Après 7 ans de travail, voici le 8e long métrage d’animation de ce dessinateur unique qui réalise presque entièrement seul ses longs-métrages, une quarantaine de courts-métrages, mais aussi des séries pour la télé, des clips et des films.
L’an dernier je vous parlais de la (re)sortie au cinéma de L’Impitoyable lune de miel ! & Les Mutants de l’espace en attendant que Duel à Monte-Carlo del Norte ou Slide en V.O. arrive chez nous.
Avec chemise western et chapeau, Bill Plympton présente la bande annonce ainsi : « C’est un film de cow-boy. Influencé par là où j’ai grandi en Oregon, une ville au milieu des montagnes avec des bûcherons et des cow-boys.
C’est aussi inspiré par la Country music et je n’ai jamais vu un film d’animation qui utilisait la vraie country et c’est ce qui m’a inspiré pour Slide fait référence à la manière de jouer de la guitare, même si moi-même je n’en joue pas très bien. »
De dessinateur de presse à réalisateur de courts métrages
« Je vais vous parler un peu de ma carrière dans l’animation et la bande dessinée. J’ai grandi dans l’Oregon et il pleut beaucoup alors je passais mes journées à dessiner des dessins animés parce que j’adore les dessins animés. C’est en regardant les films de Walt Disney à la télévision que je me suis dit “c’est ça que je veux faire, je veux travailler pour Disney”. Je passais mes journées à dessiner et c’est ce que je fais encore maintenant.
Quand je suis allé au College [l’un des équivalents de l’université] je voulais faire de l’animation, mais ça n’existait pas. Donc j’ai décidé de déménager à New York où je suis devenu illustrateur et dessinateur de presse. Et j’ai beaucoup dessiné pour des magazines comme Penthouse, Playboy, The National Lampoon… et j’avais toujours le désir de faire de l’animation, mais je ne savais toujours pas comment.
Et puis une personne m’a demandé de faire un court-métrage avec lui. Et voilà j’allais apprendre à faire de l’animation. Il m’a demandé de faire le story-board, le character design, les décors et toute l’animation et tout ça sans argent. J’ai dit “je m’en fous, je veux juste apprendre, je vais le faire gratuitement”. Et ça à eu beaucoup de succès, ce court-métrage s’appelait Boomtown. Je connaissais enfin les techniques d’animation et je me suis mis à faire mes propres dessins animés.
J’ai commencé par Your Face. Le dessin n’était pas très bon, le film n’était pas très bon alors pourquoi ce film est si populaire ? Pour la projection, je me suis trouvé pour la première fois devant un public à New York, où il y avait beaucoup de professionnels et d’animateurs, et dès que le film a commencé les gens ont commencé à rire. Et c’était la première fois dans ma carrière de dessinateur que j’ai vu des gens rire grâce à mes dessins. Parce que j’avais publié mes dessins dans des magazines, des journaux ou des livres et je n’avais jamais pu entendre les réactions. En entendant tous ces rires, je me sentais flotter, c’était grisant cette nouvelle sensation.
Après ça, certains sont venus me voir, « vous êtes Bill Plympton ? Vous avez fait ce film ? Venez boire un coup et parler d’animation. » C’est là que je me suis senti chez moi. C’est là où je devais être après toutes ces années.
Et ce film a eu un incroyable succès, il a été projeté dans de petits festivals et finalement nominé pour un Oscar. Ce qui est étrange, car ce n’est pas une très bonne chanson, le dessin est très brut et négligé, les couleurs ne sont pas lumineuses et je ne comprends pas pourquoi les gens aiment ce film.
