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par Republ33k - le 10/02/2017
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par Republ33k - le 10/02/2017

FIBD 2017 : Christophe Arleston nous parle de sa Fantasy

Comme de nombreux autres auteurs, Christophe Arleston, le papa de Lanfeust, était de passage à Angoulême à la fin du mois dernier. L'occasion pour lui de présenter sa toute nouvelle série de Fantasy, une histoire de vengeance qui répond au nom de Sangre, et de reprendre son souffle entre deux projets.

L'année dernière, le scénariste assurait mine de rien la bonne conduite de toutes ses séries, dont la toute dernière mais aussi les Naufragés d'Ythaq, par exemple, tout en nous offrant son premier roman, Le Souper des Maléfices, paru chez ActuSF.

Un homme occupé donc, et qui pourtant, continue de créer des mondes. Connu pour ses "séries-univers", Christophe Arleston a une nouvelle fois du mettre sa créativité à l'épreuve pour Sangre, que son éditeur Soleil décrit comme une série de Planet Fantasy. Mais au juste, la Planet Fantasy, qu'est-ce que c'est ? L'auteur nous répond :

Je ne cherche pas à définir le genre. Le genre en réalité je m'en fous je raconte une histoire, avec des personnages. Ce dont j'avais besoin, là pour mon récit, qui va être en huit albums - on a vu que le premier - mais j'ai besoin de pouvoir changer de lieu, de civilisation, d'avoir des histoires qui vont se passer dans des civilisations assez différentes les unes des autres sans être emmerdé par des déplacements et des voyages.

Donc il fallait que je trouve un truc, et j'ai trouvé ce truc des dragons qui passent d'un monde à l'autre histoire de justifier des endroits très différents. Mais en l'occurrence pour une fois, moi qui aime bien le côté Road Movie de Fantasy, le voyage ne m'intéressait absolument pas et le concept était donc le suivant : on a des mondes reliés par des nœuds dans lesquels peuvent passer des dragons, point. Et je ne me suis pas plus attardé que ça.

L'avantage du Planet Fantasy est aussi d'avoir des évolutions technologiques légèrement différentes, selon les endroits. Mais je ne fais pas de la vraie Planet Fantasy dans le sens où je n'ai pas d'éléments de SF, donc à la limite les Naufragés d'Ythaq s'inscrivent plus dans ce courant que Sangre. Mais je ne pense pas qu'il y ait une seule définition de la Planet Fantasy. Après chercher des définitions de genres et de sous-genres de la Fantasy, c'est rentrer dans des arborescences !

Comme nombre de fans de Fantasy - et moi y compris - l'auteur ne s'attarde donc pas sur les définitions et les codes des genres ou des sous-genres.

Qu'importe l'univers, c'est l'histoire qui reste centrale. Et pour Sangre, Christopher Arleston s'est attaqué à un type d'intrigues qu'il n'avait pas encore couvert, la bonne vieille histoire de vengeance :

Pour moi c'est une histoire humaine et pour la première fois c'est une histoire de vengeance parce je n'avais jamais attaqué ce sujet là. Et c'est un sentiment qui m'est assez étranger la vengeance, donc je voulais m'interroger sur ce qu'est la vengeance et ce qu'elle peut faire sur quelqu'un et comment va évoluer le personnage avec sa vengeance, en l'assouvissant au fur et à mesure. Donc ça c'était l'axe numéro un, parce que je veux vraiment qu'on sente l'évolution et la réflexion de Sangre par rapport à cette vengeance. Et elle amorce cette démarche dès la fin du tome 1, même si je n'ai plus la phrase exacte en tête. Et d'autre part j'avais envie d'avoir mes personnages, mes méchants, et développer de fortes personnalités à chaque méchant, dans l'espoir de trouver à chaque fois quelque chose d'original parce que finalement on sait ce qui va se passer dans chaque album : elle va trouver un mec et elle va se venger ! 

Mais challenge de taille, annoncée en 8 tomes, Sangre promettait, dès la conférence de Delcourt et Soleil lors de l'édition 2016 du festival d'Angoulême, d'abattre un à un ses vilains. Le rythme est donc déjà posé, alors comment surprendre le lecteur sur une série au long cours ? L'auteur a réflichi à cette problématique, et encore une fois, tout est une question de créativité : 

J'espère que les surprises seront au rendez-vous. Le challenge c'est de trouver un système à chaque fois : comment elle va se venger ? Trouver le mec ? Dans quel état elle va le trouver ? C'est pour ça qu'à chaque fois la personnalité du méchant est très importante, par exemple dans le tome 2, que je suis en train d'écrire, Sangre arrive à la page 15 donc on passe plus de temps avec le méchant.

