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Critiques
par Thomas Mourier - le 17/12/2021
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par Thomas Mourier - le 17/12/2021

La sélection de fin d’année qui vous laissera sans voix

Une dernière belle sélection pour pimenter vos idées cadeaux et bien finir l’année ? Ok, je vous propose 4 très beaux livres, à la fois étonnants et qui sortent des sentiers battus avec leurs décors grandioses ou sauvages. Des bandes dessinées qui se passent de textes pour en dire beaucoup, l’idéal pour vous aérer la tête en cette fin d’année difficile.

Au sommaire : 
Mater de Stanislas Moussé, Le Tripode
Dernier souffle de Thierry Martin, Soleil (coll. Noctambule)
Le sel et le ciel de Marc-Antoine Mathieu, L’Association
UOS de Benjamin Adam, 2024 

Mater de Stanislas Moussé, Le Tripode

Mater de Stanislas Moussé, Le Tripode

Troisième volet Mater de la série informelle de Stanislas Moussé entamée avec Longue vie début 2020 et suivie du Fils du roi (chaque livre peut se lire indépendamment des autres même si l’ensemble se répond). Dans ce nouvel album, l’auteur creuse un peu plus son univers et développe ses personnages dans une intrigue qui ajoute une couche nouvelle à sa mythologie. 

Si les planches de Mater conservent cette architecture visuelle un peu folle faite de cartographies imaginaires, où les personnages évoluent dans des paysages qui évoquent autant Où est Charlie que les cartes du jeu Zelda ; il renouvelle son propos en associant un autre pan de réalité à ce monde déjà riche. On assiste à une bataille à grande échelle pour un bébé. Il faut dire que le bambin semble être devenu le réceptacle d’une entité cosmique, et plusieurs factions se le disputent — épaulées par de véritables armées en marche ou de pouvoirs déments. Franchement, arrêtez de regarder la Roue du Temps sur Prime pour vous lancer sur Mater, la quête de l’élu et les menaces sont bien plus épiques et créatives.  

Dès les tous débuts, il était déjà question de différences entre les générations, d’une nouvelle qui arrive dans Le Fils du roi et cette fois d’une autre qui peut tout changer. Après les thématiques de la transmission ou de l’exil, le dessinateur s’attaque à l’héritage à travers 2 figures féminines et cette étrange maternité. 

Assez unique, le style de l’auteur gagne encore en maturité dans cette maîtrise graphique qui foisonne d’idées et de détails. Influencé par David B., Mike Mignola ou Nicolas Presl, on admire le travail de précision pour incarner ses créatures et donner de l’épaisseur à ces miniatures (images sans perspectives aux narrations multiples). Un album muet donc, pour ouvrir cette sélection, que je vous conseille de lire rapproché des précédents pour en apprécier toutes les subtilités. Vous pouvez jeter un œil sur son interview en vidéo pour en savoir plus sur sa manière de travailler, ses influences ou les origines du projet.

Mater de Stanislas Moussé, Le Tripode
© Stanislas Moussé / Le Tripode

Dernier souffle de Thierry Martin, Soleil (coll. Noctambule)

Dernier souffle de Thierry Martin, Soleil (coll. Noctambule)

Thierry Martin a fait de 2021 son année, entre les publications de son très beau Mickey et les mille Pat avec Jean-Luc Cornette au scénario et son interprétation graphique de Batman avec Mathieu Gabella dans le collectif Batman —The world ; et bien sûr Dernier souffle

Un très bel album pour mettre en avant cette histoire particulière conçue en improvisation sur Instagram au rythme d’une image par jour du 4 août 2018 au 15 mars 2019. 200 jours pour 200 images réunies dans un album à l’italienne chic (l’auteur ayant préféré le format « 16/9 » au format carré d’Insta) pour découvrir ce western atypique. Né avec l’envie d’improviser au quotidien & de se frotter au feuilleton, de mettre en image des gueules & des codes du western : cette histoire est organisée autour d’une traque & d’une vengeance comme fil rouge. 

Duels au pistolet, coups de couteau dans le dos, traque dans la neige ou embuscades, devant les meutes de loups ou dans une caravane de chariots… les héros de cette bande dessinée muette ont beaucoup à dire sur le thème de la survie. L’auteur prend plaisir à mettre en scène ces gueules de cow-boys, d’outlaws, d’Indiens dans un mix de moments suspendus et d’actions-chocs. Si les premières images font la part belle aux gros plans, les dernières sont une fuite en avant musclée. À cela s’ajoute un flash-back pour donner du corps à l’ensemble et une atmosphère sombre porté par la bichromie bleu nuit de l’album. 

