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par Corentin - le 29/01/2018
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par Corentin - le 29/01/2018

Lastman Stories : Soir de Match, la critique

En marge des festivités du festival d'Angoulême, les sorties BD n'ont pas tari la semaine dernière. On a eu droit aux premiers titres de l'éditeur Hi Comics, et d'autre part au premier volume de Lastman Stories chez Casterman. Il s'agit d'une série-compagnon de l'armature classique habituellement servie par Vivès, Balak et Sanlaville. Avec Alexis Bacci au dessin, Vivès fait ici le compromis d'un pont entre le dessin animé de Sarfati et Périn et les aventures plus habituelles de la Vallée des Rois, et une simple série perméable où se retrouvent les codes et le génie de la saga. Retour à Paxtown, il y a quinze ans, entre flics corrompus, super-héros et sport ultra-violent.

Tu te crois où ? Dans une série télé ?

Lastman Stories est raconté à la troisième personne, un point de vue qui justifie l'idée que ce premier volume se détache de la continuité d'usage et agit comme un réel complément, un enrichissement de l'univers. Aldana et Tomie sont de la partie, en toile de fond. Les véritables héros sont ici Crystal, joueuse pugnace de Violent BallMilo Zotis, parain du crime et des médias, le Corbeau, un vengeur masqué à la Punisher, et H, un flic intègre infiltré dans la mafia locale. Le volume est violent, cru, drôle, et comme d'habitude, constellé de références à différents genres. L'intrigue passe d'une rencontre sportive pilotée par les truands, qui gravite autour de thématiques de dopage et de drogues (surnaturelles), entre quelques passages romantiques - le terme poli pour dire qu'il y a pas mal de sexe, les enfants nous regardent - et un polar stylisé, entre violence froide et violence comique.

On retrouve du sport futuriste sanglant à la Rollerball, ici représenté par des arènes de football américain où le meurtre est autorisé (sinon recommandé), les intrigues de films de mafieux façon années '80, et le trope du super-héros ultra-violent qui nettoie une ville emplie de vices et de péchés. Il y a aussi des mutants. Autrement, ce ne serait pas drôle.

Paxtown est, pour ceux qui auront découvert Lastman via le dessin animé, un superbe décor pour les idées de la série - on retrouve ces rues sans lois à la Nicky Larson, le héros loser et poseur qu'est Richard Aldana, déclinaison franco-italo-américaine d'Onizuka si celui-ci avait réussi à se dépuceler plus tôt, et une ambiance générale qui fonctionne toujours. On pourrait habiller ces pages en noir et blanc de musique, de la synthwave ringarde à du rock énervé, en passant par des passages funkys façon cop show des années 1970. Ce qui est fort dans ce curieux métissage, c'est qu'il tient debout, à chaque fois. Difficile encore aujourd'hui de dire si Lastman tient plus du manga, du comics ou de la bonne BD franco-belge avec son goût pour les insultes à chaque bulle et les bourre-pifs décomplexés, on se résumera donc à dire que Lastman, c'est d'abord du Lastman, et c'est tout ce qu'on lui demande.

Les filles qui jouent au ballon, j'trouve ça vulgaire

Cet espèce de mélange entre génie et vulgarité fait aussi partie de l'ADN de la série - les insultes, tout aussi bien que les formes (absurdes) des sportives, le sexe graphique et les têtes qui volent. Si les inspirations puisent dans des oeuvres que vous avez sans doute vues étant gosses, on vous déconseille de mettre celle ci entre les mains d'un public non-averti (et le regard amusé d'un échantillon de lectorat féminin, assistant à la lecture qui précédait cette critique, me fait dire que tout le monde n'appréciera pas chez les adultes non plus).

Néanmoins, la formule est bonne. On rit beaucoup de certains échanges, on admire parfois le laissé-aller des bizarreries qui constellent les pages, et la capacité à donner vie à ce monde auto-contenu, loin de la Vallée des RoisLastman Stories est aussi une excellente porte d'entrée vers l'esprit Lastman en général, si vous n'aviez encore rien ingéré de l'univers - les codes sont là, donc idéal pour juger de votre goût pour le concept, peut-être ici un poil plus défouloir et permissif que certains volumes plus canoniques.

Côté graphique, là-encore, le tout sera de savoir ce qui vous plaît. Le trait léger et cartoon de Bacci fonctionne à merveille en décalage avec la violence générale, et certaines planches sont superbes  dans leur dynamisme et leur capacité séquentielle. De façon amusante, les codes graphiques sont aussi à mi-chemins entre trois cultures, des plans du mafieux face à sa baie vitrée très américains, du manga exagérément généreux dans les musculatures et les corps féminins, et du grotesque francophone dès qu'il s'agit de blaguer sur la décapitation et la monstruosité.

En un mot, Lastman Stories, c'est bien. Un excellent complément au récit classique, peut-être dispensable pour les amoureux de la série principale (qui, oui, va plus loin), mais peut-être aussi le meilleur cadeau à faire à ceux qui préfèrent les contours urbains de l'univers découvert par l'animé que l'aspect fantasy de sa suite. Tout ou presque fonctionne, efficace, page-turner génial et madeleine de Proust des amoureux d'un certain genre de fiction, avec l'habitude de mélanger tout et n'importe quoi de ce qui plaît aux auteurs dans un joyeux bordel toujours bien digéré. On attend avec impatience la suite, et plus d'explorations foutraques d'une des meilleures BD françaises sur le marché.

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