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par Elsa - le 5/02/2014
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par Elsa - le 5/02/2014

Angoulême 2014, l'interview de Guillaume Long

Guillaume Long régale ses lecteurs sur son blog À boire et à manger, où il distille anecdotes, conseils et recettes, toujours sur le thème de la nourriture. Avec lui, l'alimentation doit d'abord être un plaisir du choix des ingrédients jusqu'à l'assiette. Chacune de ses notes est drôle, rythmée, et passionnante, et grâce à lui on se retrouve tout à coup à regarder radis noir et courgette d'un autre oeil. 

À boire et à manger est également paru en bande dessinée. Il y a pour le moment deux tomes, que tout amateur de bd et de cuisine devrait avoir dans sa bibliothèque.

Guillaume Long était présent au festival d'Angoulême, et a répondu à nos questions.

Peux-tu nous raconter ton parcours ?

J’ai étudié aux Beaux Arts à Saint Etienne, il y a de ça une douzaine d’années. Je me destinais plutôt à travailler dans la vidéo, le montage. Je suis venu à la bd un peu par hasard. J’ai fait une bande dessinée juste pour moi, je n’en avais jamais fait avant. Et mes amis ont trouvé ça super bien, et me disaient de le présenter à un éditeur. Je l’ai fait, et ça a marché du premier coup, j’ai eu un gros coup de chance. Là ça fait douze ans que je fais de la bd, je dois avoir une quinzaine d’albums, et presque autant en tant qu’illustrateur seulement. Je travaille aussi pour la presse jeunesse, et généraliste.

Comment résumerais-tu À boire et à manger ?

Quand j’ai commencé le blog en 2009, j’avais deux lignes de conduite : donner envie aux gens de bien manger, et leur montrer que se faire à manger c’est facile, puisque moi j’y arrive. En gros c’est une volonté de partager tout ce qui touche à la bonne bouffe. Après ça n’est pas forcément du bio, de l’équitable, ou même de bon goût. J’assume tout à fait mon goût pour les fast-food. C’est juste se faire plaisir en mangeant.

Comment se passe ton travail sur les recettes ?

C’est un travail en partie autobiographique. Il faut qu’il y ait matière à fiction pour que j’en parle sur le blog. Par exemple je sais très bien faire des tajines, des couscous, des spaghettis bolognaises, des choses comme ça qui sont mes spécialités. Mais je ne vais pas forcément trouver d’histoire autour pour raconter. Je prends souvent cette histoire en exemple. Quand il y a un an, je m’étais fait des carottes-petit pois-lardons, un truc que tout le monde sait faire, j’avais vu ça dans l’assiette, et je trouvais qu’il y avait un contraste de couleurs intéressant. Du coup j’ai fait une histoire autour de Gauguin et de la naissance du mouvement fauve en peinture. Ce sont plutôt des choses que j’aime bien au quotidien, et qui vont me donner des idées de recettes. Mais je ne me dis pas « Aujourd’hui je vais travailler sur la forêt noire, et je dois absolument réussir. »

Et comment se passe ensuite ton travail sur une note ?

Depuis que j’ai commencé à faire de la bd, je voulais en faire une sur la nourriture. Je ne savais pas trop comment l’aborder, je pensais que ça allait être hyper ambitieux. Les gens du monde.fr m’ont invité en 2009 pour leur rubrique gastronomique. Ça a commencé comme ça. Mais comme je viens de la bd, je n’ai pas fait des notes de blog en enchainement de petits dessins. Je fais des pages de bd, puis j’en extrais les cases et je les mets en lecture sur le blog. Ensuite quand je les retravaille à la couleur, mes planches sont déjà faites. Ce sont des bd adaptées en blog, adaptées en livre.

Tu aimais déjà la cuisine avant. Est-ce que travailler sur ABAM a modifié ton rapport avec la cuisine ?

Ça a modifié le rapport avec mes amis. Maintenant ils ont l’impression que je m’y connais à fond en bouffe, alors que pas du tout, je suis toujours le même. Depuis que j’ai publié ma note sur le café, les amis que je connais depuis dix ans et qui me servent toujours leur café filtre s’excusent tout à coup. Alors que ça n’est pas grave, c’est juste une histoire. 

Sinon non, ça ne me donne pas de facilité dans les restaurants, malheureusement. 

Et puis je ne m’y intéresse pas plus qu’avant. Je m’y intéresse toujours beaucoup, parce que ça a toujours été le cas. Mais je ne vais pas m’intéresser qu’à ça, c’est un truc parmi d’autres.

Quel est ton souvenir culinaire le plus fort ?

Je l’avais raconté sur le blog. Quand j’étais en Corse avec mes parents, dans les années 90, je devais avoir entre 10 et 15 ans. On était allé au bout du Cap Corse dans un tout petit restaurant. une pizzeria qui faisait aussi restaurant de poisson. Sur la carte, il y avait plein de trucs, et notamment un homard aux spaghetti, qui coûtait 70 francs. J’avais voulu prendre ça, mes parents avaient pris du poisson. Ma mère m’avait dit « Tu sais à ce prix-là ça sera plus des spaghetti au homard». Déjà le serveur était arrivé en disant à mes parents qu’il ne pourrait pas leur servir le poisson qu’ils avaient commandé parce qu’ils n’avaient pas pu le pêcher, ce qui est bon signe. Et puis moi, pour 70 francs français à l’époque, j’avais vu arriver un homard entier, avec un saladier rempli de spaghetti à l’ail et au parmesan, et c’était un truc incroyable. Le homard venait juste d’être pêché le matin, ça ne coûtait rien du tout, c’était un tout petit restaurant dont j’ai oublié le nom. 

