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Critiques
par Baptiste Gilbert - le 6/11/2023
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par Baptiste Gilbert - le 6/11/2023

Clear, enquête sous un filtre de réalité

En mélangeant la SF d’anticipation et les codes des films noirs, Scott Snyder et Francis Manapul livrent une enquête désabusée, joliment illustrée et extrêmement prenante.

Un détective blasé qui se bat avec les traumatismes de son passé, et observe avec cynisme la société moderne. Un assassinat déguisé en suicide, derrière lequel se cache une machination touchant les hautes sphères politiques et économiques. Flashbacks, voix off omniprésente, personnages archétypaux… Non vous n’êtes pas dans un film noir de l’âge d’or hollywoodien, mais bien dans un album de science-fiction de Scott Snyder.

Avec Clear, le scénariste d’American Vampire et de nombreuses histoires de Batman dont Sombre reflet et La Cour des hiboux s’en donne à coeur joie pour mélanger d’un côté les codes du film noir (ou de son équivalent littéraire le roman noir), et de l’autre ceux de la science-fiction d’anticipation tirant vers le cyberpunk, avec son lot de corporations multinationales surpuissantes et de dérives technologiques.

Futur et passé

Le concept de base est original : pour échapper à la société dystopique dans laquelle ils vivent, les humains ont adopté une technologie directement implantée dans leurs cerveaux, leur permettant d’apposer des “voiles”, des filtres modifiant la manière dont ils voient la réalité. Une manière de rendre invisible ce qui nous déplaît, d’oublier l’horreur du monde, ou simplement de l’embellir selon nos goûts esthétiques. De manière amusante, on peut appliquer ce concept de “voile” à l’œuvre elle-même, les auteurs ayant eux aussi apposé des filtres correspondant à un certain genre de fiction sur leur univers.

© Clear, Scott Snyder & Francis Manapul, Delcourt

Au vu des évolutions technologiques récentes en termes de réalité augmentée, l’idée résonne également avec notre propre actualité. En ce qui nous concerne, ces innovations sont encore à la marge, et nous n’en sommes pas à l’implantation directe dans le cerveau (on se limite pour l’instant à des lunettes ou à des casques). Mais pour combien de temps ?

Côté dessin, Francis Manapul adopte une jolie palette de couleurs à l’effet néon, qui fonctionne particulièrement bien sur ses fonds de page noirs. Les filtres de réalité lui donnent l’occasion de s’amuser en adoptant différents styles de dessin, ponctués de références à d’autres œuvres. On regrette simplement que ces passages soient un peu trop rares.

Dans sa première partie, l’œuvre atteint ses limites en collant un peu trop aux codes et aux archétypes très établis des genres qu’elle mélange, aussi bien narrativement que visuellement. Vers la fin, elle évolue toutefois vers quelque chose de plus innovant, en poussant plus loin son concept technologique et en apportant des rebondissements bien sentis. Au final, une enquête prenante et très bien exécutée au sein d’un univers original.

Clear plaira autant aux amateurs de films/romans noirs qu’aux fans de SF d’anticipation et de cyberpunk. Cet album one-shot constitue une lecture tout ce qu’il y a de plus efficace, bien construite et agréable à l’œil, avec un propos intéressant sur la perception de la réalité.

Clear de Scott Snyder & Francis Manapul, Delcourt


© Scott Snyder / Francis Manapul /Delcourt

© Clear, Scott Snyder & Francis Manapul, Delcourt
© Clear, Scott Snyder & Francis Manapul, Delcourt
© Clear, Scott Snyder & Francis Manapul, Delcourt
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