S’il avoue que c’est à la lecture de Dômu de Katsuhiro Ôtomo, l’auteur d’Akira, qu’il a voulu devenir mangaka, c’est au contact des auteurs européens comme Moebius, Enki Bilal, Nicolas De Crécy et Michelangelo Prado que son approche du dessin et de la narration évoluent. Premier gros succès en France avec sa trilogie Amer béton, adaptée au cinéma, nous avions pu lire les traductions plus discrètes des séries: Frères du Japon, Printemps Bleu, Ping-pong, Number Five et le one-shot Gogo Monster. Puis la série Le Samouraï bambou dévoile une autre facette de cet incroyable dessinateur avec cette épopée médiévale qui joue avec les codes du Chanbara (théatre ou film de sabre) avec un anti-héros sympathique.
« -Pourquoi Dracula il a les ongles aussi long ?
– Ben, sûrement parce qu’il peut pas les couper. »
Et enfin Sunny, sorte d’autobiographie déguisée où l’auteur rêve et retranscrit ses années passées en orphelinat. Si vous avez lu l’un de ses mangas vous avez remarqué l’omniprésence de personnages d’enfants aux patronymes symboliques. L’enfance et son imaginaire sont le centre du travail de l’auteur d’Amer béton et cette nouvelle série incarne la rencontre ultime de toutes ses obsessions dans une histoire intime et maîtrisée. La Sunny est une Nissan jaune et rouillée qui se décompose lentement dans le jardin de ce foyer et devient la cabane à fantasme des habitants du lieu. Une matrice d’où s’affine et s’amende l’imaginaire des gamins entre deux conneries. Le mangaka nous dévoile un de ses secrets et une clef de lecture pour relire ses séries ainsi qu’une belle histoire de formation à travers les membres de cette communauté orpheline qui ont en commun la solitude et de vivre en dehors de la société.
Un groupe de gamin trouve un échappatoire dans l’imaginaire matérialisé par une vieille voiture au centre de leur univers urbain. L’amitié, les rivalités, les espoirs et les déceptions de l’enfance prennent vie à travers le quotidien des orphelins et de leurs tuteurs.
Les dessins sont généreux, électriques ; le découpage laisse toujours une large place aux illustrations pleine page et aux « collages » visuels les plus poétiques. C’est une lecture envoûtante qui nous propose de naviguer entre l’histoire et l’envie de rester à feuilleter encore et encore les pages oniriques qui ponctuent la série.