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par Léonard Fougère - le 24/05/2022
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par Léonard Fougère - le 24/05/2022

Interview : Loundraw, d’illustrateur à réalisateur

Le talentueux illustrateur Loundraw fait ses premiers pas au cinéma avec Summer Ghost, un moyen-métrage réalisé au sein de son propre studio. Nous avons pu rencontrer l’artiste pour échanger sur son approche et sa carrière.

Dans Summer Ghost, on suit trois adolescents – Tomoya, Aoi et Ryou – qui cherchent à rencontrer le fantôme d’une jeune femme qui se serait suicidée. Un résumé qui illustre déjà les principales thématiques du film, à savoir la jeunesse et la mort. Diffusé à l’occasion du Ciné Matsuri de All The Anime, le moyen-métrage est également la première réalisation d’envergure pour le jeune artiste (27 ans) Loundraw. Il apporte à l’animation sa patte graphique unique, constituée de compositions simples et élégantes, faisant à la part belle à ses palettes de couleurs et à sa lumière. 

Si le film, de par sa durée (40 minutes), n’a pas le temps de développer au maximum ses personnages ou les sujets qu’ils abordent, il parvient tout de même à interpeller. Le rapport à la mort se mêle à celui de l’avenir et des doutes, inquiétudes ou craintes que connaissent ses jeunes protagonistes. Chacun semble, à sa manière, avoir perdu foi en la vie et c’est leur présence sur cette tangente mortelle qui leur permettra de rencontrer Ayane, fantôme d’une jeune femme au suicide présumé. Cet échange d’outre-tombe amènera à réfléchir sur la valeur de la vie, surtout quand le sens de celle-ci semble peu à peu disparaître. Une manière d’aborder le suicide de manière frontale quand cela reste un sujet tabou dans la société japonaise. Summer Ghost réussit à être suffisamment sincère – peut-être naïf aussi – dans son approche pour toucher le spectateur malgré la contrainte de temps. Quant à l’animation, peut-être l’aspect le plus maladroit du moyen-métrage, elle parvient néanmoins à donner vie à ses personnages de manière convaincante.

Surtout, c’est l’esthétique du film qui marque. Les plans se composent d’une superbe sobriété pour mettre en exergue ses personnages, modelés avec douceur par le trait fin de Loundraw. Décors, lumière et couleurs se mettent au service du récit pour traduire l’atmosphère et les émotions de chaque scène. La palette du film, surtout, n’hésite pas à changer radicalement d’un plan à un autre, passant de tons clairs à des teintes plus nocturnes. L’ensemble offre de très nombreux visuels sublimes, et le passif d’illustrateur de Loundraw se trahit dès lors que l’on s’attarde pour contempler les plans du film. 

© 2017TsukigakireiFilmPartners

Tandis que c’est sa première réalisation, Loundraw est déjà connu depuis de nombreuses années dans la sphère artistique japonaise. Peut-être l’avez-vous déjà vu passer sur les réseaux sociaux avec ses illustrations sobres et mélancoliques. Illustrateur depuis la moitié des années 2010, il a travaillé sur des projets variés allant du light novel (Rendez-vous au crépuscule, Derrière le Ciel Gris, Je veux manger ton pancréas…), des jaquettes de CD pour Sangatsu no Phantasia, Vocaloid. Il s’occupe également de la partie créative et visuelle du groupe Chronicle, allant des jaquettes aux clips. En France, il s’est surtout fait connaître au travers de l’anime original Tsuki ga Kirei qui raconte la timide et tendre romance entre deux adolescents, où Loundraw signe le character design des personnages. En 2019, à 24 ans, il fonde son propre studio d’animation (flat Studio) au sein duquel il produit des clips musicaux et spots publicitaires.

Summer Ghost offre une première réalisation très convaincante de la part de Loundraw. Il nous plonge directement dans ses exigences artistiques, notamment avec sa composition, et le rendu est plus qu’enthousiasmant. 

© 2022 Anime Limited

Présent en France à l’occasion de la diffusion Summer Ghost au Grand Rex, nous avons pu échanger autour de son film ainsi que sa carrière d’illustrateur devenu réalisateur. 

Comment présenteriez-vous le film aux spectateurs français et comment vous est venu le projet ?

