Avant-propos : n'ayant jamais lu de Ric Hochet avant celui-ci, cette chronique sera l'avis d'une néophyte en la matière.
Encore lui ?!

Zidrou semble partout ces dernières années, avec un rythme de parution impressionnant, chez différents éditeurs, et dans des genres très éloignés les uns des autres. Pourtant, il faut bien dire que s'il ne s'accorde pas de répit, il ne s'accorde pas plus la facilité, en abordant des thèmes très difficiles comme le suicide infantile, la folie, le quotidien pour des enfants à l'hôpital, le handicap mental et bientôt l'amour incestueux dans L'Indivision, qui paraitra fin août chez Futuropolis.
Pourtant, non content de faire rire ses plus jeunes lecteurs (on parle quand même du papa de Ducobu et de Tamara) et de bouleverser les grands avec ses histoires plus sombres, voilà qu'il s'attaque aussi aux classiques du franco-belge, en reprenant la série Ric Hochet. On sait tristement que, souvent, les reprises de séries classiques donnent lieux à des récits sans âme... Qu'en est-il ici ?
Tuer le héros...
Ric Hochet rentre chez lui, et y trouve un de ses vieux ennemis : le Caméléon. Ce dernier, bien décidé à se venger, a mis au point diabolique : descendre Ric, et prendre sa place ! Un vol d'identité, ni plus ni moins. Mais tout ne va pas être simple : le commissaire Bourdon se marie, et Ric est évidemment invité. Le Caméléon va donc devoir faire illusion devant des personnes qui connaissent très bien celui qu'il prétend être...
...pour mieux le ressuciter.

Autant le dire dès à présent : Zidrou semble avoir trouvé la recette parfaite pour reprendre et s'approprier un classique. Ce nouveau Ric Hochet parvient en 54 pages à introduire l'univers de la série aux nouveaux lecteurs, avec une présentation intelligente des personnages, à créer une continuité en faisant références à différentes aventures passées de Ric, à reprendre les codes, la narration et le langage d'une bande dessinée franco-belge classique, tout en s'en moquant gentiment, notamment de son héros en lui-même, presque trop propret pour être honnête. En cela, le scénariste parvient à livrer un bel hommage à l'oeuvre de Tibet et Duchâteau tout en lui apportant un petit vent de modernité pas désagréable. On reconnaitra d'ailleurs dans les textes le talent de l'auteur pour nous offrir des dialogues qui font mouche, drôles et plein d'esprit.
Le choix de cette intrigue pour un tome 1 est osée et malicieuse. Le duo d'auteurs 'tue' lui aussi, symboliquement, le vieux Ric en le remplaçant par un nouveau... Ou pas ?
Malgré tous ces éléments narratifs, cette bande dessinée est aussi une aventure, qui plonge dès les premières pages notre héros dans le pire des pétrins. Forcément bavard pour nous donner toutes les informations dont on a besoin, et pour introduire cette suite sous forme de tome 1, l'ensemble reste parfaitement fluide, et surtout bien rythmé et riche en rebondissements. On reste dans un récit d'aventure très classique, presque un peu désuet pour un lecteur habitué à des récits contemporains, mais qui offre justement le charme des classiques de l'époque, avec une pointe de second degré. L'ensemble est prenant, drôle et bien mené.
Mais le résultat ne serait pas là sans un dessinateur qui sache insuffler le même cocktail aux planches, et Simon Van Liemt s'en sort avec brio. Son dessin, fin, maitrisé, et la colorisation signée François Cerminaro, reprennent tous les codes de la bande dessinée des années 60/70, Ric Hochet en tête bien entendu, jusque dans les cadrages, la mise en scène. Pour autant, le dessinateur et le coloriste parviennent à y apporter la juste dose de modernité pour qu'un lectorat peu attiré par les bd anciennes s'y retrouvent. Les planches sont rétro et agréable à l'oeil.

Coup d'essai réussi, donc, pour Zidrou et Van Liemt, qui choisissent de conserver toute l'âme de la série originelle, en introduisant la modernité et leur propre patte sur l'oeuvre par petites touches, se mettant réellement au service d'un classique du franco-belge plutôt que de chercher à totalement le renouveler. Un polar à l'ancienne, juste assez malicieux pour séduire les sceptiques.





