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par Elsa - le 18/01/2018
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par Elsa - le 18/01/2018

Essence, la critique

Futuropolis commence l'année très fort avec le surprenant Essence.

'Je vais me réveiller c'est ça ?'

Achille est au purgatoire. Mais pas n'importe lequel : le purgatoire des pilotes. La passion des automobiles a dévoré sa vie. Il va devoir recomposer le puzzle de ses derniers jours sur Terre s'il veut quitter cet endroit. Au volant d'une Ford Mustang blanche, son ange gardien assise à la place du mort et qui l'aiguille dans la bonne direction, il roule, fait quelques rencontres et doit régulièrement trouver de l'essence pour continuer le voyage. 

Mais comment aurait-il pu mourir en Porsche alors que son truc à lui ce sont les italiennes ? Ça, ça n'a vraiment aucun sens.

'...'

Fred Bernard et Benjamin Flao s'associent et entremêlent leurs univers pour ce titre atypique et intensément maitrisé.

Il y a d'abord ces images sublimes, ces pleines pages (la bande dessinée est carrée) comme des rêves éveillés. Des instantanés d'un monde paisible et halluciné, grandiose mais fait de bric-à-brac. Le trait vibrant de Benjamin Flao file sur les planches, mue et s'inspire parfois d'autres techniques, d'autres traits. Achille aimait la course automobile et la bande dessinée. Son purgatoire est rempli de belles bagnoles mais se dessine aussi sous les traits des bd qu'il a aimé. Le résultat est pourtant très fluide, et les variations du trait appuient finalement encore l'ambiance étrange sans jamais nous sortir de notre lecture. Pendant qu'Achille avance sans tout comprendre, se perd dès qu'il s'écarte de la route, on profite avec délectation du voyage. Les couleurs sont elles aussi superbes et posent sur cet univers une poésie où les nuits violettes laissent place à une lumière blanche des jours où le soleil est écrasant. D'Hergé à Moebius, le lecteur fait lui aussi des rencontres, sans jamais pourtant perdre l'intensité du dessin de Benjamin Flao.

Le récit, signé Fred Bernard, est particulièrement maitrisé. Là encore, on oscille entre l'hommage au franco-belge classique (ainsi qu'au cinéma) et une histoire éthérée, qui nous surprend au détour de chaque page, prend des directions que l'on ne peut anticiper. On fait la connaissance d'Achille très tranquillement, lui-même rencontre nombre de personnages étranges sur son chemin, et peu à peu, une relation particulière se tisse entre lui et son ange gardien. On s'attache assez peu à ce héros flegmatique, mais on profite d'autant plus du reste. Mais quand il arrête de nier l'évidence et commence à se replonger dans ses souvenirs, à regarder sa vie en prenant du recul, ses choix, ses erreurs aussi, comprendre ce qui l'a mené là, le rêve devient enquête, le paisible road movie vire à la course poursuite.

Essence est un récit prenant autant que surprenant, qui se savoure comme un voyage un rien halluciné. Hommage aux classiques du franco-belge et du cinéma français, cette bande dessinée s'amuse à entremêler ses références pour nous perdre et nous ravir. Et puis il y a surtout le dessin magnifique, les couleurs, la réflexion sur la mort et ce que l'on fait de sa vie, l'humour, le désespoir, et ce récit en perpétuelle mutation qui parvient à prendre son temps pour se dérouler sans pourtant nous laisser de répit. Un vrai coup de maitre.

Essence est une bande dessinée atypique qui s'amuse avec brio des codes du genre. Une pause, un entre-deux, road movie et course poursuite, dialogue et introspection. Un régal.

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