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par Elsa - le 17/05/2016
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par Elsa - le 17/05/2016

Ugly Princess tome 1, la critique

Si le genre shojo a tendance à tourner en rond, l'éditeur Akata sélectionne des titres qui vont toujours plus loin que la basique romance adolescente. C'est une nouvelle fois le cas avec Ugly Princess, la nouvelle série de l'auteure de Switch Girl.

"Ma tronche de cake me place carrément en dessous de la moyenne."

KENGAI PRINCESS © 2014 by Natsumi Aida/SHUEISHA Inc.

D'habitude, les héroïnes de shojo sont craquantes (au moins quand elles enlèvent leurs lunettes ou détachent leurs cheveux) mais Mito Meguro ne peut pas compter sur ce genre de subterfuges pour devenir adorable : dotée d'un physique plutôt banale, elle n'a pas un très joli visage.

Habituée à faire tapisserie, l'adolescente réserve ses pensées romantiques à son jeu de drague préféré sur console. Les garçons de la vraie vie ? Elle leur adresse très peu la parole. Timide et souvent dans sa bulle, elle n'en nourrit pas moins de sérieux complexes, consciente de son physique ingrat. Et la vie au collège n'est pas tendre pour les filles comme elle : deux ans plus tôt, un garçon dont elle était amoureuse s'est moquée d'elle devant tout le monde et continue de lui pourrir la vie quand ils se croisent. Malgré tout, elle peut compter sur ses deux meilleures amies pour passer de bons moments et oublier ses soucis.

Mais quand Kunimatsu, le plus beau garçon de sa classe, lui adresse la parole, Meguro décide de se reprendre en main. D'accord elle n'est pas jolie, mais elle a plein d'autres qualités et elle est désormais décidée à faire de son mieux.

Sincère et sensible.

Si choisir de casser les codes du shojo et de mettre en scène une héroïne loin des critères physiques habituels est autant une excellente idée qu'une certaine prise de risque éditoriale, c'est aussi, avouons-le, un sujet un peu risqué. En choisissant de se rapprocher de la vraie vie et d'évoquer la différence tout en restant dans un style shojo, il existe un risque de manquer totalement de subtilité, de faire dans la caricature, voir de tomber dans la moquerie. Ce qui serait particulièrement malvenu en mettant en scène une adolescente en souffrance. Mais Ugly Princess parvient à sonner juste et drôle. Parce qu'entre les lignes, on sent la sincérité de l'auteure, Natsumi AIDA, qui de son propre aveu souffrait elle-aussi à l'adolescence de ses nombreux complexes.

Ugly Princess est un vrai shojo, qui reprend tous les codes du genre avec maitrise (l'auteure n'en est pas à son premier succès). Mais s'y ajoute cette spécificité : parler de manière détaillée des complexes. Mito Meguro connait tous ses défauts, jusqu'aux angles de son visage qui jouent le plus en sa défaveur. Elle déteste la forme de son visage, ses paupières, son sourire, ses pieds, ses cheveux et ses problèmes de peaux. Elle a développé un énorme manque de confiance en elle qui la pousse à se faire la plus discrète possible pour éviter toute remarque ou moquerie. Constamment sur la défensive, à part quand elle est avec ses amies, elle enchaine les situations de panique dans ses tentatives pour se rapprocher de Kunimatsu. Ce sont ces passages riches en émotions fortes qui rythment le manga et font évoluer leur relation. Des questions qui sentent le vécu. Comment lui dire bonjour de manière naturelle ? Comment lui adresser la parole sans qu'il ne découvre son pire profil ? Comment garder sa motivation quand sa principale rivale est la plus jolie fille de la classe ?

Malgré le profond mal-être de l'héroïne, il se dégage d'Ugly Princess une énergie pleine d'optimisme. Mito Meguro est inspirante, bien décidée à ne plus se laisser envahir par ses idées noires et à aller de l'avant. C'est un shojo, un peu cliché et pas toujours réaliste, mais l'auteure montre que quand on donne le meilleur de nous-même, les résultats peuvent aller au-delà de nos espérances. C'est entre les lignes autant un témoignage sur cette souffrance adolescente qu'un encouragement sincère envers les lectrices qui se reconnaitraient en Mito Meguro.

Graphiquement, la dessinatrice s'amuse à mixer un style classique du shojo, très esthétique et tout en finesse, aux codes du manga horrifique pour appuyer les émotions qui traversent Meguro dans ses moments de panique. Quand elle représente l'héroïne seule, le dessin a aussi un côté un peu rétro et naïf qui rend l'héroïne particulièrement attachante. Le mélange est au départ un peu surprenant mais finalement très réussi, apportant une personnalité riche et touchante à Meguro.

Ugly Princess est un shojo, mais va au-delà des codes du genre en évoquant le quotidien pas toujours rose d'une fille au physique peu flatteur. Une manière de raconter les complexes qui parlera à tous et un optimisme à toute épreuve particulièrement inspirant. Une jolie bouffée d'air frais et un récit sensible et réussi.

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