Il y a d'abord cette couverture, qui nous dévoile des yeux souriants et beaucoup de peau nue. Voyeurs va nous montrer des corps, mais bien plus encore de bonheur.
Comme au premier jour.
Dominika et Szymon sont foux amoureux, comme au premier jour. Et l'une de leurs recettes pour continuer d'attiser le feu de leur passion, c'est justement de le revivre, ce premier jour, avec imagination et malice.
Redevenir l'un pour l'autre inconnus le temps d'un jeu, se rencontrer à nouveau, se séduire, céder. Ne pas accepter la routine, et lui préférer l'inconnu, l'expérimentation.
Deux auteurs à suivre de près.
Dans Voyeurs, Daniel Chmielewski au scénario et Marcin Podolec (dont on avait déjà parlé à l'occasion de Fugazi Music Club) au dessin nous invitent à observer l'intimité d'un couple qui invente et réinvente son quotidien avec un plaisir presque enfantin, mais un désir bien adulte. Un amour qui choisit de revivre constamment le début sans nier pourtant sa longévité.
Les dialogues sont tout en justesse, touchants, plein d'humour. Le duo d'auteur ne nous raconte pas une histoire, ils nous laissent la voir, faisant naitre sur papier leurs deux héros et leur laissant ensuite le champs libre pour vivre comme ils l'entendent, s'amuser, et s'aimer. Si le titre pourrait sembler peu évocateur, puisque les héros ne sont pas des voyeurs, ils vivent au contraire intensément l'action, c'est en fait à nous, lecteurs, qu'il fait illusion, puisque cet ouvrage nous rend voyeurs d'une intimité secrète, dont ceux qui les entourent ne savent, ne réalisent rien. Il se dégage de l'histoire une jolie poésie, une observation minutieuse et finalement pudique de l'humain et de ses émotions, ses sentiments.
Car si de Voyeurs se dégage un érotisme délicat, il reste toujours une distance respectueuse, où l'on observe sans s'immiscer ni ressentir ce qui traverse ces personnages. On ne peut, en fait, que rester là à admirer la beauté singulière de leur amour, de leur relation qui se fiche des normes. À envier un peu ce bonheur qu'ils inventent au jour le jour. Il serait bien malvenu de les juger tant il ne se dégage que des sourires de leurs jeux.
Le trait de Marcin Podolec dévoile là encore un talent évident, plein d'émotions, de tendresse, de douceur. On regrettera sur quelques cases une influence un peu trop évidente du travail de Bastien Vivès, mais cela reste anecdotique tant le reste montre déjà une identité forte, avec des cases superbes, un jeu sur le noir et blanc plein d'élégance, où les traits dessinent les corps, esquissent le désir. Ses planches sont pleines de douceurs, calmes et légères, racontant parfaitement la simplicité joyeuse qui se dégage de l'histoire. Ce jeune auteur, qui jouit déjà d'une jolie renommée en Pologne, est décidément à surveiller de près.
Voyeurs est une très jolie bande dessinée, poétique et érotique. Une observation de l'amour dans ce qu'il a d'intime et de singulier.