Le dessinateur qui sera lui-même au cœur de l’épilogue décalé « Je suis toxique » indique en avant-propos que la plupart des histoires proposées dans le livre sont issues de véritables témoignages ou d’observations. Et pour certaines, cette info à de l’importance tellement les situations sont ubuesques. Il explore la diversité des relations toxiques, que ce soit en amour ou famille, mais aussi en amitié, au boulot…
Paradoxe de notre époque, ces comportements sont à la fois mieux identifiés, mieux documentés, mais connaissent aussi une forte recrudescence. Les réseaux sociaux ou applications de rencontres peuvent en décupler des effets néfastes, nos habitudes de communication en ligne en soulignent certaines et l’évolution des luttes sociales en fait ressortir d’autres. À la manière d’un Abécédaire graphique et impertinent, Matthias Bourdelier tente de mettre ses traits en exergue dans ces planches.
« Don’t you know that you’re toxic ? »

À l’inverse de la chanson de Britney Spears, le dessinateur propose ici le point de vue des personnes toxiques, sans qu’elles en soient forcement conscientes.
On découvre un instant volé dans leur vie, une conversation ou un souvenir qui met en lumière leurs traits toxiques. Et tout y passe : metoo, masculinité toxique, emprise, manipulation, pervers narcissiques, harcèlement, ghosting, dépendance affective, passif agressif, mais aussi les red flag, le body count, les vampires énergétiques, le féminisme washing…
Pour son premier livre (mais pas premier projet, on avait aimé le feuilleton Louise sur Webtoon Factory), Matthias Bourdelier utilise le procédé d’itération iconique qui consiste à réutiliser dans une même page ou histoire une même case en changeant uniquement les dialogues. Si vous n’êtes pas familier avec le mot vous connaissez peut-être Moins d’un quart d’heure pour vivre conçu de Lewis Trondheim & Jean-Christophe Menu conçu autour de ce procédé, ou encore Zaï Zaï Zaï Zaï de Fabcaro qui l’utilise à sa manière.

Dans Toxique, Matthias Bourdelier dessine à la plume et à l’encre de Chine, puis utilise l’ordinateur pour y ajouter des trames, avec quelquefois une touche de couleur pour mieux faire ressortir certains éléments. En utilisant la même case, ou avec peu de variations, le dessinateur met le focus sur la situation ou les dialogues et en jouant avec les silences arrive à rendre le tout très vivant.
Des situations grinçantes, cyniques, grotesques où l’auteur semble pousser les curseurs au maximum (même si on garde bien à l’esprit que « la plupart des histoires proposées dans le livre sont issues de véritables témoignages ou d’observations » hein) pour nous offrir un instantané du pire de nos contemporains. Enfin, si vous vous ne vous reconnaissez pas dans l’une de ses planches, les réflexions post-lecture restent à votre charge.
Toxique de Matthias Bourdelier, Expé éditions
👀 En bonus, vous pouvez lire le making off toxique de la BD
Tous les visuels sont © Matthias Bourdelier / Expé éditions