Devant un commissariat, une bande de gamins s’active : ils ont décidé de piéger les policiers, la « pide », avec le bon vieux truc de la crotte de chien dans un papier journal enflammé. Mais la blague tourne mal, et l’un des mômes est embarqué par les flics. Fernando Pais, oisif médecin, a assisté a toute la scène : il est venu administrer son traitement au commissaire.
Alors qu’il vient en aide au gamin, celui-ci décide quand même de lui jouer un sale tour. Parce que pour lui, Fernando Pais est comme les autres : un vendu, à la solde de l’oppresseur.
En fait, le médecin n’a choisi aucun camp. Depuis quelques années, il a choisi de ne plus s’intéresser aux arrestations arbitraires, aux témoignages de torture et aux restrictions des libertés. Profitant d’un revenu confortable, il passe d’une maîtresse à l’autre et profite de sa vie de célibataire comme d’un éternel été. Mais personne n’est hors de danger face à la dictature.
Dans Sur un air de Fado, Nicolas Barral parvient à créer une ambiance si bien travaillée qu’on a l’impression d’être à l’intérieur de l’album. On croirait sentir la brise chaude sur notre visage, entendre les cigales chanter et humer l’air marin. Les choix de couleurs, la douceur des formes, nous transporte et le contraste avec le contexte politique est d’autant plus violent.
De fait, on saisit l’envie du personnage principal de vivre dans la quiétude en ignorant la réalité. Au fil des pages, nous apprendrons pourquoi il a décidé de faire comme si de rien n’était (parce qu’il y a bien sûr une raison). Sur un air de Fado est un album à la fois doux et triste, terrible et fascinant, en plus de raconter un vrai morceau d’histoire.
Sur un air de Fado de Nicolas Barral, Dargaud
Sortie janvier 2021
Illustrations : © Nicolas Barral / Dargaud