C’est ce genre de surprise qui fait que j’ai des souvenirs forts en gastronomie. J’adore aller dans des petits restaurants sans prétention, qui ne coûtent pas cher et ne payent pas de mine, et me régaler avec un truc excellent. Alors qu’à l’inverse, ça m’arrive d’aller dans des restaurants étoilés, où tu manges pour 200€ en t’attendant à un truc énorme. Et en fait, c’est juste très bon, mais il n’y a pas la surprise en plus, c’est moins marquant.

Quel est l’ingrédient, ou le plat, que tu n’as encore jamais eu l’occasion de goûter mais qui t’intrigue vraiment ?

Ce sont des trucs un peu bizarres. Il y a ce qu’on appelle les pousse-pieds en Espagne. Des coquillages avec une espèce de trompe qui sort. C’est très cher, je crois que ça coûte 90€ le kilo, mais il parait que c’est excellent.

On m’a aussi parlé de la méduse, qui est une expérience de texture intéressante, pas forcément de goût, mais du coup j’aimerais bien goûter ça.

Ce sont surtout des trucs bizarres que j’ai envie de goûter maintenant. Par contre les insectes, tout ça…

Jamais goûté ?

Si, au Maroc, j’avais goûté des guêpes confites au miel. Elles font entre 8 et 10 cm de long et sont confites dans le miel. Ça se croque comme ça, mais ça a juste le goût d’un bonbon au miel. C'est un peu dégueulasse parce que tu te dis que tu es en train de manger une guêpe, mais ça n'a pas d'intérêt.

Ton blog a provoqué des rencontres. Quelle est celle qui t’a le plus marqué ?

J’ai beaucoup sympathisé avec une cuisinière qui s’appelle Sonia Ezgulian, qui a un blog, l’Epluche Sardine. On se connaissait déjà un peu avant, mais depuis ABAM on a repris contact, et c’est devenu une amie. Je vais souvent manger chez elle, elle cuisine excellemment bien. Elle a longtemps tenu un restaurant à Lyon et maintenant elle est plutôt consultante en cuisine, pour des marques etc.

Je me souviens aussi, il y a deux ans j’avais été invité au Salon du livre de Bordeaux, j’avais été en contact avec un chef qui s’appelle Michel Portos. C’est pareil, c’est une rencontre qui a été assez géniale, qui m’a marquée. On a fait une conférence ensemble et on a sympathisé.

En fait j’aime bien les gens qui, un peu comme j’essaie de faire avec ABAM en fait, ont un excellent niveau mais qui arrivent à rendre la cuisine accessible, ne sont pas dans des sphères complètement intouchables.

Y’a t’il des ouvrages qui t’ont inspiré le ton, le format de tes notes ?

Quand Marion Montaigne a fait Tu mourras moins bête, je me suis dit que c’était exactement ce que je voulais faire pour A boire et à manger, cette vulgarisation d’un sujet. Il y a aussi un livre qui s’appelle les Miscellanées de Monsieur Schott. Ce sont des petits bouquins, et en gros c’est tout savoir sur tout, dans tous les domaines. Ce sont des petits recueils, et il y en a eu un sur la cuisine, et toutes les questions utiles que tu peux te poser, tu y trouves les réponses. Ce genre de livres un peu encyclopédiques.

Une autre grosse source d’inspiration, c’est un livre sorti dans les années 80, écrit par un journaliste qui s’appelle Philippe Vandel, et qui s’appelle Le livre des pourquoi. Et il y a beaucoup d’anecdotes culinaires que je raconte dans ABAM que j’ai apprises là-dedans. Pourquoi est-ce qu’on trinque, pourquoi est-ce distingué de lever le petit doigt quand tu bois ton thé, etc…

Est-ce qu’il y a des livres de cuisine, des carnets de voyages culinaires, dont tu nous recommanderais la lecture ?

J’ai fait des listes de Noël sur le blog pour offrir des cadeaux à des gens qui aiment la cuisine, il faudrait consulter ça parce que je n’ai pas tout en tête mais j’ai conseillé deux-trois livres (partie 1 des idées cadeaux, et partie 2). Il y a le livre des Trois soeurs, une d’elles est illustratrice et elles font des petites recettes illustrées. Et elles ont sorti un livre pour les cuisiniers fauchés. J’aime bien ce genre de bouquins.

C’est justement quelque chose qui t’intéresse, de faire de la cuisine avec trois fois rien, d’expérimenter ?

Oui, je ne gagne pas des mille et des cents non plus. Pour en revenir à cette histoire de restaurant étoilé et de petit bouiboui. Je suis beaucoup plus épaté par quelqu’un qui va faire une salade de tomates avec presque rien, mais où les tomates vont être excellentes, l’huile très bien etc, qu’un plat super sophistiqué qui va coûter de l’argent, et qui sera aussi bon, mais pas d’un plus haut niveau. 

Pendant mon voyage en Normandie, j’ai discuté avec Ophélie Neyman, avec qui je vais d’ailleurs faire des albums. On était dans un champs, chez un producteur d’agneaux, et on buvait un vin excellent, qui avait une centaine d’années. Et elle était bluffée par le travail de la vigne, du vieillissement. Et en même temps, on mangeait des moules pêchées de la veille. Et moi j’étais beaucoup plus épaté par la simplicité de cette moule cuite à l’eau, et qui était d’un goût excellent.

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