Monsieur Lévine est la première bande dessinée publiée en France pour Javier Cosnava et Toni Carbos, auteurs primés à de nombreuses reprises en Espagne.
Zelig.

Un agent de sécurité demande à Monsieur Lévine de quitter l'hôpital, alors qu'il sort de son rdv avec son médecin, un individu dangereux circulerait dans l'établissement. Ça n'est que le cadet des soucis de notre héros, à qui le Docteur Richard vient d'annoncer qu'il ne lui restait plus que peu de temps à vivre à cause de sa tumeur au cerveau.
En arrivant chez lui, il trouve la lettre d'un amour de jeunesse, qui lui propose de venir finir ses jours à ses côtés. Paumé, en proie à des visions effrayantes, et voyant sa mémoire se diluer un peu plus à chaque instant, Jules Lévine prépare sa valise en toute hâte pour partir la rejoindre. Tout pourrait être simple, mais voilà que son médecin et l'homme au comportement suspect qui avait provoqué l'évacuation de l'hôpital viennent le voir pour l'empêcher de partir.
Noirs mensonges.

C'est ainsi que démarre cet étrange polar, avec un héros qui, au fil des pages, ne sait plus vraiment qui il est, tout en étant constamment confronté à des souvenirs violents de son passé de soldat. On réalise petit à petit que tout le monde dans cette bande dessinée ment, reste à comprendre pourquoi. D'indice en indice, de dialogues en dialogues, les auteurs nous laissent reconstituer la vérité alors même que le héros lui-même ne la connait plus.
Le dessin est tout en noir et blanc, réalisé à la mine de plomb. Le trait est rond et doux, et les personnages charismatiques et expressifs. Tout, du look à la gestuelle, en passant par les décors, les plans, et bien entendu à travers ce choix du noir et blanc, évoque les thrillers des années quarante, Hitchcock en tête évidemment. Le comique de situation, omniprésent, s'entremêle au drame. L'absurde masque la réalité et ses mensonges, mais les auteurs n'en oublient pas pour autant d'évoquer des problèmes de société, entre cicatrices liées à la violence de la guerre, crise économique, souffrances psychologiques des uns et des autres, notamment Charlotte, la femme que Jules part rejoindre, qui subit chaque jour le mépris et le dégoût de son patron à cause de son obésité.
On pourra regretter que l'accumulation de mensonges et de non-dits, nécessaires à l'histoire mais qui empêchent beaucoup de dialogues, et le rythme très rapide et soutenu du récit, empêchent parfois les auteurs de vraiment plonger en profondeur dans leur histoire, provoquant un petit manque de densité. On aurait aimé prendre le temps de mieux connaitre et comprendre les personnages, pour mieux ressentir les drames qui les ont amené ici. Certains passages sont également un peu rapides et manquent de naturel. Cependant ce Monsieur Lévine n'en reste pas moins un polar bien construit et prenant.

Monsieur Lévine est un bel hommage aux thrillers des années quarante. Cette bd évoque entre les lignes de nombreux problèmes de société, et nous réserve dans le même temps quelques surprises grâce à une construction maitrisée. On pourra regretter un petit manque de densité mais cette bande dessinée est un polar plaisant à lire, graphiquement très réussi.