Graphiquement on suit le trait souple et profond de l’encre de Chine au pinceau, avec ces projections de blanc omniprésentes. Le plaisir du livre est aussi dans la mise en scène et le choix des cadrages toujours différents à chaque image, dont une très marquante case à l’envers.

L’album avait fait l’objet d’un petit tirage chez Black & White et revient en couleur chez Noctambule après le succès de cette première mouture. Bonne nouvelle, sur son Instagram on trouve également un nouveau récit de cette trempe : La dernière frontière (en pause depuis la case 59, mais avec quelques images déjà marquantes). Avec ces 3 titres sortis cette année pour Thierry Martin, vous avez de quoi lire en attendant la suite en ligne !

Dernier souffle de Thierry Martin, Soleil (coll. Noctambule)
© Thierry Martin / Soleil

Le sel et le ciel de Marc-Antoine Mathieu, L’Association

Le sel et le ciel de Marc-Antoine Mathieu, L’Association

Après avoir joué avec les codes du 9e art porté par un humour subtil, dans sa série Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves ou de piquants one-shot comme Dieu en Personne et 3’’ ;  Marc-Antoine Mathieu propose depuis quelques livres, des approches plus mystérieuses et poétiques qu’humoristiques, tout en gardant un œil sur les possibilités du médium. Album singulier, prolongement de son album à clefs Sens, Le sel et le ciel à été créé pour une mise en scène grand format dans les rues de Lyon en juin 2018 dans le cadre du festival Lyon BD

On peut y voir aussi une nouvelle plongée dans cette poésie visuelle, qu’on a pu découvrir dans l’album-coffret 3 rêveries, où chaque image fait sens avec les autres, propose au lecteur d’interpréter lui-même les signes qui se cachent dans l’image. Mais aussi les images elles-mêmes comme autant de tableaux. Un côté mystique suggéré par la seule phrase du livre, imprimée en ouverture : « Il sera une fois une mer asséchée, dont il ne restera que le sel, un sel qui aura brûlé tous les regards… » 

Sans en dire trop, une foule trouve dans le désert les vestiges d’une construction antique et va mettre à jour un objet fabuleux qui évoque l’un des plus anciens mythes de l’humanité. Dans ce désert blanc, sous un ciel gris, ces silhouettes nous intriguent, nous guident et nous proposent plus de questions que de réponses. Un titre à lire en regard de ses autres œuvres sur le même thème, pour prolonger la rêverie et les interrogations qui font écho à l’actualité depuis leur désert singulier… 

Le sel et le ciel de Marc-Antoine Mathieu, L’Association
© Marc-Antoine Mathieu / L’Association

UOS de Benjamin Adam, 2024 

UOS de Benjamin Adam, 2024 

Pour beaucoup de lecteurs, SOON de Thomas Cadène & Benjamin Adam a été l’un des livres marquants de 2019 avec son approche positive du futur et sa science-fiction presque pas dystopique (le coup de cœur ici). Cet album était marquant dans son approche du récit d’anticipation et sa double narration, mais aussi pour son graphisme très marqué avec ses jeux de couleurs, ses inserts de cases pour marquer la temporalité, ses planches à bord perdu et découpages changeants…

Benjamin Adam a voulu prolonger ce travail graphique (en s’éloignant des thématiques de SOON) en s’attaquant directement cette fois à la catastrophe, à cette vision classique du futur post-apocalyptique. Dans UOS un grand album (28 X 37,5 cm, de la collection grand format de 2024) il propose une vingtaine de doubles-planches muettes qui mettent en scène les errances d’un survivant dans une jungle de béton & de ruines. Des villes en ruines, pleines de signes et de trésors cachés pour le héros solitaire (dont les lettres U O S sont les derniers vestiges d’un panneau publicitaire), et où, ce dernier va imprimer ses propres symboles sur les parois des ruines, technique rupestre qui semble boucler un cycle entamé à Lascaux ou Chauvet quelque 37 000 ans avant notre ère.  

Plaisir graphique, les pages de cet album sont autant d’instantanés d’un futur encore inédit, le dessinateur s’amusant avec les formes, les matières et les rendus pour nous rendre attirantes ces visions pessimistes, devenues désirables dans ces tons verts irradiés et bleus nuit. Des doubles-planches paysages où s’invitent une cascade de cases marquant la temporalité et les actions de ce survivant, seul guide dans ce désert onirique.

UOS de Benjamin Adam, 2024 
© Benjamin Adam – éditions 2024 / 2021

N’hésitez pas à parler de vos dernières lectures en commentaire ou à nous poser des questions sur cette sélection.


Image principale © Benjamin Adam – éditions 2024 / 2021

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