J’étais très inspiré par ce premier succès et j’ai quitté tous mes autres boulots pour ne faire que de l’animation. Tout le monde m’a dit que « j’étais fou, que l’animation c’est mort, que je n’allais plus jamais trouver de boulot ». Finalement je me suis retrouvé dans des festivals comme Annecy, Anima, Berlin et à la fin des projections les gens venaient me voir en me disant voici de l’argent pour diffuser le film à la BBC ou sur Canal+ ou Arte. Pour la première fois, je gagnais enfin de l’argent. »
L’art du gag de canapé
« Et je me rappelle qu’au College, il y avait un festival de film et un gars produisait des films industriels, des publicités de 20 minutes. Et ils étaient si bien faits qu’on aurait dit des films des Monty Python. Je suis allé le voir et comme il a vu que j’aimais ce film, il m’a proposé d’aller chez lui pour en voir d’autres. Et en arrivant j’ai vu un gamin de 14 ans qui dessinait alongé par terre et je lui ait dit tu aimes les dessins animés, les tiens ont l’air marrants. Il s’appelait Matt Groening et son père Homer Groening. »
Un exemple des pubs décalées d’Homer Groening :
« Et avec Matt nous sommes amis depuis longtemps, même s’il vit à Los Angeles, on se donne des nouvelles et on se voit souvent dans les festivals de comics. C’est à Annecy, sur un bateau sur le lac en pleine dégustation de vin et de baguette, qu’il me dit que je devrais travailler sur les Simpson. Je lui ai dit que j’adorerai, que ce serait une de mes choses préférées. Il m’a demandé de faire un “gag du canapé”. C’est celui qui a eu le plus de votes, et ils m’ont laissé 1 minute 30 au lieu des 40 secondes habituelles. [Depuis, Bill en a fait d’autres dont Beware My Cheating Bart où on découvre que le canapé était l’ex d’Homer qu’il a quitté pour Marge. Il y a 8 à découvrir ici ] Ce petit court métrage qui ouvre l’épisode et j’ai fait quelque chose qui vous sera peut-être familier ?»
Des courts aux longs
« Et je faisais pas mal de courts-métrages comme 25 Ways to Quit Smoking ou How to Kiss et je les ai mis bout à bout sur une cassette VHS pour les vendre. Et avec tous ces courts-métrages, je me suis aperçu que j’avais 1h d’animation. Je pouvais faire un long-métrage avec une seule histoire durant ces trois dernières années.
J’ai décidé de rappeler Maureen McElheron [qui avait chanté la chanson de Your face] pour faire la musique et je ferais l’animation d’un nouveau film The Tune. J’ai travaillé 2 ans et demi dessus et on pourrait le résumer en un Yellow Submarine [des Beatles] avec de la musique américaine : de la country, de la surf musique et du blues.
Nous l’avons présenté à Sundance suite à leur invitation, et je pense que c’était le premier film d’animation présenté au festival, et il y avait plein de réalisateurs — pas tellement d’acteurs — et il y avait un gars complètement nerd qui est venu me parler pendant que je déjeunais. Il connaissait bien mes films, me posait plein de questions sur Your face, sur comment je faisais les couleurs ou mes influences.
Je lui ai demandé si lui aussi avait un film à présenter, il m’a dit oui Réservoir Dog. C’était Quentin Tarantino, et après la projection de son film tout le monde voulait lui parler je n’ai pas pu le revoir. Et pour l’anecdote, si vous avez vu Kill Bill, au début du film Beatrix Kiddo doit se marier à un Monsieur Plympton.
Nous sommes restés en contact et on a eu l’idée de faire quelque chose ensemble, qu’il m’écrire un script pour un dessin animé, mais il a dit qu’il arrêtait de faire des films. »
Quelques conseils de niche
« La chose importante si vous voulez être dessinateur ou réalisateur est de garder un carnet pour noter des idées. Moi par exemple, comme je vis à New York, je vois plein de gens dingues et j’ai plein d’idées.
Un jour que je me promenais vers chez moi, j’ai vu un chien aboyer sur un petit oiseau et je me suis dit pourquoi cet oiseau est-il si en colère contre l’oiseau ? Alors je me suis plongé dans son cerveau et j’ai réalisé qu’il était paranoïaque : il pensait que l’oiseau allait attaquer son maître et qu’il allait perdre son meilleur ami. Avec cette idée très drôle, je suis immédiatement rentré chez moi et j’ai dessiné ce chien carlin.
J’en ai fait un film Guard Dog et ça a été un gros succès, il a été nominé pour les Oscars. Et il y en a eu plusieurs dans la série des chiens, comme mon préféré Hot Dog. J’adore ce personnage, c’est un peu mon Mickey »
Duel à Monte-Carlo del Norte sortira cette année au cinéma (la date n’est pas encore fixée), mais en attendant vous pouvez faire un tour sur sa chaîne YouTube qui regroupe la plupart de ses courts-métrages en libre accès ou encore son mockumentaire Hitler’s Folly où le dictateur était réinventé en Walt Disney allemand.
Image principale © Bill Plympton / Ed Distribution