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par Elsa - le 29/02/2016
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par Elsa - le 29/02/2016

Zita, la critique

Les jolies petites bd de La Boîte à Bulles sont souvent pleines de surprises. C'est à nouveau le cas de Zita.

"J'ai mille vies à explorer."

Zita est une géante. Tous les géants ont des pouvoirs, mais les siens sont inattendus et multiples. Polymorphe, elle sauva la vie de sa mère à la naissance, en rétrécissant. Depuis elle n'en a fait qu'à sa tête, jouant de sa capacité à parcourir les époques et le monde, car les humains la fascinent. Il faut bien le dire pourtant, la jeune femme-géante n'a pas son pareil pour se retrouver dans des situations compliquées. Mais ses pouvoirs, sa détermination et son imagination finissent par toujours la sortie des mauvais pas.

Elle voit l'horreur de la guerre, les drames de la pauvreté, mais goûte aussi à l'amour et à l'art. Toujours furtivement, elle ne peut courir le risque d'être découverte.

"Je peux m'amuser indéfiniment."

Avec Zita, Sylvie Fontaine s'amuse beaucoup. Elle nous raconte par petits bouts la vie de cette géante farfelue qui saute d'une période historique à une autre, et vit milles-et-unes aventures. C'est Zita elle-même qui nous guide, nous racontant le monde d'où elle vient en même temps que le nôtre, à travers son regard d'être différent, mais qui voudrait vivre humaine parmi les humains.

Si le récit est plein de malice et d'humour, tout en nous faisant voyager géographiquement et dans le temps, l'auteure joue aussi avec les traitements graphiques. À l'image de son héroïne elle explore, expérimente, et on sent tout son plaisir à se laisser guider par sa seule inspiration. Noir et blanc, peinture, numérique, collages, crayons, les petits bouts de récit se succèdent à une vitesse folle, ne laissant jamais au lecteur la possibilité d'imaginer ce qui suivra. Une surprise presque à chaque page, comme à chaque moment de la vie de Zita. Certains seront peut-être déstabilisés par ce rythme effrené, ces multiples variations graphiques qui ne laissent aucun temps de repos, pourtant le résultat est à la fois très fluide, et extrêmement rafraichissant. Le plaisir de Sylvie Fontaine avec cette histoire est palpable, et communicatif. Les histoires sont parfois un peu, voir très courtes, et ont par là un petit côté frustrant tant on passerait bien plus de temps avec l'héroïne, mais c'est un peu comme si l'on rencontrait une personne extraordinaire, qui nous racontait des souvenirs dans le désordre et à toute vitesse. C'est un peu étourdissant, et en même temps très plaisant.

Mais en plus de nous raconter notre monde, ses douceurs et ses douleurs, à travers les yeux d'un être fantasque venu d'ailleurs, Zita interroge entre les lignes sur la femme, et surtout sur sa place dans nos sociétés. À chaque époque de la vie qu'elle se choisit, l'héroïne se retrouve confrontée aux limites de la condition de femme qu'elle choisit de subir, à sa manière, plutôt que de simplement s'en extraire en vivant dans son monde. Elle est un visage de la lutte, de l'émancipation. Du refus de se laisser enfermer par son sexe et ce qu'on voudrait lui attribuer. Plus que de nous expliquer les choses, de dénoncer ouvertement, l'auteure nous laisse saisir entre les lignes son propos, et réfléchir nous aussi aux carcans des femmes hier comme aujourd'hui. 

À la fois conte et réflexion sociale, Zita est une bande dessinée farfelue, intelligente et rafraichissante. Malgré un prix un peu élevé (25€), cette histoire est emplie d'un plaisir participatif. Elle emmène en voyage ceux qui n'ont rien contre quelques turbulences, à travers les petits bouts de vie sans queue ni tête (ou bien peut-être justement pleine de sens ?) d'une géante exceptionnelle vivant cachée parmi les humains.

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