Selon Aristote, la catharsis est une purification émotionnelle produite par la représentation artistique. En psychanalyse, c'est le fait de se remémorer un évènement traumatique, de l'affronter et de le dépasser. Entre art et psychanalyse intime, Luz livre sa Catharsis, un carnet de reconstruction beau et touchant.
Thérapie d'encre.
Tout commence le jour même des attentats, quand, interrogé au commissariat, Luz se met à dessiner frénétiquement des petites personnages aux yeux exhorbités. Pendant les mois qui ont suivi, ils dessinent des strips qui nous racontent entre les lignes l'histoire d'un deuil. Des moments doux, beaux et érotiques avec celle qu'il aime, qui lui permettent de tenir le coup, des strips plein d'humour noir qui mettent en scène les évènements, de courts récits qui racontent avec malice et autodérision les douleurs qui l'animent, de sa boule au ventre à sa main droite qui reste désespérément fermée. Il y a aussi le quotidien qui reprend, un peu différent, avec une garde rapprochée qui l'empêche de tout. Et puis la douleur, sourde ou violente, qui débarque un peu n'importe quand, le clouant à terre, qu'il met en image comme des hallucinations douloureuses, violentes et belles en même temps. Jeux graphiques qui donne une image puissante aux émotions qui le traversent.
Luz nous convie dans son intimité, par petites touches, avec pudeur. C'est comme lire un journal de bord, qui dit entre les lignes les états par lequel l'homme derrière le dessinateur passe, jour après jour, minute après minute. Réflexions mélancoliques, tantôt sérieuses ou incisives. Regard plein d'humanité même sur la cruauté de ce monde, et son absurdité. Les petits bonhommes aux yeux exhorbités nous interrogent aussi du regard, nous contemplent.
Luz ne revient pas vraiment sur les évènements. A quoi bon, les journaux l'ont bien assez fait. Et puis lui a vécu les choses de l'intérieur, ce sont ses amis qui sont partis, ça n'a rien à voir avec nous. Catharsis, ce sont les notes sincères et touchantes d'un homme qui a perdu beaucoup de ceux qu'il aimait en un claquement de doigts, dans des circonstances très violentes. C'est l'histoire de la vie qui continue, même si maintenant elle boite un peu.
C'est un récit souvent bouleversant, parfois drôle, qui raconte avec beaucoup de vérité ce qu'est la douleur du deuil, traitresse, qui semble parfois s'éloigner pour mieux revenir. C'est aussi une narration graphique libre et poétique, qui dit ce que les mots ne disent pas, un trait qui se fait parfois viscéral, directement relié aux émotions de son auteur.
Catharsis ne raconte pas les attentats, n'est pas une réflexion sur ces évènements. C'est une thérapie de papier, les émotions changeantes, les pensées et les images qui traversent un homme abimé par un drame à la violence invraisemblable. Un journal de bord de l'après, pudique et vacillant, lumineux malgré les ténèbres.