Loundraw : C’est un film fictionnel mais il vient beaucoup de ma vie personnelle. Je suis avant tout illustrateur et, pour la première fois, je réalise un film d’animation donc je me pose beaucoup de questions sur ce que je veux faire, ce que je dois faire dans la vie… 

De toute façon, tout le monde avance vers la mort, à un moment donné notre vie se termine. Et donc quel est le choix à faire ? Je me pose toutes ces questions et je les ai mises dans ce film. On peut dire que c’est l’histoire de 3 adolescents et d’un fantôme, mais on peut aussi dire que c’est ma propre histoire.

À ce propos, il y a un personnage dans le film qui est un artiste. Vous avez projeté une part de vous-même en lui ?

Loundraw : Oui justement, je m’identifie vraiment à ce personnage. Quand j’étais plus jeune, je ne pensais pas du tout pouvoir utiliser le dessin comme métier et pouvoir vivre en tant qu’illustrateur et réalisateur d’animation. Mais grâce à pleins d’opportunités qui me sont tombées dessus, j’ai pu commencer à travailler dans le milieu artistique. Donc ce personnage qui cache une toile dans le dressing de sa chambre, c’est un peu moi.

Summer Ghost utilise une palette de couleurs sobre mais appuyée par de grandes dominantes selon les plans. Vous cherchez d’abord l’harmonie visuelle ou est-ce plus émotionnel ?

Loundraw : Mon choix était de toujours de trouver comment exprimer au mieux les sentiments des personnages, leur psychologie. Il y a énormément de couleurs que l’on peut utiliser pour les personnages, les décors. Mais montrer uniquement des couleurs de manière réaliste ne m’intéresse absolument pas. Ce n’est pas parce que c’est une scène se déroule de jour que je vais utiliser des couleurs claires, si je les utilise c’est parce qu’il y a une raison par rapport à l’émotion d’un personnage. Et la nuit c’est pareil, je peux réutiliser des couleurs claires pour les scènes nocturnes si je veux exprimer quelque chose de joyeux. Cela dépend vraiment de la situation psychologique des personnages. 

© SUMMER GHOST

Quelles sensations vouliez-vous donner au travers l’animation des personnages ?

Loundraw : Le point auquel je tenais vraiment au niveau de l’animation, c’était que les personnages parlent toujours en mouvements : qu’ils bougent en même temps qu’ils parlent. C’est quelque chose que l’on essaye d’éviter dans l’animation parce que c’est toujours plus compliqué. Comme on est obligé d’enregistrer la voix en cours de la production, il faut corriger les mouvements des lèvres pour que ça corresponde aux phrases dites par les doubleurs. Tout ça ajoute des complications. Mais comme nous, les êtres humains, nous parlons toujours en bougeant, je voulais aussi que les personnages aient ces gestes pendant qu’ils parlent. Même si je savais que ce serait compliqué j’ai demandé aux animateurs d’apporter ces mouvements.

Le film comporte de nombreux plans magnifiques, notamment dans un l’épuration de leur cadrage et de leur composition. C’est un style que l’on vous connaissait déjà en tant qu’illustrateur, mais est-ce que l’animation a modifié votre approche artistique ?

Loundraw : En réalité, pour le cadrage ou la construction d’un plan, il n’y a pas beaucoup de différences. Comme je n’étais pas seul sur l’animation, puisque ce sont les animateurs qui mettent en mouvement les personnages, j’ai dû travailler avec des nouvelles méthodes. Pour moi, en tant qu’illustrateur, c’était très compliqué : il y avait les avis d’autres personnes que je ne contrôlais pas et ne maîtrisais pas. Mais les couleurs et la composition sont deux choses que je contrôlais vraiment moi-même. Je pense que mon identité d’illustrateur est très importante et j’ai travaillé comme tel sur ce projet.

© SUMMER GHOST

Merci Loundraw pour ces éclairages.
N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires si vous avez vu Summer Ghost et pour prolonger la thématique, vous pouvez consulter ici le reste de la programmation du “Ciné Matsuri”.

Le film sera également projeté durant le Festival International du film d’animation d’Annecy les 15 et 17 juin prochain (plus d’infos ici).

Traduction de Shoko Takahashi
Remerciements particuliers à Games of Com & All The Anime

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