage particulier, de petites cases qui ralentissent l’action ou de pleines pages qui font des transitions franches. Des fondus au noir qui mettent l’accent sur des émotions.

Assez inhabituels dans une bande dessinée, le texte et le dessin semblent dissociés dans un premier temps. Puis le dessin prend le relai de la narration pour nous emporter dans quelque chose de plus profond que ne laissait présager le discours du premier frère. Seth continue d’explorer sa vision très iconique du dessin où les éléments de ses cases revêtent un aspect de pictogramme. Une technique cherchant à aller à l’essentiel qui combiné aux aplats de couleurs donnent un style rétro. 

Il en profite pour ajouter une dimension supplémentaire avec les collections de cartes postales retouchées que collectionne l’un des frères. Une occasion de mettre en scène le quotidien de l’auteur, lui-même grand collectionneur d’images et de bandes dessinées oubliées. Des images surréalistes et surannées s’intercalent dans l’album, rappelant le caractère fabriqué de ce qui se présente comme une autobiographie. 

Un graphic novel de la trempe de Building Stories ou de New York Trilogie qui envisage la biographie et l’autobiographie comme une branche de la fiction. Des vies imaginaires qui touchent à l’universel par leurs partis-pris très forts, graphiques et narratifs. Clyde Fans restera le grand livre de Seth avec La Vie est belle malgré tout et l’un des romans graphiques incontournables.

Barrier de Brian K. Vaughan & Marcos Martin, Urban Comics 

Barrier de Brian K. Vaughan & Marcos Martin, Urban Comics

Après le très réussi The Private eye, le duo Brian K. Vaughan & Marcos Martin continue de sortir des comics indés sur leur site internet. Une publication à prix libre en version originale qui leur permet toutes les audaces.
Ils s’attaquent au Western et à tout l’imaginaire de la frontière aux USA. Avec son mur, ses gardes-frontières, ses propriétaires texans, ses passeurs, ses sud-américains illégaux, ses cartels de la drogue et bien sûr son racisme. Une frontière fragile dont on va découvrir deux aspects très différents à travers les histoires de Liddy et Oscar.
Elle est une propriétaire terrienne qui lutte pour garder ses troupeaux et s’imposer dans un monde très masculin. Lui a fui le Honduras et essaie d’échapper aux cartels de son pays et aux passeurs véreux. Leurs trajectoires se recouperont à la frontière mexicaine/USA.

Les auteurs proposent une expérience de lecture intéressante en laissant les textes espagnols en espagnol et non traduits en vis-à-vis des dialogues  des personnages américains (en français dans la traduction). Cette mise en scène immerge le lecteur d’une manière assez inédite puisqu’il faut faire l’effort de comprendre le texte grâce à la situation, aux réactions des personnages. Parfois on est heureux de comprendre (oui, j’ai fait LV1 espagnol au lycée) parfois, on est perdu et on ressent l’embarras d’Oscar et ses interlocuteurs. 

En arrivant à la frontière, ces deux étrangers se retrouvent face à face avant … d’être emportés par un vaisseau alien. Et le récit bascule dans la science-fiction en poursuivant la métaphore de l’alien : l’étranger. Comme les réfugiés qui arrivent aux Etats Unis et qui sont déboussolés, nos héros ne comprennent pas leur nouvel environnement.
Les créatures parlent une autre langue faite de couleurs & de formes et les humains se retrouvent démunis face à eux. Chacun est l’étranger d’un autre et les deux terriens vont devoir collaborer malgré leurs différences et la barrière de la langue pour échapper à leurs ravisseurs.

Les choix graphiques de Marcos Martin donnent une dimension supplémentaire à l’oeuvre. Pour représenter ces créatures et leur langage, il a cherché des solutions nouvelles. Il s’est éloigné des clichés et des représentations classiques, dans une veine proche de Frederik Peeters et sa série Aâma. Attendez-vous à être dépaysé. 

On en dira pas plus, mais la mise en abîme du premier récit sous forme de SF est brillante pour mettre en valeur cette situation habituellement traité en polar ou western. Barrier est un album brillant, glaçant, engagé et très esthétique. 

Walt & Skeezix de Frank King, 2024

Walt & Skeezix de Frank King, 2024

On a déjà parlé de ce titre à l’occasion de notre dossier sur les grands maîtres du comics strip. Car le travail de Frank King est l’une des dernières grandes séries qui n’avaient pas fait l’objet d’une traduction ou édition patrimoniale jusque là.

Les éditions 2024 ont eu la bonne idée de proposer aux lecteurs français : les planches du dimanche, les histoires hors continuité en couleur, de la série.

Un premier contact avec l’univers doux et féérique de Gasoline Alley, qui ont espère ouvrira la voie à la traduction du reste de la saga. 

Vous pouvez consulter l’article en intégralité ici qui revient sur la genèse de la série, des personnages et leur auteur

Les Tortues Ninja, TMNT classics, de Kevin Eastman & Peter Laird, Hi Comics 

Les Tortues Ninja, TMNT classics, de Kevin Eastman & Peter Laird, Hi Comics 


Réédition des premiers comics originels qui ont lancé la licence Tortues, on (re)découvre l’histoire de ce comics underground devenu en quelques années l’une des marques les plus connues de la culture comics.
Avec les commentaires des auteurs, Hi Comics propose un premier volume d’une anthologie reprenant ces comics fondateurs autrefois autoédités. 

Toutes les infos sur le contenu de cette anthologie, le contexte et les auteurs sur cet article coup de cœur.

The Mask - Intégrale Vol. 1 de John Arcudi & Doug Mahnke, Delirium
Royal City - T3 de Jeff Lemire, Urban Comics
Berlin T3: Ville de lumière de Jason Lutes,  Delcourt

Les autres nouveautés & suites qu’il ne fallait pas manquer

The Mask – Intégrale Vol. 1 de John Arcudi & Doug Mahnke, Delirium

Invincible – Tome 25 de Ryan Ottley & Robert Kirkman, Delcourt

Pour en savoir plus, lire le coup de coeur sur la série.

Royal City – T3 de Jeff Lemire, Urban Comics

Berlin T3: Ville de lumière de Jason Lutes, Delcourt

Walking Dead T32 de
Charlie Adlard & Robert Kirkman, Delcourt

Pour en savoir plus, lire le coup de coeur sur la série.


💡Plus de chroniques nouveautés comics chez Watchtower Comics

Prochain rendez-vous pour les meilleures sorties comics de novembre-décembre.


Illustration principale © Charles Burns / Cornélius



Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail