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par Arno Kikoo - le 25/09/2017
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par Arno Kikoo - le 25/09/2017

Animosity - Tome 1, la critique

Fort d'un très bon démarrage avec American Monster, la librairie devenue éditrice Snorgleux Comics propose également en cette rentrée le premier tome d'Animosity, création originale de Marguerite Bennett (Batwoman, DC Bombshells, InSEXts), ancienne protégée de Scott Snyder, publiée là aussi outre atlantique chez le nouvel éditeur Aftershock Comics

Animosity part d'un postulat simple : et si, du jour au lendemain, tous les animaux sur Terre devenaient doués de parole et d'une véritable conscience ? Une proposition brute qui trouve une illustration assez nuancée sous la plume de Marguerite Bennett - et heureusement. Alors que de nos jours, la question des animaux est perpétuellement au coeur d'un débat social, entre les problèmes entraînés par l'élevage de masse, la maltraitance des animaux, et la question de leurs droits, il aurait été facile pour l'autrice de prendre un parti pris réducteur et de proposer un récit manichéen, dans lequel l'être humain n'aurait que le mauvais rôle. On évite cet écceuil rapidement puisque les animaux, par leur diversité, et par leurs expériences personnelles, adopteront un tas de comportements aussi divers que variés. Bien entendu, beaucoup chercheront à se venger des torts qu'on leur a fait subir.

Et à ce propos, attention les yeux car certaines scènes sont assez violentes. Mais d'autres prennent le problème à bras le corps, et posent des questions bien plus pertinentes : celle d'un nouveau vivre ensemble, sur un pied d'égalité. Le problème de l'alimentation (qui est certainement le plus intéressant et le mieux traité dans l'ouvrage) ou de la surpopulation. On voit différents partis se former sur ces questions, et les oppositions sont alors multilatérales. Si on ne peut éviter quelques écueils dans certains personnages, qu'ils soient animaux ou humains, on pourra considérer que le pari de Marguerite Bennett de brasser au maximum les points de vue sur la question animale, est plutôt réussi.

En dehors de ces considérations, regardons le récit avec une approche plus terre à terre. Suite au Réveil des animaux, la société part donc en cacahuètes et on se retrouve très rapidement dans un monde post-apocalyptique, dans lequelles factions humaines, animales ou mélangées tentent de survivre tant bien que mal. Jesse, une jeune fille profondément attachée à son chien Sandor (à moins que ce ne soit l'inverse), vont parcourir les Etats-Unis à la recherche du frère de la fillette. Bien entendu le périple est ponctué par diverses rencontres et bouleversements qui permettent de faire le portrait de ce "nouveau monde".

Marguerite Bennett arrive sans trop de mal à développer son intrigue, malgré quelques petits problèmes. Le premier chapitre souffre de nombreuses ellipses qui font avancer l'intrigue rapidement (c'est bien) en mettant de côté certains des développements de la société qui sont pourtant les plus intéressants (c'est moins bien). Aussi, quelques passages au cours de la lecture ont l'air un peu bancals, avec des répliques qui ne sonnent pas toujours justes (citer du Pokémon, par exemple). Fort heureusement, l'ensemble n'en est pas trop terni et Bennett se garde quelques mystères sur la durée.

On s'intéresse au final plus aux à côtés des deux héros qu'à leur quête elle-même, qui reste assez classique quand on a parcouru le genre post-apo. Du coup malgré ces cinq numéros, on pourra ressentir quelque longueurs ; ce qui n'empêchera pas de conclure sur un certain cliffhanger qui aborde l'un des mystères les plus prenants, surtout parce qu'il met en doute la perspective de bonté qu'on a dès le départ sur l'un des protagonistes. Je n'en dis pas plus, mais vous comprendrez qu'il y a donc un certain enjeu pour la suite. 

Concluons cette critique avec un mot rapide sur les dessins, assurés par Rafael De Latorre, qui s'était déjà illustré chez Aftershock avec Super Zero d'Amanda Conner et Jimmy Palmiotti. Le dessinateur est confronté à un certain défi puisque la majorité de ses personnages sont des animaux - et Bennett semble avoir fait bonne pioche, puisque les dessins sont réussis. Le côté animal et sauvage est présent mais l'artiste réussit malgré tout à "humaniser" et à faire passer des émotions que le lecteur est à même de comprendre.

Le seul reproche que l'on pourra faire est que l'artiste ne tient pas la même performance sur toute la durée, ce qui se ressent sur certaines planches, lesquelles sont moins travaillées que d'autre. Quelques inégalités sur le plan graphique, et par moments un vrai manque de décors, qui malgré tout n'entachent pas le plaisir de la lecture. Mentionnons d'ailleurs en dernier lieu la galerie de couvertures alternatives en fin de tome, petit bonus qu'on ne refuse jamais.

Animosity n'est pas sans reproches mais devrait réussir sans trop de mal à attirer les lecteurs désireux d'originalité. Marguerite Bennett propose une histoire qui va au-delà de ses personnages pour proposer un regard multiple sur notre rapport avec les animaux, sans jamais verser dans un manichéisme idiot. On pourrait se contenter d'une aventure en post-apo rondement menée. Le contexte de l'histoire, et de la société actuelle qui voit venir ce genre d'oeuvre, fait qu'Animosity incite aussi à la réflexion. Et quand ce genre de proposition se fait avec de la bande dessinée, on aurait tort de ne pas en profiter.

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