
Bien sûr certain.e.s diront Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre pour parler de la meilleure adaptation, mais si on adore ce film, dont l’humour repose beaucoup sur la complicité & l’implicite avec le casting ; avec Astérix et Obélix : le combat des Chefs, Alain Chabat et son équipe sont allés un cran au-dessus. D’abord en se rapprochant visuellement de l’œuvre, ils s’approprient l’humour graphique d’Albert Uderzo —complémentaire à l’humour et la finesse des scénarios de René Goscinny— mais surtout en creusant dans les dynamiques entre personnages ils étoffent l’univers en plus de lui rendre hommage.
Inventer, enrichir, innover, mais sans dénaturer comme dans Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu où on mesure la méconnaissance et le mépris du travail d’Uderzo & Goscinny quand les scénaristes et le réalisateur imposent des comportements débiles aux personnages pour poser leurs idées au forceps ou inventent des scènes invraisemblables pour caser leurs stars talent.
Dans cet opus —je vous laisse faire vous-même les blagues pour les noms en us—les scénaristes Alain Chabat, Benoît Oullion et Piano accompagnés par le co-réalisateur Fabrice Joubert adaptent le combat des Chefs en se permettant des variations bienvenues, des pas de côtés pour doper l’idée originale qui reste au cœur du projet. Des saynètes décalées, des exercices de styles qui viennent ponctuer le récit principal et surtout une intro et une conclusion totalement inédite. Bien plus qu’un simple remix —pareil pour les blagues en ix— cette adaptation est un vrai travail de création.
« Chassez le Gallo, il revient au naturel »
En choisissant l’animation, Alain Chabat s’est offert une palette beaucoup plus large que dans son long-métrage. Graphiquement il va se rapprocher de la bande dessinée, même s’il utilise la 3D et non l’animation traditionnelle, l’ambition était d’être très proche des designs et des codes de l’album. Les animateurs du studio français TAT proposent une animation hyper fluide avec une attention aux détails des textures ou aux décors. Et Alain Chabat et ses complices ponctuent l’ensemble de petits clins d’œil : aux pages de gardes, à la carte sous la loupe, de dessins en 2D, aux caricatures, ou encore des dessins animés dans le dessin animé.
Les plans sont très proches de la BD et restituent tout à fait l’atmosphère de l’album et jouent sur les incorporations de cases, d’onomatopées jusqu’à jouer sur un des défauts d’impression des premiers albums pour créer les effets visuels de la potion magique. Avec un jeu de couleurs qui débordent, comme si elles avaient été mal imprimées, l’effet de la potion magique crée un décalage qui tranche dans la 3D. Idem pour les scènes d’expériences de Panoramix, où les potions improvisées donnent des mélanges détonants.
« Tant qu’il y a des marmites, il y a de l’espoir ! »
Autre très bonne surprise, les réalisateurs & scénaristes gardent les niveaux de lecture de la BD que ce soit pour les références politiques ou à l’actu, indissociables du titre sur papier, mais qui avaient tendance à disparaître à l’écran. Et tout en ayant beaucoup de gag ou de clin d’œil à chaque scène, on ne perd rien de l’intrigue.

Les personnages sont bien écrits, chacun y trouve une place, et si le combat des Chefs proposait déjà un regard sur les personnages secondaires en 1966 (date de parution de l’album) en mettant en exergue Abraracourcix, Panoramix ou Obélix ; les scénaristes de la série Netflix prolongent ce travail. Ils laissent une place plus grande à Obélix avec des thématiques comme le harcèlement ou l’anxiété sociale, sans oublier la dynamique avec Astérix secouée par une séance de psy ou encore la naissance de leur amitié dans une introduction sous forme d’origin story. Le premier épisode évoque d’ailleurs le moment où Obélix tombe dans la marmite de potion magique (inspirée du texte illustré Comment Obélix est tombé dans la marmite du druide quand il était petit) et en créant ce passage d’enfance des héros —dont les ramifications porteront jusqu’au dénouement— Alain Chabat et son équipe repensent une partie de la mythologie du personnage qui rentre tout à fait dans le canon, en plus de servir cette mini-série.
Les auteurs proposent également un César qui tente de faire plaisir à sa mère qui prend une place dans son quotidien ; le perso de Metadata, une jeune romaine qui veut comprendre les Gaulois ou encore Apothika, la druidesse Goth qui va tenter de soigner Panoramix… Si les héros habituels reprennent leurs gimmicks, l’ajout de ses personnages féminins vient dynamiser l’ensemble et exploite au mieux les enjeux posés en 1966.

Côté casting pour porter les personnages, pas mal de personnalités sont aux côtés d’Alain Chabat (Astérix) et Gilles Lellouche (Obélix) dont certaines bonnes surprises comme Jérôme Commandeur et Jean-Pascal Zadi et d’autres un peu décevantes : Thierry Lhermitte en Panoramix est en dessous, c’est un peu dommage, on aurait aimé un peu plus de folie de ce côté-là.
Ils ont gardé l’esprit Goscinny et l’univers graphique d’Uderzo avec des réfs plus pop : de Star Wars aux Avengers, en passant par Street Fighter ou Burger Quiz. Référence sonore pour Burger Quiz d’ailleurs, dans une série qui soigne aussi sa bande-son. Avec un mix de chansons connues qui jouent sur le décalage et de sons orchestrés pour cette animation. C’est rythmé, même si les anciens comme moi regrettent qu’il n’y ai pas eu un petit hommage à la chanson qui nous a retourné le cerveau, petits : Zonked de Michel Colombier dans Astérix et le coup du menhir.
Astérix et Obélix : le combat des Chefs est une vraie réussite et on espère que cette minisérie sera suivie d’autres réalisations de ce genre. Et bonne nouvelle, Anne Goscinny, la fille de René Goscinny a confié à Cyril Petit de Ouest-France qu’elle avait retrouvé 20 pages « d’un Astérix qui s’appelle Astérix au cirque […] C’est peut-être l’album qui était en cours d’écriture quand mon père est mort » et qu’elle le propose à Alain Chabat. De son côté, il hésite « C’est au-delà de la responsabilité. C’est très intimidant. J’ai des idées d’histoires à partir de ce début. Mais évidemment, personne ne sait où René Goscinny voulait aller ». D’ici là, vous avez le temps de voir cette minisérie rythmée au final poétique.


Ah vous aussi, vous aimez bien restez après le générique de fin ?
« On est bien au pays de Panono »
On ne va pas en dire plus pour ne pas spoiler et vous laisser les surprises, mais je vous propose encore quelques infos sur les petits bonus & easter egg très réussis dans la dernière partie de cet article. Si vous êtes vraiment réfractaires à la moindre info, fermez cet article pour échapper à ce dernier paragraphe comme si le ciel vous tombait sur la tête, et revenez une fois la série terminée.

Du mini dessin animé Les Aventures de Panono, le gentil druide qui ouvre l’épisode III au dessin animée façon Tic & Tac à la fin de l’épisode V ; ou encore le site www.sanglier-danger.com, les épisodes sont plein de petits bonus.
Pour Mission Potager, réalisé par Pinao, Julien Daubas, Fabien Limousin, il faudra rester jusqu’à la fin du générique du dernier épisode pour découvrir ce court-métrage bien barré dont la temporalité colle avec l’intrigue générale pour créer une histoire bis. Les fans pourront aussi découvrir une caricature gauloise par Tanino Liberatore, avec qui Alain Chabat avait collaboré le temps d’un album.
Toutes les images sont ©Netflix / Les éditions Albert René & les auteurices