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par Sullivan - le 26/10/2015
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par Sullivan - le 26/10/2015

Saga - Tome 5, la critique qui accélère le rythme

Culte depuis la sortie de son tout premier numéro en V.O il y a quelques années maintenant, Saga n'en finit plus de conquérir du public et de s'installer comme l'une des meilleures ventes du petit marché français des Comics, ce qui a tendance à nous faire très plaisir au sein de la rédaction. Preuve qu'Image Comics est définitivement un épiphénomène aussi rare que précieux avec sa propension à laisser ses artistes travailler selon leur propre volonté, peu importe la durée, Saga en est aujourd'hui à son cinquième tome en V.F, toujours édité avec soin par Urban Comics

Maître à bord d'une histoire qui durera "aussi longtemps qu'il le faudra", Brian K. Vaughan est depuis quelques temps maintenant reconnu comme l'un des auteurs les plus précieux de l'industrie, à mi-chemin entre l'érudition d'un Neil Gaiman et son sens inné du spectacle, en passant par des dialogues cinglants et  sa faculté à livrer une histoire colossale au travers le prisme de personnages plus humains et épais que jamais (c'est réellement un trait que l'on retrouve dans la quasi-totalité de sa bibliographie et de ses travaux à la TV). 

Mieux, le scénariste chauve se trouve depuis quelques temps une passion pour l'exploitation (littérale) du média, et Saga - Tome 5 incarne parfaitement cette volonté de passer le 4ème mur à travers son histoire et sans trop en faire, à l'image de cette langue extra-terrestre qui est imprimée zoomée et avec opacité, pour signifier l'écho naturel dans la voix de cette race. C'est tout bête, mais il fallait y penser, en plus du fait que cela nous amène à de vraies considérations de lettrage, là où beaucoup prétendent que le lettrage numérique (presque obligatoire dans l'industrie des Comics pour des questions de sorties répétées) constitue une trahison à la Bande Dessinée en soi. Ajoutez à ça la langue des bleus (qui est là aussi littéralement retranscrite en bleu dans la série), l'importance toujours plus grande prise par la narratrice de l'histoire (voir l'image ci-dessus) et vous obtenez un auteur pour le moins à l'aise avec l'ensemble des particularités de son média. 

Mais parce que ces bonnes idées et autres détails sont véritablement cosmétiques pour l'auteur, qui préfère raconter que parader, Vaughan va faire de ce cinquième volume la convergence de ses réflexions et des différents chemins arpentés par nos héros, depuis un moment dispersés et amenés à se retrouver. Mais avant de faire voler son histoire en éclats pour mieux nous rappeler qui est le patron avec un dernier tiers de volume tout bonnement ahurissant (et je pèse mes mots) en plus d'être hilarant, l'auteur va introduire ce Tome 5 par deux chapitres qui tournent autour de la guerre, sa signification et ses impondérables conséquences. Son origine, ses intérêts, ses victimes, tout est traité avec une finesse sans pareil, une idée (pesante) par case, dans un enchaînement aussi jouissif qu'alarmant. Je vous ai d'ailleurs glissé l'une des planches les plus marquantes de ce tome en galerie, que vous voyiez clairement de quoi je parle.

Et ce n'est pas fini, puisque je pourrais aussi vous parler pendant des heures du traitement des personnages féminins, plus réalistes que dans la plupart des oeuvres qui font de ce sujet le coeur de leur réflexion. Véritables héroïnes du quotidien, toutes les protagonistes de Saga sonnent plus vraies que natures, elles qui ne se posent pas en parangon de leur situation, mais en personnages qui évoluent au coeur d'une histoire. La meilleure façon de traiter l'insondable et infinie beauté des femmes de mon point de vue, là aussi un sujet qui accompagne la totalité de la carrière de Brian K. Vaughan. Enfin, notons aussi la profonde réflexion sur la parentalité et le rôle de père de Marko, l'auteur exorcisant ses propres questionnements au coeur de sa série, depuis ses débuts et la naissance de ses enfants. 

Du côté du dessin, Fiona Staples brille une fois de plus, même si on pourra noter une toute petite baisse de forme sur deux chapitres, qui correspondent à des numéros qui avaient été repoussés en Version Originale, sûrement à cause d'un agenda un peu chargé pour l'artiste. Notons tout de même l'explosion d'imaginaire presque à chaque page, en plus des nombreux clins d'oeils à des oeuvres cultes, Star Wars entre autres. 

De plus, ce n'est pas un véritable argument, mais c'est elle qui dessine Ghüs, qui est et restera sûrement l'un des personnages les plus adorables des Comics de ces dix dernières années. 

Véritable tournant pour Saga, ce cinquième tome est un modèle d'excellence, qui ne pêche presque en aucun point, à l'exception peut-être de la toute petite baisse de forme de Fiona Staples. Brian K. Vaughan y est plus intelligent, riche et concis que jamais, et nous rappelle que c'est lui qui décide du rythme d'une série que l'on voit durer de longues années encore. Un immanquable absolu, comme les quatre tomes qui le précèdent. 

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