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Critiques
par Baptiste Gilbert - le 16/03/2023
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par Baptiste Gilbert - le 16/03/2023

Elliot au collège, la cour des grands (angoissés)

Elliot au Collège, la nouvelle série de Théo Grosjean, s’inscrit dans la tradition des albums à chutes racontant avec humour le quotidien d’enfants ou d’adolescent.e.s, tout en réinventant cette tradition grâce à des spécificités bien à lui. Ce T1, sous-titré Panique en sixième, a toutes les qualités pour lancer une série au long cours.

Théo Grosjean est l’un des auteurs ayant émergé sur Instagram, où plus de 200 000 personnes suivent notamment son quotidien de personne anxieuse à travers sa série de strips L’homme le plus flippé du monde (lire notre coup de cœur), qui a déjà eu droit à deux albums chez Delcourt.

Il revient cette fois-ci chez Dupuis avec Elliot au Collège, premier volume d’une série, prépubliée dans le Journal de Spirou, qu’il décrit lui-même comme son projet le plus ambitieux. Il a en effet pour but de faire évoluer son personnage dans le temps, à la fois au sur le fond et sur la forme.

Dans le premier tome de cette nouvelle série humoristique, Théo Grosjean nous raconte le quotidien d’Elliot, un petit garçon qui fait sa première rentrée au collège et qui va devoir composer avec un problème de taille : son angoisse.

Celle-ci est personnifiée par une boule de stress qui le suit partout, une sorte d’ami imaginaire handicapant mais attachant, avec lequel il discute constamment. Sans aller jusqu’à un tel niveau d’anxiété, on a tous ressenti ce genre de stress à un moment ou à un autre de notre scolarité, et on s’identifie sans mal à ces situations à la fois drôles et touchantes.

Héritier d’une tradition franco-belge

Ceux qui suivent Théo Grosjean sur Instagram l’auront vite deviné, ce petit garçon anxieux est un alter égo de l’auteur. Sans aller jusqu’à l’autobiographie à la manière de Riad Sattouf, Théo Grosjean pioche dans ses pires souvenirs d’enfance et d’adolescence, comme il l’explique dans la préface de l’album où il se met en scène avec son personnage.

© Théo Grosjean / Dupuis

En tant qu’enfant ou adolescent dont on suit le quotidien humoristique à l’école, entre amis et en famille, Elliot est l’héritier en ligne directe de Titeuf, Cédric, Les Nombrils ou même Kid Paddle, auquel on pense particulièrement lors des planches “jeu vidéo” au sein desquelles on suit les avatars virtuels d’Elliot et son copain Hari. Théo Grosjean, bien conscient de cet héritage, s’en empare et le réinterprète avec fraîcheur.

Elliot se démarque de ses illustres prédécesseurs par bien des aspects, à commencer par son angoisse, mais aussi en étant bien ancré dans son époque. Il joue à la Switch avec son pote, se marre en utilisant des filtres Snapchat, et est fan d’un manga à mi-chemin entre Dragon Ball et Chainsaw-Man (lire notre coup de cœur). Pas d’inquiétude, ces références contemporaines n’apparaissent que de manière ponctuelle : Théo Grosjean les utilise avec suffisamment de parcimonie pour ne pas en faire trop, et surtout, il n’a jamais l’air de les utiliser sans les comprendre.

La comparaison la plus propice est sans doute à faire avec Lou!, de Julien Neel, tant dans la manière d’aborder les relations amicales et familiales que dans la poésie douce qui vient nous prendre au dépourvu à l’issue de certaines planches. Dans les deux cas, les auteurs se permettent de traiter des sujets durs avec une grande subtilité, et sans jamais plomber l’ambiance. Théo Grosjean indique d’ailleurs avoir été beaucoup marqué par la BD de Julien Neel.

Un personnage et une série voués à évoluer

© Théo Grosjean / Dupuis

Cette comparaison avec l’héroïne blonde, qui grandit au fil des tomes de Julien Neel, ne s’arrête pas là, car le projet de Théo Grosjean est également de faire grandir Elliot en racontant ensuite ses aventures au lycée, puis pourquoi pas à l’âge adulte.

À mesure que le personnage grandira, l’auteur indique vouloir aussi faire évoluer le format des albums et celui du récit, pour coller au mieux à l’âge d’Elliot et aux lectures propres à cette tranche d’âge. Ce premier tome correspond au format type des albums franco-belges destinés aux enfants (en un peu plus long, 62 pages au lieu des habituelles 48). Cela devrait rester ainsi pour quelques tomes, puis évoluer vers quelque chose de plus dense, plus proche du roman graphique.

Le format du récit devrait lui aussi évoluer à terme, en passant de l’actuel une page/une histoire (avec plusieurs fils conducteurs) à un récit sans interruptions sur la durée d’un album. On en a un avant goût avec l’épilogue, “Elliot en vacances”, qui nous propose une histoire unique sur 8 pages.

L’avenir nous dira si ce projet de Théo Grosjean a pu aller aussi loin qu’il le souhaite, mais cela semble bien parti avec ce premier tome très réussi. Elliot a le potentiel pour devenir emblématique d’une génération, à la manière de Titeuf ou Lou! avant lui, et c’est tout ce qu’on lui souhaite !

Elliot au Collège, de Théo Grosjean, Dupuis


Illustrations : © Théo Grosjean / Dupuis

© Théo Grosjean / Dupuis
© Théo Grosjean / Dupuis
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