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par Elsa - le 15/04/2014
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par Elsa - le 15/04/2014

La Nueve, la critique

Paco Roca avait déjà eu l'occasion de prouver toute sa sensibilité dans le passé, notamment avec Rides, réédité sous le titre La tête en l'air, bd pleine de subtilité sur la maladie d'Alzheimer, et plus largement sur la vieillesse.

Avec La Nueve, il nous raconte une partie de notre Histoire occultée des mémoires, et des manuels scolaires : la libération de Paris par les républicains espagnols.

Miguel Ruiz, héros de guerre.

Paco Roca souhaite écrire quelque chose sur les espagnols qui ont combattu le fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale. Les recherches d'un de ses amis historiens l'amènent à rencontrer Miguel Ruiz, un petit vieux d'origine espagnole qui vit dans un petit village français.

Mais Miguel n'a pas très envie de lui parler, il a laissé son passé, ses souvenirs, loin derrière lui... Ou peut-être pas autant qu'il ne le dit. Au fil des pages, des heures et des jours, Miguel s'ouvre à Paco, reprend avec lui le fil de sa vie, de son départ difficile, déchirant, d'Espagne, à ce jour d'août 1944 où les premiers soldats à entrer dans Paris furent des exilés républicains espagnols. Quelques années dans la vie d'un homme, difficiles, incertaines, violentes.

Une confession précieuse.

C'est un superbe cadeau que fait Miguel Ruiz à Paco Roca en se confiant ainsi à lui. Tant d'éléments douloureux, d'images dures, qu'il affronte à nouveau face à cet auteur qu'il ne connait pas. C'est aussi un présent qu'il nous fait, en acceptant que son histoire nous soit racontée. Car si elle est récit individuel, personnel, c'est aussi un témoignage nécessaire sur une autre facette, moins connue, de la Seconde Guerre mondiale. C'est la libération vécue de l'intérieur par des hommes qui ont quitté leur pays dans l'espoir d'une vie meilleure, et qui n'ont connu que la souffrance et la mort pendant les cinq ans qui ont suivi, et bien plus encore. Ce genre de cicatrice ne se referme jamais, et ça n'est pas comme si la vie était tout à coup devenue facile pour eux ensuite...

Ce cadeau, l'auteur lui rend le plus beau des hommages en livrant une bande dessinée particulièrement réussie. Parfaitement écrite, le récit mêle les entretiens réalisés aujourd'hui entre Miguel et Paco, et les souvenirs mis en scènes. La construction est intelligente, prenante. On ne peut pas lâcher la bd, même quand on n'est pas particulièrement amateur de récit historique. Des moments violents, émouvants, d'actions, de calme, et même quelques sourires, s'enchainent d'une manière naturelle. La vie n'est-elle pas ainsi ?

La simplicité élégante du trait du dessinateur sert parfaitement son propos. Jamais il n'enjolive la réalité, mais c'est surtout l'homme, les hommes, qui occupent les pages. Les émotions, les doutes, la peur, le découragement, les moments plus légers, plus simples. Mais aussi les blessures, les fêlures. L'auteur parvient avec beaucoup de finesse à retranscrire tout cela, et nous fait vivre la guerre et son horreur par l'intime. Une expérience marquante et bouleversante. Il y a une certaine pudeur, beaucoup de tendresse, de respect, dans chaque case.

La Nueve est un témoignage important, nécessaire, qui nous éclaire sur des éléments méconnus de la Seconde Guerre Mondiale. Mais loin de s'arrêter là, c'est une bande dessinée bien écrite, très bien construite, pleine d'émotion, d'humanité. Le destin hors norme d'un héros de guerre qui s'ignore, dont personne, d'ailleurs, ne connait le passé. L'intime et le collectif, le violent et le bouleversant. Une œuvre qui marque, bien après avoir refermé la dernière page...

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