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par Republ33k - le 6/10/2017
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par Republ33k - le 6/10/2017

Vincent Brugeas nous parle de The Regiment et de son rapport à la BD historique

Aujourd'hui dans les librairies sort The Regiment, sous-titré l'Histoire Vraie du SAS, qui s'offre un premier tome signé par le scénariste Vincent Brugeas. Vous le connaissez peut-être pour Block 109 et Chaos Team, et vous avez sans doute déjà vu passer son nom récemment avec la sortie du troisième album du superbe Roy des Ribauds.

Bref, le nom de Vincent Brugeas commence à être connu de tous, et si vous n'avez pas encore eu l'occasion de découvrir les écrits du bonhomme, nous avons une bonne nouvelle pour vous ! Le scénariste a eu la gentillesse de répondre à nos questions dans une petite interview.

Nous y parlerons bien entendu du SAS, le Special Air Service, une unité de forces spéciales formée par l'armée britannique en pleine seconde guerre mondiale, qui depuis, est considéré comme l'une des meilleures, si ce n'est la meilleure force anti-terroriste du monde. 

Mais ce n'est pas tellement l'incarnation moderne du SAS qui intéresse le scénariste, plus volontiers tourné vers l'histoire, comme vous allez le voir ci-dessous. Nous alllons donc parler avec lui de l'histoire avec un grand H, et de son incarnation dans la bande-dessinée. Bonne lecture !

Vincent Brugeas, l'interview



• Commençons par le tout début ! Dis-moi comment est né le projet The  Regiment, et d'où te viens cette fascination pour le S.A.S ?

Et bam, première question, et déjà un piège... T'es fort quand même ! En réalité, au départ, The Regiment est un projet de commande. Et oui, le mercenaire de base. Au début de l'année 2016, j'échangeais déjà avec les éditions du Lombard depuis quelques mois. À l'occasion d'Angoulême, Gauthier, le directeur éditorial du Lombard, me demande si je connais un peu l'histoire du SAS. Je réponds que oui (ce qui était vrai, en tant que fan d'histoire et de seconde guerre mondiale). Tout d'abord parce que je cherche à signer, mais aussi parce que c'est un thème qui me plait quand même.

Gauthier m'explique que l'un de ses dessinateurs, Thomas Legrain, qui vient d'enchaîner presque de suite 10 tomes de sa série Sisco, cherche un peu à changer d'air et s'intéresse beaucoup à l'histoire du SAS.

Nous nous sommes revus tous les trois un mois plus tard à Bruxelles. J'avais eu le temps de lire pas mal de livres sur le SAS, donc je savais un peu plus de quoi je parlais ! Clairement, nous nous sommes rendus compte que nous avions tous la même vision de ce à quoi à la série devait ressembler.

Je voulais clairement éviter le catalogue de dates, de missions et de compte-rendus. Pour moi, il fallait privilégier les trois fondateurs, faire une histoire de copains, de potes qui surmontent les difficultés peu à peu. L'histoire du SAS s'y prêtait totalement.

Et là, le bonheur, c'est que Thomas et le Lombard étaient sur la même longueur d'onde.

Donc j'ai pris un immense plaisir à travailler sur ce projet, malgré ma première approche de mercenaire. Et surtout, la symbiose est bien présente avec Thomas, ce qui n'est pas toujours facile dans ce métier.

• Tu es connu pour avoir écrit une uchronie, Block 109, et une série librement inspirée des romans Les Rois Maudits, le Roy des Ribauds. Quelque part, tu ne cesses donc de jongler avec l'histoire, mais sans faire de la BD historique, à proprement parler. D'où te viens cette étonnante gymnastique ?

Là, c'est ma vision personnelle de la BD historique, mais aussi tout simplement de la fiction historique. Dans récit historique, il y a aussi le mot "récit" et d'ailleurs il vient en premier (bon, ok, en même temps, si t'échanges, ça ne veut plus rien dire). Un récit historique ne doit pas (selon moi) ressembler à un catalogue d'anecdotes, de dates, de faits mis en images. Il doit respecter les règles de narration comme tout type d'histoire.

L'Histoire doit rester un cadre, avec tout ce qu'il implique nécessairement sur le background d'un personnage, mais un simple cadre.

Pour prendre un exemple plus parlant, prenons Braveheart, Gladiator ou Murena et les Aigles de Rome pour parler de BD, pleins d'anachronismes, de raccourcis, d'erreurs parfois voulues... mais purée ! Qui n'a pas envie d'ouvrir un livre d'histoire pour en savoir plus après avoir lu/visionné ces oeuvres ? Non ?

Et n'est-ce pas le principal ? 

Moi quand j'ai vu Braveheart à dix ans, je n'avais qu'une envie, me renseigner le plus possible sur William Wallace et l'histoire de l'Ecosse et c'était beaucoup moins facile qu'aujourd'hui !!

• A propos de BD historique justement, quel est ton avis sur l'état actuel du genre ? Il me paraît assez difficile à dépoussiérer. Je vois pas mal de tentatives et de succès, comme le Roy des Ribauds par exemple, mais pas assez pour remplacer ce que j'appellerai volontiers les "BD Manuels". De ton côté, tu penses quoi de tout ça ? 

Je vais me répéter un peu, mais justement, je ne supporte pas ce que tu appelles les "BD Manuels". Autant ouvrir et lire un livre d'histoire, qui aura le mérite d'être toujours plus complet et précis (et ça, c'est une question de forme et pas de fond, et peu importe le talent du scénariste). Avec le Roy des Ribauds, j'entame un cycle de nombreux albums à venir qui auront un cadre historique, mais je n'oublie jamais de réserver la meilleure part à mes personnages, historiques ou non.

J'aime ancrer mes histoires sur des évènements réels, cela permet de donner une assise solide, mais c'est encore mieux si je peux en faire profiter mon propre récit, comme par exemple, l'affrontement entre Richard et Philippe dans le Roy des Ribauds.

Par contre, le Roy des Ribauds ne devait en aucun cas ressembler à un catalogue des batailles ou des traités qui ont parsemés la lutte entre les deux hommes. J'espère que mon récit aménera les plus passionnés de mes lecteurs à se pencher sur ces périodes passionnantes.

Enfin, j'ai un dernier argument en ma faveur. Nos lecteurs retiennent seulement la globalité, pas les petits détails, alors autant leur "apprendre" des choses très générales, voire vagues, qu'ils retiendront plus facilement. Ce sera ensuite à eux d'aller chercher plus d'informations s'ils le souhaite.

• Du coup, comme tu l'as laissé entendre, The Regiment n'est pas une BD historique ! Moralité, comment fait-on pour créer une BD basée sur l'histoire sans tomber dans le genre historique ? Organises-tu tes recherches d'une manière bien précise, par exemple ?

En fait, je réfute le terme BD Historique quand on peut l'apparenter à ta propre expression de "BD Manuel" (que je trouve très juste par ailleurs). Par contre, je ne sais pas s'il y a vraiment un "genre historique", on trouve du polar historique, du récit d'aventures historiques etc. The Regiment, c'est un récit d'aventures avant tout. Les Allemands par exemple, sont particulièrement absents du tome 1, le premier ennemi du SAS étant alors le désert et leur propre hiérarchie.

De même, je n'oriente pas mes recherches, je lis le plus possible et je retiens surtout ce qui m'arrange le plus, ou éclaire au mieux mon point de vue sur le sujet traité. Et comme je l'ai dit plus haut, ce qui m'interéssait le plus dans The Regiment, c'était l'histoire des trois fondateurs, la mise en place de l'unité et le côté presque "survie" de leurs premières missions. Il y avait facilement une centaine d'anecdotes possibles sur les début du SAS, j'ai choisi celles qui éclairaient le mieux mon propos. De toute manière, les biographies anglaises sur le SAS feront toujours mieux que moi, alors autant prendre un point de vue particulier, donner une identité spéciale à cette série, à notre manière (à Thomas et moi) et selon nos envies.