Et si les lecteurs et les auteurs ont bien quelque chose en commun, c'est sans doute leur passion parfois démesurée pour les vilains : on le sait, l'idée de s'encanailler avec le mal est capable de transcender même la plus simple des histoires.

Christopher Arleston en est conscient et se souvient que l'amour du public et des auteurs pour les méchants n'est pas qu'un bête effet de mode, comme en attestent la place des vilains parmi les personnages les plus cultes de la culture pop' :

Ah oui j'adore écrire les méchants ! Les méchants sont les meilleurs personnages. Et c'est pas moi qui le dit, Hitchcock et Disney qui le disaient déjà : une bonne histoire c'est un bon méchant ! Et surtout là c'est très important parce que... Mais je me retiens parce que j'ai envie de spoiler là (rires) mais en même temps, si tu veux, le tome 1 était un peu frustrant pour moi parce que c'était un tome d'exposition où tu dois mettre en place tous les trucs, et donc je ne pouvais pas fignoler et aller très loin dans la vengeance ! Pour le moment en tous cas, je devais trouver un truc, et la faire se venger d'un mec d'une manière assez basique. Par contre pour les suivants ça va être beaucoup plus sournois, beaucoup plus subtil ! 

Pour s'assurer d'une certaine originalité, mais aussi pour assurer sa folle productivité, sans doute, le scénariste a d'ailleurs fait équipe avec Fred Blanchard, éditeur chez Delcourt et responsable des concepts visuels derrière Sangre. Une approche presque hollywoodienne que nous décrit Christophe Arleston avec ces mots :

En fait Adrien (Floch, le dessinateur) voulait faire Sangre mais ne voulait pas arrêter Ythaq non plus, il voulait rester sur le rythme d'un par an. Donc je lui ai proposé un encreur pour aller plus vite, mais il me disait qu'il perdait du temps sur la recherche des designs, surtout. Donc on a réfléchi à quelqu'un qui pourrait faire ces designs, et Adrien avait quelqu'un en tête, et ce quelqu'un dont il n'osait même pas rêver c'est Fred Blanchard. Donc on l'a approché et ça c'est bien goupillé. Et désormais moi j'envoie le scénario à Fred et Adrien en même temps et Adrien, en fonction du scénario, dit à Fred ce qu'il lui faut, comme les intérieurs de tel endroit, les façades de tel autre endroit. A son tour Fred nous propose alors des tas de dessins et ensuite on pioche dedans, on réutilise... C'est très agréable comme collaboration !

Autre "sécurité" : des amis et lecteurs fidèles qui offrent à l'auteur un retour sur ses dernières créations.

Un vrai petit think tank qui permet aux univers de Fantasy d'Arleston de ne pas se répéter, ou de ne pas se contredire :

J'ai pas de carnet où je barre des concepts. Je n'ai pas une bonne mémoire mais j'ai des amis qui ont une meilleure mémoire que moi et à qui je fais lire mes scénarios et qui me disent parfois "ça tu l'as déjà fait dans le tome 6 de Lanfeust !". Après c'est vrai que sur le monde de Troy surtout, je dois jouer avec le risque de retomber sur mes propres pattes mais bon j'essaye autant que possible de me renouveler à chaque fois. Après j'ai ma personnalité, mon humour et ma façon de fonctionner donc je ne peux pas faire quelque chose de différent de moi-même.

Et dans notre esprit, Christophe Arleston a toujours autant été un créateur d'univers qu'un scénariste de bande-dessinée. Ce qu'on pourrait voir comme un atout à l'heure où les projets transmédia fleurissent, et même en France, en témoigne le succès de Lastman à la télévision ET dans les librairiesSangre ou même Lanfeust pourraient-ils profiter de cette tendance ?

