Sylvain Savoia, le dessinateur de Marzi, a un jour croisé la route de Max Guérout, officier de marine et archéologue. De cette rencontre est née une invitation, celle de l'accompagner sur l'île de Tromelin.
Une île, deux histoires.

En 1761, un navire de la compagnie des Indes faisait naufrage sur ce petit bout de terre de l'Océan Indien. À son bord, l'équipage, mais aussi des esclaves. Ce n'est que 15 ans plus tard que les derniers survivants seront secourus.
Dans cette bande dessinée aussi originale que passionnante, Sylvain Savoia mêle habilement récit inspiré par cet épisode de l'Histoire méconnu et tragique et journal de bord d'une mission archéologique.
Courage et effervescence.

Les planches vont donc d'un récit à l'autre, nous racontant ce drame par petite touche pendant que l'auteur fait connaissance avec les lieux, les gens, et que les recherches avancent. Si au départ ce choix est un peu déstabilisant, voir frustrant, puisqu'on est coupé dans l'évolution de chaque histoire, cette narration devient encore plus fascinante. On découvre l'île dans son passé et dans son présent, et on s'attache encore plus aux deux histoires parallèles qui s'y déroulent. C'est un fait, chaque lieu que l'on traverse a connu et connaitra bien d'autres histoires avant et après nous (c'est d'ailleurs le sujet de l'excellent Ici de Richard Mc Guire). Cet ilôt inhospitalier en a vécu une forte et difficile il y a près de 250 ans, que nous raconte l'auteur en l'imaginant à partir de ce qu'il voit et ressent des lieux aujourd'hui.
Riche d'une documentation importante et de beaucoup d'émotion, cette bd nous fait découvrir ces quinze ans de drames à répétition vécus par ces hommes et ces femmes arrachés à leur vie pour croupir sur une île déserte. En parallèle, on en apprend beaucoup sur le quotidien d'une mission archéologique qui, de plus, prend place dans un lieu quasiment coupé du reste du monde.
Graphiquement, les deux histoires ont des traitements différents, entre bd réaliste et carnet. L'ensemble est pourtant aussi fluide que cohérent, et nous immerge l'un comme l'autre dans ce qui nous est raconté. Le dessinateur s'attache à rendre méticuleusement les lieux, les navires, la nature, pourtant l'émotion est partout, dans le courage confronté aux désespoirs des esclaves, comme dans l'effervescence mêlé ede torpeur des archéologues qui travaillent avec passion sous un soleil de plomb. Le résultat est particulièrement fort, servi par une colorisation réussie.

Les esclaves oubliés de Tromelin est une bande dessinée belle, passionnante et poignante. Un bel hommage à ces hommes et ses femmes qui ont lutté contre un destin funeste, et le récit d'une expérience hors du commun.