Par contre, sur la couverture, il y a inscrit, "une histoire vraie du SAS", car, en effet, je n'invente (quasiment) rien. J'interprète certains éléments, en pousse d'autres, mais je n'invente aucune mission ou aucune date. D'ailleurs, plus une anecdote peut sembler farfelue ou invraisembable, plus elle a de chances d'être à 100% authentique.

C'est d'ailleurs l'avantage de l'Histoire sur la fiction, l'Histoire ou la réalité se contrefiche d'être crédible.

• Si on te retrouvera bientôt avec Ronan Toulhoat, cet album a été dessiné par Thomas Legrain. Est-ce qu'il est difficile de changer de dessinateur quand on est scénariste ? Qu'est-ce que tu peux nous dire là-dessus ?

Je ne sais pas s'il est vraiment difficile de changer de dessinateur, mais en tout cas, il fut très difficile de m'adapter à un autre dessinateur que Ronan ! Ma relation avec Ronan va plus loin que la BD. Nous sommes des amis très proches, très liés, nous partageons les mêmes envies et les mêmes univers. Notre manière de travailler a très peu d'équivalents dans la BD et c'est, je pense, une de nos principales forces.

Forcément, Thomas partait avec un désavantage cruel !

En réalité, les premières planches ont nécessité un petit temps d'adaptation, pour m'approprier le style de Thomas, sa manière de mettre en scène, ses tics (sans aucun sens péjoratif), etc.

Ma méthode de travail par contre, est toute simple : laisser le dessinateur le plus peinard possible ! Mon découpage est adaptable, ajustable, tant que ça respecte le message, l'impact ou le but d'une scène. Mon découpage n'est qu'une étape, le storyboard une autre, seule la planche finale compte.

Par ailleurs, je ne relis jamais (à quelques exceptions près) mon découpage quand je reçois le storyboard, mais je pars tout simplement de ce dernier pour l'améliorer le plus possible quand c'est nécessaire. C'est d'ailleurs ce moment d'échange avec le dessinateur qui est le plus intéressant dans ce métier !

Je pars du principe qu'une scène sera toujours plus efficace et compréhensible quand le dessinateur l'a bien comprise et qu'il se sent à l'aise dans sa manière de la retranscrire. Et puis soyons honnêtes, je passe bien moins de temps sur une planche qu'un dessinateur, si l'un de nous d'eux doit s'amuser en priorité, c'est bien le dessinateur !

• Je vois que The Regiment est sous-tiré Livre 1 ! On peut s'attendre à combien d'albums ? Retraceront-ils l'histoire "moderne" du S.A.S ?

Pour l'instant, la série The Regiment est prévue en trois tomes uniquement (mais peut-être beaucoup plus si affinités). Par contre, de par la construction même de mes histoires, avant tout centré sur les trois fondateurs de l'unité, ces albums traiteront uniquement de l'aventure africaine du SAS, donc jusqu'en 1943.

En cas de nouvelle trilogie ou autre, nous aurons déjà largement de quoi dire sur les autres théâtres de la seconde guerre mondiale (Italie, France, Pays-Bas), avant cette histoire "moderne". De plus, cette histoire "moderne" contient une composante politique (notamment en Irlande) qui implique un autre type d'histoire, plus polémique. Et pour l'instant, ce n'est pas l'ambiance que nous souhaitons apporter.

• Petite question bonus : aurais-tu envie de traiter un jour l'histoire d'un autre régiment ou d'une unité anti-terroriste ?

Il ne faut jamais dire jamais. Cependant, ce n'est absolument pas une envie pour le moment. Raconter l'histoire du SAS me suffit amplement. De plus, j'ai l'impression, peut-être à tort, que les histoires de ses unités spéciales se valent un peu, avec quelques variantes nationales ou de théâtres d'opérations.

• Merci Vincent ! 

Voilà pour notre dernière rencontre en date avec Vincent Brugeas. On le retrouvera très bientôt à l'occasion de quelques grosses sorties qui devraient vous plaire, et en attendant, si l'histoire du SAS vous intrigue, on vous recommande chaudement de jeter un œil au premier tome de The Regiment, déjà disponible en librairie aux éditions Le Lombard !

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