Le problème c'est que passer du côté de l'audiovisuel, c'est perdre le contrôle. Il y a des enjeux financiers beaucoup trop gros. Mois j'ai pu le voir avec Lanfeust et les Trolls, qui ont fait l'objet de séries télé : on avait plus aucun contrôle sur rien. Ca été deux très mauvaises séries : sur les Trolls on nous a laissé le contrôle sur le scénario mais on nous a collé un très mauvais réalisateur qui a planté tout notre travail, les gags tombaient à plat par exemple, parce qu'il n'avait pas le sens du timing. Sur Lanfeust on avait un super réalisateur, Antoine Charreyron, et on avait de gros moyens, mais par contre on avait M6 qui voulait du 4 à 6 ans, soit du "pré-school" dans le jargon. 

Et tu te retrouves avec des gens qui achètent une licence comme Lanfeust mais pour faire du 4 à 6 ans ! Mais pourquoi ? Cétait un robinet d'eau tiède où il ne se passe jamais rien avec des trucs du style : "oh mon dieu une fleur, non ne l'écrase pas c'est méchant d'écraser une fleur !" (rires) et t'as envie de leur dire "mais tu m'as payé une fortune la licence de Lanfeust pour faire ça, c'est quoi cette connerie ?"

Malgré tout, le marché évolue. Le contexte dans lequel naissent les adaptations, quelque soit le support, semble de plus en plus favorable aux auteurs. L'arrivée d'un Blockbuster hollywoodien à la française, Valerian, le montre bien.

Moralité : ne pourrait-on pas imaginer un trairement similaire pour Lanfeust et l'univers de Troy, à l'avenir ?

Disons que dans un monde idéal oui, surtout dans un monde où tu peux suspendre ou multiplier le temps parce que quand je vois les copains qui se lancent là-dedans c'est à chaque fois un ou deux ans pour faire un film, et moi je n'ai pas envie d'arrêter d'écrire pendant tout ce temps ! Et ce sont des domaines où il y a tellement d'intervenants, de financiers, tu te retrouves dans des trucs... J'ai un peu bossé pour le cinéma dans les années 2000, tu te retrouves dans des réunions avec 40 personnes dont les trois quarts sont incompétents mais il faut tous qu'ils aient leur mot à dire, sans compter les jeux de pouvoirs dans les boîtes de productions. C'est là que tu te rends compte qu'on est peinards dans la BD. On est deux, le dessinateur et moi, et c'est tout. On a une grande liberté en BD et ça c'est précieux. 

Bon après le passage à l'écran c'est un peu un rêve mais j'ai toujours fait des trucs qui sont du grand spectacle. Donc ça ne peut pas être de la production cheap. Et en France clairement, malgré la baisse des coûts des effets spéciaux, il n'y aurait qu'Europacorp pour avoir les moyens. Or, le problème de Besson, c'est que quand il prend un truc... Après j'attends de voir le Valérian ceci dit, mais je n'aime pas perdre le contrôle. Or les gens du cinéma ne laissent pas le contrôle à un auteur de BD parce qu'il y a des millions d'euros en jeu. Alors qu'un éditeur te fout la paix : il n'y a quelques milliers d'euros d'imprimerie en jeu.

Alors qu'est-ce qui attend notre auteur pour l'avenir, si l'envie des adaptations est passée ? Christophe Arleston nous explique qu'il se verrait bien écrire un roman ou deux à un rythme régulier. Une autre soupape créative, sans doute. Une "récré" pour le créateur de mondes, qui ne perd pas non plus de vue les genres auxquels il aimerait s'essayer.

Après la classique histoire de vengeance, Arleston a ainsi l'érotique dans son colimateur. Dans une coïncidence amusante, il révèle attendre le bon partenaire pour ce nouveau challenge, qu'on suivra forcément avec beaucoup d'attention :

Oui j'ai un vieux truc qui traîne depuis un petit bout de temps maintenant mais je n'arrive pas à trouver le moyen de l'aborder : c'est faire un truc érotique. Mais un truc érotique qui soit pas vulgos. Et c'est un peu la quadrature du cercle, j'en parlais l'année dernière avec Zep puisqu'ils ont fait, avec Vince, Esmera, qui est très réussi, mais je veux arriver à trouver un truc qui ne soit pas du faux-soft sous prétexte de rester classe. En fait j'aimerai trouver un dessinateur avec qui on pourrait résoudre l'équation "comment faire du Hard classe"!  Mais une fois de plus tout ça c'est de la récré !

Crédits photo : Chloé Vollmer

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