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par Republ33k - le 11/11/2015
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par Republ33k - le 11/11/2015

Batman - Tome 7, la critique

Après un sixième tome en forme de transition, le Batman de Scott Snyder et Greg Capullo, super-star des comics en France comme outre-atlantique, revient chez Urban Comics dans un nouvel ouvrage, sobrement intitulé Mascarade, qui voit le chevalier noir divorcer avec son amour de toujours, le Joker, qui n'en finit pas de fasciner les fans, à commencer par notre scénariste.

Il faut le savoir, Scott Snyder a toujours considéré que Le Deuil de la Famille (qui correspond au troisième tome de la série chez Urban) n'était que la première partie d'un diptyque consacré à la relation unissant Batman à sa némésis. Et si le premier chapitre avait des airs de demande en mariage, celui-ci a la brutalité d'une rupture : le scénariste a ainsi choisi de rendre hommage à la rivalité des personnages pour mieux la détruire dans un second temps. 

Cette fois, Snyder prend d'ailleurs les choses en mains, et décide de faire avancer sa vision de l'unviers Batman d'un bond colossal, après avoir effleuré des sujets qui l'intéressaient. Et pour le coup, les déçus du Deuil de la Famille, tels que moi, ne pourront qu'apprécier ce coup de pied donné au derrière de l'intrigue, qui tente de faire bouger les choses, dans le sang, la sueur et les larmes : on vous parle de divorce, de rupture, il faudrait plutôt s'imaginer deux amants se jetant sur les assiettes pour en faire des poignards.

A ce titre, le scénario de ce nouveau tome a tout d'un blockbuster, dans ce que cela implique de bon et de dangereux. Une fois n'est pas coutume, commençons par les qualités : Snyder gagne en grandiloquence et nous propose une intrigue qui, si elle est passionnée par la figure du Joker, convoquera tout aussi bien la Justice League ou les autres vilains de l'univers Batman. Coup après coup, baston après baston, notre chevalier noir va faire avancer son enquête avec un entêtement qui n'a rien à envier à la version Frank Miller du personnage, pour pousser son ennemi dans ses derniers retranchements. Un rythme appréciable, mais qui a ses défauts : en cinq chapitres, difficile de faire tenir tous les protagonistes de l'histoire et les enjeux de cette dernière correctement.

Qu'à cela ne tienne, Snyder continue d'appliquer son style, devenu très indentifiable, à Batman. Et entre deux combats franchement bas du front, il nous offre ainsi des monologues intérieurs travaillés, qui se nourrissent de toutes les métaphores et de tous les jeux de mots - l'auteur utilise systématiquement l'étymologie comme un reflet de son intrigue - inspirés de leur auteur.  Mais plus que jamais en pilote automatique, le scénariste, parfois au sein d'un même chapitre, est capable de souffler le chaud comme le froid.

A tel point qu'il risque de rendre schizophrènes les plus attentifs des lecteurs, qui noteront sans doute les multiples facilités d'écriture du scénario. Snyder s'ouvrant des portes laissées fermées - ou tout simplement inconnues du lecteur - quand bon lui semble, les différents rebondissements, s'il ne manquent pas d'impact, arrivent toujours comme un cheveu sur la soupe. Etonnant pour un auteur qui a enseigné les règles de la fiction pendant quelques années.

Mais malgré tout, et c'est peut-être ce qui est le plus étonnant, Snyder parvient à retomber sur ses pattes. Avec plusieurs niveaux de lecture, déjà : en jouant sans cesse sur les mots, le scénariste invite son lecteur a faire de même avec les siens, à lire entre les lignes donc. Et en l'occurrence, la méta-lecture fera des ravages chez quiconque cherchera à l'interpréter. D'aucun diraient que Snyder se cache trop facilement derrière les métaphores, mais force est de constater qu'il excelle dans cet exercice. Comme dans celui du dialogue d'ailleurs : malgré maintes situations déjà vues ou incongrues, le scénariste fait mouche avec des phrases choc - et c'est encore plus vrai en français.

Me reste à évoquer les dessins de Greg Capullo, qui finalement, emboîte les pas de son scénariste. Tantôt inspiré, avec les jeux sur l'encrage de Danny Miki par exemple, tantôt flemmard, comme lorsque les applats de couleur si particuliers de l'An Zéro viennent combler ses fonds, le dessinateur est à chaque épisode un peu moins en forme. Même dans les concepts visuels à développer, ce qui est plutôt décevant vis à vis de l'intrigue, dopée par un style horrifique assez génial, que Cappulo traduira par des références évidentes aux poncifs du genre, avec des haches, des tronçonneuses et de sourires déformés dans tous les sens. Efficace, l'artiste le reste toujours autant, notamment dans sa mise en scène de l'action, mais on sent une forme de lassitude dans son trait, qui ne sera jamais que l'écho du pilotage automatique mis en place par Snyder.

Ce septième tome des aventures de Batman post DC Renaissance est édifiant pour comprendre le rapport qui unit un auteur à son œuvre, et le style de Scott Snyder en particulier. Comme écartelé entre l'envie de bien faire et le désir de chambouler les conventions, le scénariste finira par s'embarraser de ce qui l'arrange, quand ça l'arrange, livrant une narration facile et pleine de trous, mais qui reste malgré tout efficace, et plaisante à lire. Ajoutez à cela une méta-lecture de plus en plus prononcée - et inspirée - et cette "Mascarade" est bel et bien celle de Snyer. Son rapport intime à l'œuvre n'empêche pas Greg Capullo de rester constant, quoique moins inspiré, dans un ouvrage bien fourni par Urban, qui publie ici le troisième et délicieux Annual consacré au personnage de Batman. Un must toujours plus délicat à comprendre, et donc à aimer, mais un must quand même.

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