Illustration de l'article
Critiques
par Thomas Mourier - le 16/02/2023
Partager :
par Thomas Mourier - le 16/02/2023

HOOPS, jetez-vous dans le vortex graphique de Genie Espinosa

Pour sa première bande dessinée, après un art-book de David López, la jeune maison d’édition Seidkona Press frappe fort avec HOOPS, la BD hors-norme de l’artiste barcelonaise dont vous avez peut-être déjà croisé le travail dans la presse.

Portrait de l’autrice sur Ulule

Graphiste reconvertie dans l’illustration, on n’avait pas raté ses couvertures de Topo, de Riposte Magazine ou ses illus en ligne chez Brain Magazine. Mais en parallèle de ce travail d’illustratrice de presse, Genie Espinosa est aussi character designer chez Dreamworks, et elle se lance dans la bande dessinée à travers les fanzines RARAS et MUY RARAS avant de publier son premier album HOOPS en 2021.

C’est cet album que les éditions Seidkona Press vous proposent d’acquérir via une campagne ulule en ce moment, avec une édition classique, une collector avec une couverture variante de Sole Otero, la lauréate du Fauve d’Angoulême – Prix du Public cette année, et d’autres surprises comme des prints de Xulia Vicente et Clémence Gouy. Et franchement ce serait dommage de passer à côté, on vous en dit un peu plus après notre lecture. 

Un trou de ver entre Einstein-Rosen, Alice au pays des merveilles et L’Histoire sans fin ? 

On découvre dans HOOPS, une science-fiction poétique qui s’intéresse aux relations humaines et à la vie de quartier, avec en toile de fond trous de vers, monstres géants et pouvoirs loufoques. 

Dans une banlieue, trois amies s’ennuient au lycée et se retrouvent régulièrement pour fumer de l’herbe dans une salle de classe abandonnée. On découvre leur quotidien plan-plan dans ce monde où les hommes ont disparu de la planète, leurs rencontres et leurs personnalités. Mais ce matin-là, l’une d’elles, Pippa, va tomber dans un trou hors du temps et de l’espace, vite rejoint par Gor et Kubo.

Le trou de vers façon Einstein-Rosen, reprend la théorie d’Albert Einstein et son collaborateur Nathan Rosen sur les ponts entre « deux feuillets d’espace-temps » et les pliures possibles de l’univers. Une théorie jamais nommée, mais matérialisée par de petits vers dessinés ici de manière très « pop » qui plongent entre les différents chapitres. 

On passe alors des pages façon tranche de vie avec un trait bleu épais en guise de noir à un monde fantastique chamarré qui joue aussi bien sur les couleurs que les textures. Les deux mondes s’illustrent comme deux langages différents, dans les compositions, le rythme et la couleur qui permettent à l’illustratrice de déployer toute l’étendue de son talent. 

Cette plongée dans un monde fantastique évoque le voyage d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, ou peut-être plutôt celui de Bastien qui bascule dans Fantasia dans la saga de L’Histoire sans fin, car cet « autre monde » dans HOOPS va matérialiser sous forme d’épreuves une métaphore de leurs problèmes réels. Chaque combat pour les jeunes filles sera aussi une fenêtre sur leurs problèmes, sur leur amitié et leur manière d’avancer. 

Couverture variante de Sole Otero

À travers cette quête fantastique, Genie Espinosa met en scène des personnages forts et des situations qui lui permettent de parler de solitude, de trouver sa place, de différences, mais aussi d’amitié et de confiance. Ce jeu du fantastique qui matérialise des problèmes bien réels à travers des mille-pattes géants, des oiseaux tueurs ou des ogres permet à l’autrice de parler du passage à l’âge adulte, des problèmes qu’on ne peut pas forcément affronter seul et du sentiment particulier d’avoir trouvé un groupe, une famille choisie.

Pour se faire, l’autrice imagine un monde sans homme, mais pas façon Y le dernier homme ou façon SF-thriller, mais plutôt du point de vue de ces trois ados qui n’y pensent pas forcément. Une donnée qui n’apparaît pas dans leur champ de vision parce qu’elles ont d’autres problèmes et préoccupations pour le moment, une manière habile d’explorer cette idée sans en faire le sujet. 

Un monde en mouvement, de la couleur et du son

Mais si vous jetez un œil aux extraits sur la page Ulule ou si vous avez déjà croisé son travail sur le net, c’est son style qui attire et intrigue immédiatement. Son trait joue sur les perspectives inhabituelles ou les angles décalés qui donnent une impression de vitesse et un côté pop seventies. Elle détonne aussi dans son utilisation de références propres aux mangas, dans son découpage ou dans le rythme des combats, et l’ensemble donne un côté très vivant. 

© Genie Espinosa

Les couleurs, qui viennent percuter la narration, permettent à la dessinatrice de sortir du cadre de la planche, de tester et de nous entraîner dans son monde délirant. Un jeu de techniques, de formes et de couleurs qui prend une dimension narrative intrigante. 

Et en parlant de dimension, Genie Espinosa ajoute une dernière couche, celle de la musique, où les paroles des chansons des Doors ou de Jefferson Airplane viennent accompagner, infiltrer même, la lecture. Les paroles sont intégrées aux planches et participent au récit, aussi on vous conseille fortement une seconde lecture avec cette playlist.

Impossible d’en dire plus sans passer aux spoilers, mais on espère que ces pistes de lecture auront aiguisé votre curiosité pour aller faire un tour sur la page Ulule du projet et soutenir le financement de ce chouette album, proposé en format souple avec 180 pages pour 20€.


Tous les visuels sont © Genie Espinosa / Seidkona Press
Et Sole Otero / Seidkona Press pour sa couverture

© Genie Espinosa / Seidkona Press
© Genie Espinosa / Seidkona Press
© Genie Espinosa / Seidkona Press
© Genie Espinosa / Seidkona Press
Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail